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Badioubéattitude.

On ne sait pas ce qui s’est passé.
Un jour de vacances, un bal de village, une terrasse sur la Méditerranée dans la moiteur d’une soirée de canicule, le chant des cigales, le pastis, un homme encore jeune qui vous veut du bien… Qui sait ?
– Jamais tranquille… un papier à envoyer… oublié… travail de dernière minute. Un coup de fil, vous savez ce que c’est « Béa, tu n’as pas quelque chose ? Ici, on nage dans le médiocre ! Les stagiaires sont verts de trouille. ».
Alors, s’armant de courage, au verso de la feuille du menu « Tian de poivrons confits aux aubergines », Béatrice Delvaux aligne les mots. Elle se souvient d’un article du Monde parlant du bonheur, écrit par un certain Alain Badiou. À l’encre d’un pistou bleuâtre, écartant le flacon d’un rouge du Mont Ventoux, l’éditorialiste en chef se prend à rêver qu’elle fait ce qu’elle veut et cite qui elle veut.
– Bah !... on va leur servir du Badiou. Ils sont tellement cons à Bruxelles, que personne ne sait qui est ce type.
Ah ! liberté retrouvée de la journaliste, n’ayant même plus à agiter la clause de conscience, voilà Bea qui disserte sur le bonheur d’un vieux Monsieur en 2015, la quarantaine en 1969, qui prend part à la création de l’Union des communistes de France marxiste-léniniste, groupe maoïste dont il est un des principaux dirigeants jusqu'au début des années 1980.
Badiou intègre l’équipe du Centre universitaire de Vincennes (1968-1969). Il contribue au développement de cette université durant une trentaine d'années. Deleuze raille son concept philosophique décrit comme « bolchévisme » par ses adversaires, tandis que Badiou reste plutôt du côté de Lacan, accusé par Deleuze et Lyotard de stalinisme. De son côté, en 1977, Badiou accuse Deleuze et Guattari d'être des idéologues préfascistes. Vous voyez le genre.
Un sacré type, ce Badiou… comme on en a horreur chez les bourgeois, à rendre nerveuse Véronique Lamquin, à faire crier d’horreur dans la « cabine » des interviews les pipelettes de service !
Un Mao invité par Béa rue Royale ! C’est quand même un événement.
J’ai l’édito sous les yeux.
« Surtout, ne renoncez pas à être heureux. Surtout ne vous contentez pas d’être satisfaits ! Et si on osait ces exhortations du philosophe français Alain Badiou ( Le Monde 15-16 août ), comme résolutions de rentrée ? »
Ça, c’est le truc que Béa recopie, fastoche.

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Puis, elle se rend compte qu’elle n’écrit pas pour la Pravda du temps de Brejnev :
« Être satisfait ? C’est être content de sa place dans la société, d’avoir une maison, une voiture, toutes choses bien légitimes. Mais, rappelle le philosophe, le bonheur, c’est autre chose : « C’est lorsqu’on découvre que l’on est capable de choses dont on ne se savait pas capable. »
Tout de même, il ne faut pas pousser, Badiou n’aurait jamais trouvé « légitime » d’avoir une maison, une voiture, etc. quand beaucoup d’autres non rien. La légitimité n’est pas le fait d’un petit et même d’un grand nombre. Elle doit toucher tout le monde ou personne.
Le Pic Saint Loup aidant, voilà que l’écrivaine s’exalte et croit que « cette recherche du bonheur rend tout possible et plus intense. Pour soi-même, mais surtout parce qu’il nous permet de changer le monde, de bouleverser l’ordre des choses qu’un contexte économique ou politique donne comme immuable, enjoignant de s’adapter sagement et raisonnablement à un système pour y trouver la meilleure place possible, et y survivre. »
Hola ! Comme elle y va ! Et ses patrons qui ne défendent que la rente, et elle qui vire Mao !
On va voir comme Madame Delvaux compte changer le monde à la rentrée et va s’arranger pour bouleverser l’ordre des choses. Ce n’est quand même pas un contexte économique ou politique qui va pouvoir l’arrêter, ni que chômage, migration, pollution, fanatisme religieux sont des fatalités du temps présent ?
C’est Raoul Hedebouw qui va être surpris de la recrue i
À ce moment de haute réflexion, quelqu’un passe derrière la charmante une nouvelle bouteille de Pic Saint loup à la main et remplit le verre de Béa.
Elle le vide d’un trait et reprend la fin de son ouvrage (ce sera l’éditorial le plus rock’n’roll qu’elle ait écrit).
« On ne peut pas arguer de la situation pour ne rien faire. Elle n’est jamais telle qu’il soit juste de cesser de vouloir, de décider, d’agir. Et il y a un moment où il faut désirer changer le monde pour sauver la figure d’humanité qu’il y a en nous, plutôt que de céder à l’injonction de l’impossible. »
Elle ne me croira pas si elle veut, mais je suis inquiet pour elle. Et si la direction du Soir était moins bête qu’elle n’en a l’air et qu’au lieu de changer le monde, elle changeait d’éditorialiste ?
En quittant la terrasse parmi les dernières, quelqu’un a demandé l’addition pour Béa. Ça se fait encore que les messieurs paient pour les dames.
Le patron, déboulant de la cuisine dit avec l’accent de Charles Pasqua « C’est payé, j’ai reçu un coup de fil de Paris. »
Tout le monde était trop schlass pour le savoir, c’est Alain, peut-être, par télépathie ? Ils savent vivre ces maoïstes !
Mine de rien, les consommateurs dans la nuit de l’été faisaient l’expérience d’un bonheur satisfait.

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