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Trop plein juridique.

Nul n’est censé ignorer la loi, dit-on. Voilà bien l’impossibilité la plus absolue et la plus démontrée qui soit. Comme si le citoyen était tenu d’apprendre le Code quasiment par cœur ! Ce n’est pas qu’on veuille l’ignorer volontairement, mais il est impossible, même à un avocat, de connaître toutes les lois.
Est-ce pour cela que le législateur en profite pour légiférer à tour de bras ? Je pense qu’il le fait « pour ce qu’il croit être notre bien » et sans nous demander notre avis. On en arrive ainsi à une législation très resserrée à propos de tout et de rien, dont on peut dire que la première victime n’est pas le délinquant, mais le citoyen en butte au harcèlement du bien !
Certaines lois sont tellement reprises, amendées, par le Conseil d’État, réaménagées pour un ixième passage à la Chambre, que sa lecture dans le Moniteur nécessite la collection complète de plusieurs années.
Nous sommes submergés par la « logorrhée législative et règlementaire ». La prolifération des lois rassemble la colère des citoyens contre les législateurs, ceux-ci pris entre l’orgueil d’avoir une loi qui portera leur nom et l’intérêt de se présenter devant l’électeur avec quelque chose de concret.
Les parlementaires sont particulièrement prolixe en la matière, auteurs notamment de redondances en matière de sécurité. C’est tout le sens qu’on donne à la liberté et au libre arbitre qui est en danger en Belgique.
Je ne vais pas donner d’exemples précis, ils abondent. Je citerai seulement une loi qui en son temps fit jurisprudence selon laquelle on pouvait considérer l’habitacle d’une automobile comme étant l’extension du domicile. Or, justifiées ou injustifiées, les interdictions et les obligations pleuvent aujourd’hui, lorsque le citoyen s’installe à son volant (c’est-à-dire son domicile !).
Plus le législateur invente des obligations ou des interdictions « pour notre bien », plus il doit affronter le droit du citoyen à l’exercice des libertés fondamentales, inscrit dans d’autres lois plus anciennes dont on a oublié de faire le toilettage.
Cet état de fait est un facteur d’insécurité juridique. Il est devenu courant, aujourd’hui d’être relaxé ou puni d’une Cour à l’autre, suivant des jugements différents à deux situations identiques.
Le langage juridique abscons est pour beaucoup dans les dérapages et l’écart de plus en plus grand entre le juge et le justiciable. Cette obscurité des textes profite évidemment aux avocats qui n’essaient même plus d’expliquer les attendus à leurs clients, tout au plus les renseignent-ils sur les procédures.

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Dans cette foire d’empoigne, le législateur produit de véritables bricolages afin de se faire de la pub dans les médias. C’est la politique du café du commerce dont on sait Joëlle Milquet particulièrement friande, mais pas qu’elle, Catherine Fonck n’est pas mal dans le genre aussi.
Bien entendu, les champions du genre sont les gouvernements qui, par principe, sont certains d’obtenir une majorité des voix aux discussions parlementaires, d’autant qu’au préalable la majorité toujours composite en Belgique s’était accordée. Dans le royaume, la production législative oscille entre 20 et 60 textes par sessions de quatre ans. Chaque texte peut faire deux lignes ou vingt pages. On voit où ça peut conduire, depuis le milieu du XIXme siècle !
Le parlementaire croit donner une raison d'être à la politique en apportant sa pierre à l’édifice législatif. Certaines lois sont de véritables achats d’une certaine clientèle sur le marché politique, gesticulation législative déplorable et de laquelle l’électeur ne voit rien. Le moindre fait divers donne lieu à l'adoption d'une loi nouvelle votée dans la précipitation. Tout y passe : les chiens dangereux, la tabagie, les leçons à retirer de l’affaire Dutroux, les accidents d’avions et jusque compris les impondérables, comme les tempêtes et les pluies abondantes. La multiplication des sources du droit est infinie.
Une partie de l'activité législative provient aussi de la transposition en droit interne des directives de l'Union européenne. Si tout le monde s’y met, il va falloir que le citoyen se rende à l’évidence que sortir de chez soi, sera demain une source d’infractions.
Les flics sont particulièrement friands du Code de la route, dans leurs interprétations qui relèvent souvent du mauvais vouloir ou de la joie mauvaise de coller un citoyen qui ne leur a rien fait et qui ne fait de tort à personne.
Le droit s'adapte constamment à de nouveaux domaines qui supposent des contraintes inédites. La mondialisation est accompagnée de lois complexes. Le passage du droit public au droit privé selon les désirs des libéraux voit une avalanche de lois nouvelles dont le public n’a pas la conscience de se faire avoir par un législateur plutôt du côté des banques.
Enfin l’éthique en matière de sciences nouvelles, d’opérations chirurgicales et de procréation est une source plutôt philosophique qu’adore le législateur qui tente ainsi de passer pour « aimant l’humanité ».
Croire que tout peut être ordonné et régenté par des lois et que seule la loi peut résoudre des problèmes est une vue de l’esprit inefficace et dangereuse.
Plus le Code s’épaissit, plus la liberté mincit.

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