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La merde d’hier !

C’est bien la presse belge dans toute sa duplicité, cette information concernant l’éventualité d’une enquête sur l’assassinat de Patrice Lumumba… perpétré en 1961. Non pas qu’il fallait ignorer le rebondissement d’un fait-divers politique en 2012, mais on aurait pu écrire les faits réels, il y a 51 ans, bien connus de qui le voulait ! La presse actuelle a oublié les appels à la haine contre ce premier ministre congolais, la Meuse, Le Soir, la Dernière Heure, tous encore en activité. Les dénonciations du « communiste » des plumes du temps, jusqu’à lire entre les lignes que ce qui était arrivé à l’homme d’Etat de la jeune République du Congo, c’était bien fait. Qui s’en souvient encore ? Ces torchons existent toujours dans les bibliothèques et sont consultables.
Comment osent-ils revenir là-dessus en toute objectivité ?
Un demi siècle plus tard, que voulez-vous qui soit encore intéressant ? Leur mea culpa pour leur légèreté ? Pensez donc, si ça se trouve, demain ou après, ils se tairont sur un nouvel assassinat, avec la même ferveur qu’ils se sont tus en 1961.
A part écrire avec plus de sérénité qu’en 61 des articles moins « guerre froide » et anticommunismes primaires, ce ne seront quand même pas quelques corrections de l’histoire de ce qu’on n’a pas osé écrire, qui fera une demande de pardon de ce massacre-là !...
Les quelques protagonistes belges encore en vie sont des seconds couteaux, jeunes diplomates ou jeunes industriels à l’époque, qui ont probablement joué un rôle minime de facteurs entre les pouvoirs belges de l’époque, le jeune Beaudouin 1er et les services secrets américains. Vieillards en pyjama dans des homes, ils seront loin de fournir le contingent de responsables.
Car des responsables, il y en eut, et pas des moindres, complices d’un assassinat qui vit son aboutissement dans le sacre de Mobutu, l’homme de la CIA.

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Pourquoi les journaux sont-ils de moins en moins crédibles et perdent-ils des lecteurs à longueur d’année, en ce jour où il consacre l’essentiel de leurs infos dans ce fameux épisode mathématique du 12 du 12 de l’an 12 ? La réponse est dans la question.
La presse a perdu son rôle de contre-pouvoir en Belgique francophone, probablement en Flandre aussi. Ici, c’est flagrant. Il n’y a qu’à lire la presse parisienne, pourtant assez passive, mais dix fois plus sensible à d’autres arguments que ceux des directions industrielles et des instances officielles du gouvernement.
Dans son dernier livre sur la presse « Indiscipliné. La communication, les hommes et la politique. », chez Odile Jacob, Dominque Wolton pensent que les journalistes sont de moins en moins crédibles. Il perçoit une oligarchie médiatique qui ne représente ni l’opinion, ni la société, mais elle-même. Il la voit parfaitement à l’aise avec l’élite politique.
C’est bien vu en France, ça l’est davantage en Belgique.
L’opinion populaire n’y est jamais écoutée, depuis que les journaux de gauche ont disparu. Et ce n’est pas un hasard qu’ils aient disparu. Sans être des loyaux rapporteurs des tendances populaires, ils faisaient contrepoids aux salades publiées par les journaux adverses de l’époque, journaux qui existent encore aujourd’hui, en moins anti marxiste, certes, en plus centralisateur et en « moyenne pensée », du genre de celle de Béatrice Delvaux, son dada européen et sa Belgique royaliste et conformiste, en un mot bourgeois. C’est dire qu’ils émettent une pensée médiocre, dite sage, lénifiante et, finalement, aussi, sinon plus ennuyeuse que l’était « Le Monde du Travail » et le « Drapeau Rouge ».
Bien sûr, les journaux qui ont disparu étaient tendancieux et les directions poursuivaient des buts de politique personnelle qui étaient aussi préjudiciables que l’était la presse libérale, mais, ils faisaient contrepoids. On avait deux versions des choses. On pouvait faire le tri. Parfois un grand coup de gueule d’un syndicaliste nettoyait l’atmosphère. On respirait mieux.
Les Rossel et Cie n’ont pas compris qu’en tuant la presse d’opposition, ils se privaient plus de partenaires que de concurrents. Ils s’éloignaient un peu plus des opinions du peuple. Ils ne la perçoivent plus. Exactement comme les socialistes de la social-démocratie, qui en rejoignant le monde libéral, ne comprennent plus ceux qu’ils ont la prétention d’encore défendre.
Alors l’affaire Lumumba, rewritée par le Soir, réactualisée par la Dernière Heure, qu’est-ce qu’on en a encore à foutre ?
On n’a pas d’homme pour faire un Watergate version Manneken-Pis. C’est même indécent : on ne peut pas demander aux successeurs de ceux qui ont fait semblant de ne pas voir les assassins de Lumumba, écrire des papiers objectifs sur le crime.
Il y a mieux à faire. Trop de canailles aujourd’hui courent encore les Assemblées pour se donner bonne conscience en touillant dans la merde d’hier !
Comme dirait la RTBF : une bonne conscience retrouvée ne nous rendra pas le Congo !

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