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Le tampon du dirlo…

C’est drôle, cette manière quasiment forcée, d’imposer à un gagnant pauvre du Loto, d’en faire profiter des œuvres caritatives !
Le dernier à empocher dans les onze millions d’euros s’est cru obligé de répandre dans les gazettes qu’il entendait bien prodiguer des bribes de sa manne providentielle autour de lui.
Comme si disposer d’une certaine somme par l’effet du hasard obligeait l’heureux homme à distribuer ses gains, en même temps que la bonne nouvelle.
Demande-t-on à un CEO venant de toucher le paquet en parachute doré et en obligations préservées, quelle association de bienfaisance recevrait un chèque important ?
Alphonse Allais a trouvé la formule qui donne la réponse « Faire la charité, c’est bien. La faire faire par les autres, c’est mieux. On oblige ainsi son prochain, sans se gêner soi-même ».
On a oublié que la générosité veut la discrétion, ne serait-ce que par respect pour ceux qui reçoivent. C’est en vertu de cette délicatesse et à l’abri de la supposition d’un don que la plupart des riches se contentent de laisser courir le bruit, tout en ne donnant jamais rien à personne. Ne faire d’heureux que soi-même est le premier et le dernier principe d’une société vouée à l’égoïsme et à la consommation.
En général, les altruistes, par nature prodigues, ne peuvent donner grand-chose, puisque rien ne leur appartient. Ils donnent au fur et à mesure ou bien, ils s’en contrefichent. L’argent coule entre leurs doigts. Ils sont, plus que tout autre, dans la seule posture de recevoir.
Notre système économique pousse à l’avarice. Les belles réussites, celles que l’on cite comme exemplaires, sont celles de gens qui, pour la plupart, retiennent leurs fèces comme leurs sous (1). Harpagon ne donnent pas, il prête.
Par contre, les riches ne sont pas avares de conseils, selon un vieil adage que l’on voyait jadis au-dessus des comptoirs « un renseignement ne coûte rien ». Dès lors, on comprend la ruée dans l’exemplarité, à partir du moment où l’on donne sans sortir de l’argent de sa poche.
Parmi les gazettes de référence de ces choses, La Meuse a une place à part. Voilà si longtemps qu’elle tient la place des riches en conseils gratuits !.
Cette semaine, elle nous livre son indignation à propos de 6 entreprises sur 10 qui se déclarent confrontées aux phénomènes des "chômeurs faux candidats travailleurs". « L’unique motivation de ces pseudo-demandeurs d’emploi n’est pas de bosser – ne nous l’envoie pas dire cette information estimable – mais bien de conserver leurs allocations. Mais ceux-ci sont rarement dénoncés par les employeurs. Le SNI (syndicat neutre des indépendants) plaide donc pour un système central de dénonciation. »
La dénonciation qui fut sous l’occupation allemande de 40-45 une sorte de sport national, devrait, selon le rédacteur de cette nouvelle, reverdir à nouveau 70 ans plus tard.
Et d’enfoncer le clou « Ils (les chômeurs) se présentent à l’entretien d’embauche. Mais leur objectif n’est pas de trouver un emploi. Simplement de décrocher le précieux cachet, la signature qui témoignera de leur démarche pour trouver un job. Et ainsi conserver leur allocation de chômage sans effort. »
Le syndicat neutre des indépendants relayé par le Journal La Meuse souhaiterait une application en ligne de désignation des fraudeurs, pour qu’elle atteigne par l’électronique, la perfection de la lettre anonyme de jadis.
Le voilà tout tracé le chemin du futur altruisme : dénoncer son voisin parce que tous les voisins ont des choses à se reprocher à commencer par la plus importante, ce sont des voisins ! Ils polluent l’espace dans lequel nous respirons, par leur seule présence.

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Outre que pour un chômeur, se lever plus tôt que d’habitude pour faire la file dans un bureau d’embauche afin d’obtenir un tampon sur un papier qu’on lui refuse parfois (faut-il le dire) constitue véritablement un effort pénible, je ne vois pas en quoi le dénoncer comme voisin fainéant ferait soudain rebondir la conjoncture vers une prospérité nouvelle.
Sinon, ça se saurait et les syndicats eux-mêmes dénonceraient ce modeste parasite comme la plaie béante du système capitaliste.
Je peux comprendre que le syndicat neutre des indépendants soit nostalgique de la gestapo, mais n’est-ce pas un peu trop pousser l’altruisme du « renseignement qui ne coûte rien » sous prétexte qu’il peut rapporter beaucoup ?
Qu’en pense l’heureux gagnant du Loto qui va répandre ses liasses de billets au hasard de son flair de nouveau riche ?
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1. Freud, Malaise dans la civilisation.

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