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Le porno vengeur.

Un État américain a décidé d’interdire « le porno vengeur ». Comme son nom l’indique, un membre déçu d’une relation avec un(e) partenaire décide de se « venger » en publiant sur la Toile les photos ou des films compromettants, au temps où la vie sexuelle du couple était au beau fixe.
Outre le manque de fairplay de l’intimité dévoilée, les progrès des techniques permettent la diffusion à grande échelle de la parfaite goujaterie du procédé.
J’ignore si cette nouvelle manière peu élégante de se venger existe chez nous. Les sites de rencontre, les confidences poussées à l’extrême (puisqu’on ne voit pas l’autre) doivent gagner du terrain sur la pudeur, mais ici on touche le fond.
Parfois, certain(nes) internautes se dénudent devant l’œil de leur petite caméra, émoustillé(es) par la certitude d’être vu(es). Mais c’est un acte volontaire. Ici, l’intention est tout autre.
Le plus souvent le promoteur de cette basse vengeance masque son visage, s’il joue un rôle dans sa mauvaise pièce ; encore heureux qu’il ne désigne pas nom, prénom adresse et, pourquoi pas, numéro de téléphone, du ou de la champion(ne) du show porno à l’insu de son plein gré, comme disait Virenque, pour un autre sport.
Les frustrés, les vicieux, les voyeurs, les exhibitionnistes, il devait s’en trouver déjà au temps des cavernes, puis, beaucoup plus tard, dans les salons de l’aristocratie et dans les bastringues du peuple, mais les mauvais perdants prêts à tout pour se venger, n’assumant pas d’avoir été largués, ne disposaient alors que de faibles moyens.
Suivant un principe de précaution bien bourgeois, le grand public les ignorait tout en sachant leur existence.

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Un scandale levait parfois un coin du voile. C’est Madame Steinheil, maîtresse du président de la république, Félix Faure, qui assiste à la mort de son amant au moment suprême d’une fellation. Ce scandale dans toutes les gazettes le lendemain, motiva quelques bons mots. Il y eut aussi des objets de curiosité bien avant les écrans plats. La chaise dite de Léopold II, conservée dans un musée parisien, sa construction astucieuse permettait au roi, assez corpulent, de « servir » deux dames à la fois.
Tous ces minis scandales dont on faisait des gorgées chaudes n’étaient que l’écume des profondeurs. On se doutait bien que les abysses ne devaient pas être tristes. Il y avait des barrières dont celle de la bienséance. Il fallait que le peuple passât seul pour dépravé et le bourgeois pour respectable. Généralement, c’était le contraire. Et puis, cela touchait des personnalités. C’est-à-dire des gens fortunés qui se moquaient de l’opinion, ou des créatures sans importance qui ne voyaient dans l’éclairage soudain de leur vie privée qu’un moyen d’accéder à la célébrité, fût-elle douteuse, comme aujourd’hui certaines vedettes du show-biz nous sont connues d’abord par l’exhibition de leur derrière. Question technique, on avait le photographe Nadar. Les débuts de la pornographie semblaient timides et peu prometteurs d’avenir. Les auteurs modernes du « porno vengeur », c’est différent. De l’obscène on passe à l’exécrable. La technique règne en maître et est à la portée de tous.
Ils savent pouvoir compter sur des centaines de milliers de paires d’yeux. Et il leur semble que la personne haïe, exhibée contre son gré au voyeurisme des foules, est dégradée et salie davantage, violée en quelque sorte, expiant la faute suprême d’avoir fait du cinéaste, un cocu rancunier.
L’auteur du porno vengeur est méprisable. Sa victime paie au prix fort le tort d’avoir manqué de discernement en ayant fait confiance à un aussi piètre personnage.
Et on n’a pas encore touché le fond de cette nouvelle ignominie.
Un cinéaste amateur publiera un jour les séances chaudes de son ex avec le son, permettant à l’internaute d’entendre distinctement entre les râles et les soupirs, les quelques paroles essentielles que nous prononçons ou que nous prononcerons un jour. La plus fameuse reste « Je t’aimerai toujours mon amour ».
Je gage que celle ou celui qui sera victime de la fin du muet (comme Dejardin, mais dans un autre genre de film) aura quelque réticence à redire « toujours » à un nouveau partenaire.

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