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Nos trous noirs.

Du bigoudi enregistreur, au godemiché caméra, l’espionnage invente tous les jours. Notre intimité fout le camp, nos libertés aussi. La démocratie vit dorénavant comme les animateurs de télévision, avec une oreillette et un œil sur les indices d’écoutes.
Du micro espion à 19 € 95, jusqu’au camion capteur de sons, en passant par des kilomètres de mémoires stockées dans les sous-sols de la CIA, tout le monde écoute tout le monde, c’est la course au pognon et un peu aussi à la sécurité qui veulent ça !
C’est curieux, mais depuis l’information à la Wehrmacht, la lettre anonyme à l’Occupant et ensuite la dénonciation à la Résistance pour qu’on rase la tête de la voisine qui a « fait » avec les boches, de tous temps, le « bon » Belge a toujours eu une bizarre idée de la patrie et, pour le moins, son patriotisme a quelque chose de suspect.
Aujourd’hui, il est servi.
Sécurité oblige. On officialise la lettre anonyme, on privilégie l’information « spontanée ». On réinvente « un ami qui vous veut du bien ». Du téléphone portable à l’ordi, ceux qui n’ont rien à se reprocher poursuivront le troupeau à perpète. La brebis égarée, l’autorité n’aime pas ça. Fesse contre fesse, rester dans le troupeau est un moyen de passer l’hiver au chaud et l’été au soleil.
Pourtant la chasse au pognon qui est dorénavant l’objectif « moral » numéro un, recommande d’en sortir, afin de faire quelque chose d’original pour épater la galerie et rafler au passage le prix de l’innovation.
Alors, on est entre deux idées, celle du troupeau et celle de la brebis égarée.
À l’image de l’Europe d’ailleurs.
L’année dernière les Américains ne se faisaient pas scrupule de laisser traîner leurs grandes oreilles dans les palaces où vit le gratin qu’admire l’enthousiasme populacier des foules. Hollande, Merkel, et combien d’autres, tous espionnés par le grand allié, l’ami fidèle en lequel tout le monde a confiance, c’était à ne pas croire !
Cette année, on apprend que les « services spéciaux » d’Allemagne espionnaient en sous-traitance de la CIA, les grands amis français.
Si on ne sait rien de ces écoutes en Belgique, c’est parce que nos chefs sont tellement amoureux du pognon et de ceux qui le dispensent, qu’ils espèrent récolter les fruits de leur silence. Sodomisés sur la croix par l’Oncle Sam, Reynders et Van Overtveldt crieraient encore dans un dernier soupir, vivent Wall Street et l’Amérique !
Cette intrusion des « Services » a une autre conséquence. Dorénavant, des techniques dont vous n’avez rien à savoir entrent dans les mœurs des polices « spéciales » ou habituelles. La belle excuse, le génial prétexte, ce sont les tordus de l’intégrisme musulman qui nous les procurent.

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On nous espionne, pas pour savoir si nous votons bien, ni si nous marchons droit le week-end pour rejoindre notre voiture, mais pour déjouer les complots des religieux intensifs qui n’ont pas besoin de se rendre à la Mecque pour nous polluer la vie, mais viennent directement des environs de Damas en passant par la Turquie (merci Erdogan). Bien entendu, accessoirement, ces enquêtes électroniques serviront aussi pour les « choses de la vie » qui ne tournent pas dans le sens de la démocratie libérale. On ne m’a toujours pas expliqué ce que pourrait faire un de nos brillants écouteurs officiels qui apprendrait, incidemment, qu’il est cocu par son meilleur ami, grâce à un nouveau gadget imaginé à Silicon Valley ?
Sartre a écrit la P… respectueuse en 1945. La pièce conviendrait parfaitement à nos journalistes. Sartre dépeint l'aliénation de ceux qui ne trouvent pas dans l'oppression la force de se révolter et sont les victimes consentantes de l'ordre établi, même quand ils découvrent que cet ordre se fonde sur la violence et l'injustice.
Alors, il ne faut pas s’attendre à ce que vous sachiez tout sur les écoutes et autres moyens divers d’intrusion dans notre vie privée. Mieux même, vous n’en saurez rien.
Ce qui aurait irrité nos grands-parents et notamment les nouvelles mesures à l’encontre des chômeurs, c’est l’idée qu’il nous faut être transparent pour être au top, afin de conserver notre place, notre confort, notre pognon.
Nous continuerons à défendre nos petits secrets de fabrication à coups de contre-espionnage et de gadgets de sécurité, de l’avidité des États à main-d’œuvre quasiment gratuite.
C’est quand même grâce à notre espionnage que les spéciaux ont refilé à nos industriels, la nouvelle des 7 millions de travailleurs allemands qui gagnent moins de 450 € par mois ! Mais chut !... surtout ne dites ça à personne. Le miracle allemand fait partie de nos mythes et aide notre ascèse pour que le capitalisme belge nous mette à niveau.
Voilà qui a donné des idées à notre hyper informé Charles Michel.
Mais, ne vous en faites pas « Vous n’avez rien, à vous reprocher ». C’est ce qu’on vous reproche d’ailleurs !

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