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Une belle logique.

- Dring !
-Allô ?
-Chou…
-Ah ! c’est toi.
-Je suis à Carrefour…
-Je roule, là…
-J’en ai pour une minute…
-Vas-y.
-C’est pour les champignons. Si j’en prenais en boîte, au lieu des frais…
-Tu prends ce que tu veux. Je m’en fous. Je raccroche.
-Non ! C’est parce que je lis sur la boîte antioxygène, acide citrique, et encore des autres trucs. C’est bon ça ? Dans le frais, on n’a pas ça.
-Alors prends du frais.
-C’est qu’y en a plus !
-Alors, prends en boîte…
-Et puis, y a la date de péremption, décembre 2016 ! C’est pas normal.
-Quoi, c’est pas normal ? T’as l’intention de les bouffer après 2016 ?
-Les frais, on peut pas les garder si longtemps.
-Ecoute, tu fais ce que tu veux. Je m’en tape. Je suis en conférence. Alors tu comprends…
-Comment t’es en conférence ? Tu viens de me dire que tu roulais !
-…je roule pour aller à la conférence.
-Tu dois rouler pour passer de ton bureau à celui du directeur ? C’est plus dans le même bâtiment ? Qu’est-ce que tu me racontes ?
-Je reviens de chez un client, donc je roule pour aller à la conférence du vendredi, là, t’es contente ? Maintenant je raccroche.
-J’ai entendu qu’on riait à côté de toi ! Et t’as dit « raccroche » plus fort, pour couvrir une voix de femme. Tu me prends pour qui ?
-Qu’est-ce que tu vas chercher ? Je suis seul, je te dis.
-Et puis tu fais les clients, maintenant ? Depuis quand un comptable fait les clients ? Tu te fous de ma gueule, plutôt…
-Tatane, voyons, je n’ai personne. T’as peut-être entendu Lady Gaga quand je me suis arrêté à un feu. C’est un jeune à côté qui avait mis ses baffles à fond…
-Prouve le moi… que t’es seul !...

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-Comment ?
-Braque la webcam sur le siège passager, j’allume mon Mac et on n’en parle plus.
-Bien merci ! C’est toute ta confiance… et en pleine circulation encore…
-Tu pousses sur « On » et tu braques…
-Je tourne, plein boulevard Anspach. Mais, tu veux ma mort, dis, vampire ?
-Arrête-toi et fais ce que je te dis.
-Ah ! mais pas question. D’abord, c’est des conneries. Si je m’arrête, et même si j’avais une passagère, elle aurait le temps d’ouvrir la porte et de sortir.
-T’as quelqu’un, je le sens. Tu m’as toujours menti. Tu vois pas de clients. T’es pas au travail. T’es avec une pute… Espèce de salaud !...
-Gueule pas si fort, nom de dieu, j’ai l’oreille qui siffle.
-Tu me jures sur la tête de ta mère que t’as personne à côté de toi ?
-Si ça te fait plaisir, je le jure.
-Ah ! t’aimerais bien que ça passe au bleu, hein, salopard ! Tu t’en fous de jurer sur ta mère, tu crois à rien…
-Alors, pourquoi tu me fais jurer ?
-T’as rien de sacré, dans le fond. Tu crois qu’au cul !...
-J’en ai assez que tu me prennes pour ce que je ne suis pas. Ta jalousie est écœurante. Je ne me rappelle même plus quand je t’ai trompée pour la dernière fois, tellement c’est loin.
-Mais, tu te rappelles quand même comment t’es venu chialer chez ma mère, et si ça n’avait pas été mon père qui t’a fait rentrer, tu serais toujours sur le trottoir à supplier… Ça tu t’en rappelles, puisque tu m’en reparles tous les soirs, quand je veux pas que tu viennes me tourner autour…
-Je sais bibiche, mais je t’assure que je suis seul. Voilà, je prends à gauche et je rentre chez Bordure, père et fils. Je raccroche, à ce soir.
…..
Un type chez Carrefour pousse le caddie de Bibiche :
-T’es dure avec lui.
-Faut pas lui laisser le temps de dire ouf, à ce salopard. Il m’a trompée avec n’importe qui, je fais pareil…
-Merci, pour le n’importe qui…
-Je ne parle pas pour toi trésor. Avec toi, c’est pas la même chose…
-On dit ça…
-Faut que je l’assaisonne, ce voyou, que je lui laisse pas d’allonge. Ça l’occupe.
-Ouais. Mais tu le trompes !
-Tu vas quand même pas me le reprocher ?
-Non. Mais je trouve ça bizarre…
-C’est parce que vous manquez de logique, vous, les hommes !
…..
Au même moment, dans la voiture :
-Qu’est-ce qui t’as pris de rire comme ça ?
-Elle est dingue ta femme ?
-Elle se méfie.
-C’est pas une raison. T’aurais pu avoir un accident.
-Qu’est-ce que tu veux, elle n’a plus confiance.
-Elle n’a pas tort.
-Plains-t-en !
-T’es quand même un beau salaud !
-Et toi ? Tu trompes pas le fils Bordure avec moi ?
-Ce n’est pas pareil. Nous avons des raisons, nous les femmes.
-Ah ! oui ?
-C’est un salaud !
-Comme moi, alors ?
-C’est pas pareil.
-Un salaud, c’est un salaud…
-Oui, mais lui, en plus, c’est le fils du patron et je suis syndicaliste.
-Pourquoi tu couches avec un patron, alors ?
-T’as déjà vu qu’on parlait de ça au lit ?
-Va comprendre quelque chose !
-Vous manquez de logique, vous les hommes !

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