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Sueur et cambouis.

Quand on ne comprend plus le siècle dans lequel on vit, quand tout devient insupportable, on devrait pouvoir passer la main, arrêter de jouer la comédie, envoyer se faire foutre tous les grandioses qui nous fatiguent de leur suffisance et partir.
Oui, mais voilà, le monde occidental est pris de frénésie. La transe est en spectacle qu’on habite Monterey, USA, ou Houte-Si-Ploût, Esneux.
On ne sait plus où s’abriter. Même avec des idées de stylite, la poste vous poursuit, sans compter les impôts, et les conventions qui ont établi qu’on ne peut pas échapper à la société.
Partout de l’économie à l’éducation, des associations de pétanque à l’emploi chez Carrefour, quelques mots sont suffisants pour comprendre tout de la dinguerie générale. Il y en a un supérieur à tous les autres que l’on emploie chez soi, à la pêche sur le bâti à Hamoir, au FOREM, à un bar à filles sur la route d’IKEA, onze lettres qui expliquent tout : Performance.
Nous sommes à la même enseigne, dans l’obligation de dire que c’est super la performance !
Puis viennent les autres mots pour compléter, comme si l’horreur du premier n’était pas suffisante : qualité, management, diplôme, et, comble de la perversité, il convient de falsifier les définitions et trahir notre pensée en utilisant des mots : amour, félicité, joie, plaisir, en parlant du travail.
C’est tout à fait lamentable.
La honte me pétrifie devant l’unanimité des imbéciles !
Il ne faut surtout plus dire « Association », mais « entreprise associative », « animateurs » mais « dirigeants ».
La Société est en train de se faire bouffer par l’économisme généralisé.
Au nom de la performance, nous voilà tous mobilisés, la bouche pleine de mots guerriers pour qualifier la crise, obligation de passer à l’offensive, revenir à la croissance, sous peine d’être accusés de désertion, traités de mauvais Belges au moindre signe de relâchement !
La société civile n’est plus abordée que du point de vue des marchés. Ce qu’ont dit les marchés… l’importance des marchés. Celui qui ne trouve pas les marchés importants est un traitre, un renégat, un sale type, un pauvre enfin…
Qui pisse à la raie des marchés est mis à l’index, interdit d’entreprise !... Allez donc dire à un placeur du FOREM « je pisse à la raie des marchés », ça ne fait pas un pli, vous aurez droit à l’avertissement. Vous persévérez ? C’est la sanction et bientôt le fol est rayé des registres et aura perdu toutes chances d’emploi.
Le pire : les guignols de gauche pensent pareil ! La FGTB n’a que ces mots à la bouche ! La droite, on n’en parle pas. C’est inutile de demander aux Michel si quelqu’un qui se moque de la performance et qui encule les gens de pouvoir à encore le droit de s’asseoir à Jodoigne sous la tante libérale, quand la famille Michel chante l’hymne au Premier mai. Pas pour eux, puisqu’ils n’ont jamais bossé, mais pour nos viandes, devenues pire que les Dutroux dès qu’elles renoncent à trouver le travail épatant !
On voit d’ici la gueule de Davignon, puant le tabac à dix mètres, ne pas hésiter à nous l’envoyer dire « La reconversion interne avec un effort soutenu de formation, l’outplacement, l’essaimage, à l’intérieur de l’entreprise sont un aspect d’une démarche qui est en train de s’imposer ».
Tandis que le vieux nous balance sa rhétorique, on voit les poils qui lui sortent du nez se tordre au rythme de son souffle, à l’assaut de la théorie des cordes.
Le plus beau, c’est le partenariat à l’interview. L’accompagnateur jouit littéralement devant le prompteur ! Sur la sellette de l’école de la performance on apprend à serrer les fesses en souriant.
Bosse ou crève… J’apporte les pièces, je brosse l’atelier, je monte le courrier sans salir la moquette, je remplis les burettes, je range les outils… je vous fais quoi après ?... une pipe ?
C’est dit, je quitte le marketing. J’abandonne la performance. Je me tire. Je vire anar et je vous emmerde.

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Demain, je vends ma BMW 6 cab, je distribue mes havanes Montecristo, je pars en Falcon 900, justement pour Monterey où m’attend Sharon Stone, plus très jeune, mais qui compense par un QI de 152, un bateau de 18 mètres et encore de longues jambes.
Surtout qu’on ne me parle plus jamais de bosser, la seule idée me fait gerber !
Quant à vous, arrêtez d’être performants dix minutes, le temps d’enjamber les corps valise Vuitton à la main, vous me donnez la tremblante du mouton.

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