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Aveu et désaveu.

Les citoyens ont toujours eu un rapport ambigu de crainte et de méfiance à l’égard de la justice. Le mot ayant plusieurs sens, tout le monde est plus ou moins prévenu, une prévention faite de prudence et d’une crainte confuse qu’en s’exposant aux regards des juges et dans une moindre mesure de la police, on court certains risques, ne serait-ce que celui de répondre à une convocation pour un fait anodin, en somme, d’être trop près du bâton pour en être dispensé.
On dirait que ce sont les malfrats les plus aguerris, les moins atteints par cette crainte qui, d’une certaine manière, touche au sacré.
C’était voulu par l’Ancien Régime et à l’aube de celui-ci, lorsqu’on se mit à construire des palais de justice comme des cathédrales ou, comme à Liège, on annexa purement et simplement le palais des Princes-évêques pour l’usage des tribunaux, excluant le droit des citoyens d’être à « tu et à toi » avec ce qui aurait pu être un musée.
Quand, coupables et innocents sont happés par l’appareil judiciaire, il est évident que l’on se retrouve devant des gens qui ont un langage codé, et qu’ils font peu de distinction entre une crapule et un honnête homme, attendu qu’ils considèrent avec un certain mépris ceux qui n’entendent rien à leur jargon parce qu’ils n’ont pas engagé l’avocat-interprète, qui semble être le seul interlocuteur accepté par le système.
Essayez de vous défendre vous-même dans une banale affaire de roulage et vous m’en direz des nouvelles.
La justice à un coût et la défense un autre, le cumul des deux est de toute manière hors de portée d’un travailleur moyen qui n’a pas d’économie.
L’extrême lenteur de la justice est un facteur déterminant pour ceux qui ont les moyens d’attendre et qui paient leurs avocats pour faire traîner les choses. Ainsi, régler une affaire à chaud et devant une opinion publique remontée est de tout autre nature, qu’instrumenter la même, quelques années plus tard, quand l’opinion s’inquiète pour autre chose.

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L’invention des tribunaux d’urgence devant lesquels un prévenu passe au bout de quelques jours, voire de quelques heures, est exclusivement réservée aux populations pauvres à qui il s’agit de montrer que les dominants sont les maîtres du jeu et que tout désordre de la rue est sanctionné.
Lorsqu’un accusé est condamné à un premier procès et innocenté au second, si aucun élément n’est venu modifier les faits, on peut dire que le juge du premier procès s’est trompé. Or, personne n’a jamais entendu un juge présenter des excuses à un condamné relaxé et innocenté par la suite.
On nous dit que la justice est indépendante et chaque fois qu’un politicien le peut, il nous parle du régime de droit et de la séparation des pouvoirs. Depuis, qu’on voit fonctionner la justice grâce aux incursions de la presse dans les prétoires et aux commentaires des témoins, des éléments parfois contradictoires font que la justice n’est pas si indépendante que cela. Il y a d’abord le poids des intrigues, des pressions, des amitiés, des affinités, viennent ensuite les sollicitations et l'influence des familles. Il suffit de se rappeler la mémorable affaire Cools et les affaires adjacentes pour se rendre à l’évidence que c’est parfois à une lutte d’influence contradictoire, que se livrent magistrats et personnages politiques. Et puis, il y a le poids de l’opinion publique, depuis que certains magistrats sont devenus médiatiques et fréquentent les plateaux de télé, on les voit sensibles à leur image par comparaison avec les courants qui traversent l’opinion. Qu’on ne vienne pas dire qu’une fois dans leur cabinet, ils font abstraction de cela !
Bien entendu, il existe de bons et de mauvais juges par rapport à l’éthique de la profession et de la société de classes dans laquelle nous sommes plongés, même si l’opinion pense le contraire.
On peut reprendre l’idée ancienne de justice de classe, tout en la tempérant par le constat d’un certain progrès dans les rapports sociaux... jusqu’à la crise. Depuis, on fait le chemin inverse.
Qu’est-ce que vous voulez… les riches ne changeront jamais. Dès qu’ils peuvent voler davantage, rien ne les retient, même pas la justice.

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