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L’odeur de l’argent.

Une profession qui ne craint pas la crise, c’est bien celle de liquidateur judiciaire. Souvent ce sont des huissiers de justice qui montent une entreprise annexe de liquidation, les autres choisissent la vente publique par criée ; mais il y a des variantes et des transactions de main à la main sont parfois possibles.
Dans cette liquidation forcée, afin de défrayer au maximum ceux qui sont lésés par le dépôt de bilan, en général le premier créancier, c’est l’Etat, on n’a pas encore trouvé mieux que de vendre à l’encan tous les biens meubles et immeubles du failli. Certaines règles tirées d’un simple geste d’humanité, veulent qu’on laisse aujourd’hui frigo, tables chaises, lits et vêtements aux intéressés. Hélas ! les victimes, de cette loi de la récupération de ce qui peut l’être, sont le plus souvent convaincus que l’Etat, ne dépasse pas le tiroir-caisse des happe-chair lancés à la poursuite de leurs biens. Et ils ont raison.
Pour qui a fréquenté ce milieu, celui des ventes, des curatelles et des tribunaux de commerce, il ne lui faut pas un mois dans le circuit pour se rendre compte que ce beau monde n’a pas intérêt à sauver les entreprises, qu’il vaut mieux torpiller une affaire qui flotte encore pour qu’elle coule plus vite.
Il n’existe pas des statistiques, mais c’est un milieu où pratiquement tout le monde vole à la mesure des fonctions qu’il occupe dans le circuit, cela va de l’amateur qui fait un tour sur le chantier ou à la salle des ventes, au commissaire priseur, le concierge de l’établissement, les déménageurs des biens du failli et des huissiers et personnages de justice.
Cela fait du monde.
Si bien qu’en cas de vol manifeste, le dol passe dans le compte de profits et surtout de pertes, que l’huissier de justice établit à chaque liquidation de biens.
Tout part des tribunaux de commerce. Le flou est permanent sur le mode de rémunération des auxiliaires de justice, des syndics et des commerciaux liquidateurs.
Les administrateurs judiciaires se font des couilles en or sur les dépouilles qu’ils sont censés sauver des désastres. Ils s’y taillent la part du lion et se moquent bien des travailleurs qui perdent leur emploi dans l’aventure.
Ce milieu est chamarré, haut en couleur et on y rencontre depuis les professionnels du droit aux patrons des salles de vente, une série d’intermédiaires. Ils se paient tous sur la bête, évidemment, qui se meurt et mourra d’autant plus vite.
Le propre de certains de ces oiseaux de proie, c’est qu’ils ne sont pas rémunérés par des sources officielles, mais par les entreprises elles-mêmes, en redressement judiciaire ou en faillite.
Accueillis souvent comme les sauveurs des entreprises, ils en sont les fossoyeurs, tout en étant les petits rois, puisqu’ils reprennent toutes les prérogatives du chef d’entreprise déclarés ou mis en faillite et que ce dernier n’a plus même le droit de mettre un pied dans ce qui fut son entreprise.
On devine ce que cette mainmise peut avoir parfois d’irrationnel et de contreproductif.
Les écumeurs des ventes forcées sont parfois parmi les pires forbans du commerce ceux qui ont le moins de scrupule.
Quand, par exemple, deux patrons de salles de vente se trouvent sur un coup, ils ne surenchérissent pas l’un sur l’autre. La plus basse offre obtient le lot. A la fin de la vente, les marchands et les patrons de salles de vente, se réunissent et font la révision des lots qui peuvent ainsi passer en d’autres mains moyennant une commission. Quand, dans ce repaire de commerciaux spécialisés, un particulier tente sa chance, les mêmes haussent sur la marchandise jusqu’à ce qu’elle atteigne un prix surfait, en tous cas, égal à ce que ce particulier aurait à débourser dans une salle de vente pour un lot équivalent.
Les commissaires priseurs sont eux-mêmes des marchands. Ils arrangent des lots pour dissimuler à l’exposition des pièces intéressantes et de valeur. Des hommes de leurs relations sont dans la salle auxquels ils adjugent facilement ce qui les intéresse.
Bref, la société capitaliste est tout à fait bien représentée dans ce microcosme de margoulins, de faisans et d’hommes de loi à la limite de la délinquance ou carrément délinquants.
Parfois la cupidité joue des tours. Certains amateurs de la vente aux enchères, marchands compris, achètent à perte par une mauvaise estimation du prix qu’ils pourraient retirer de la revente.

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A d’autres moments, ce qui coûtait une fortune au failli, part pour une bouchée de pain en des mains mercenaires. Ce qui ne valait rien aux enchères, prend dès qu’il tombe dans les mains des marchands, une valeur parfois dix ou quinze fois supérieure.
C’est un microcosme des appétits des protagonistes d’un système qui de la classe la plus basse à la plus haute, de la banque à la salle de vente, met à nu les égoïsmes et qui attire les « fauves » par l’odeur de l’argent.

Commentaires

Excellente chronique, j'ai passé une partie de ma jeunesse à Herstal, à l'époque ou des dizaines de petites entreprises (ateliers de mécanique) partaient en faillite. J'ai connu en particulier un curateur, il m'a toujours profondément dégoûté pour les raisons que vous évoqués..

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