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J’en appelle au…

Quand on n’en appelle qu'au singulier, cela signifie « le Peuple » ! En agitant le drapeau dans sa prestation de jeudi sur FR 2, Manuel Valls l’a fait en maître. Quant à être sincère, il ne manquerait plus qu’il ne le fût pas, avec le salaire « temps plein » que les Français lui allouent.
Il est facile d’en appeler au peuple, plus difficile est d’en préciser les mobiles. Cette réflexion, qui ne l’a pas faite au tournant d’une conversation sur la question « on parle de qui et de quoi en s’adressant au peuple ? »
Avec le bilan qui est le sien : chômage + 20.000 en septembre, au lieu de « plus de nouvelles taxes en 2015 » juré par Hollande, une taxe foncière recalculée à la hausse va toucher jusqu’aux propriétaires de leur seul logement, son mobile est clair : Valls souhaite rassembler par incantation à la Patrie.
Parler à tous ou au nom de tous signifierait que la masse fût homogène et qu’il y aurait une demande unique, d’un seul élan et pratiquement d’une seule voix.
Quand on voit les pertes du PS lors des élections précédentes, le rassemblement de Valls ressemblerait à une déroute défendue par une arrière-garde de sacrifiés..
Les gens sont loin d’avoir le même profil et le même degré de naïveté face au drame social. Il y a certes, parmi eux, des gens parfaitement satisfaits du système, la diversité en politique de la gauche à la droite en est la preuve. Ce à quoi on assiste est surtout l’inquiétant transfert des voix du PS et du PC à Marine Le Pen.
Quand les voix s’évaporent, il y a bien une raison.
Chez Valls, ce constat ne l’amène pas à changer de politique. Il rassemblerait, seul en plein Sahara, cet homme là !
L’idée de rassemblement pousse à en appeler au Peuple, puisque la multitude détient le plus grand gisement de voix. Elle est éminemment politique. Le populisme serait alors le lien fictif au nombre dans la rhétorique de tribune qu’affectionnent les politiciens baptisés par leurs adversaires populistes et inversement. Si bien que tout le monde l’est.
Le débat final entre Fillon et Valls mettait en face à face deux populistes « sans le peuple ». Ce genre pourrait s’appeler du populisme courtois.
Et toujours cette rhétorique : « je travaille pour la France » (sous-entendu le Peuple).
La démocratie est la loi du plus grand nombre. La logique veut donc qu’on en appelle au Peuple, quoique le pouvoir lui fasse jouer la pièce qu’il veut. Cette manière de faire à la mérite d’isoler l’adversaire, car si je me réfère au Peuple, l’autre est de jure le porte-parole d’une minorité.
Valls de se point de vue est plus « mariolle » qu’un Fillon qui a un programme plus saignant.
Depuis que le système conduit à l’abîme par l’exaltation de l’individu au détriment des individus, à chaque fois qu’on en appelle au peuple, c’est pour faire passer des modifications qui touchent à la vie sociale ou laborieuse. Par exemple des augmentations de la TVA, puisque les sommes récoltées de cette manière sont presque entièrement prélevée sur les revenus des plus pauvres.
La forme élitiste de la démocratie française sautait aux yeux, ce jeudi.
Il n’y a pas de recours du peuple contre le pouvoir qui prend des mesures qui vont à l’encontre des intérêts de celui-ci. Qui croit vraiment le pouvoir lorsqu’il nous dit que « les mesures impopulaires » sont nécessaires, qu’elles vont aider à rétablir la croissance et que l’effort sera récompensé ?
Personne.

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Le Peuple est souvent mis en minorité sans qu’il ait l’occasion de se défendre, pour la bonne raison qu’il est divisé. Par conséquent, les élections ne le représentent pas non plus. Un gouvernement propose souvent des mesures « impopulaires », donc contre ceux qui l’ont élu !
Le Peuple n’est plus depuis longtemps cette unité homogène qui souffre tout d’un bloc et de manière constante, dans la société qu’il construit pour une part essentielle.
La fracture ethnique des classes populaires subdivise celles-ci en sous-classes. Dans ce système, les derniers arrivés ont les plus mauvaises places. Les banlieues à problèmes sont des tours de Babel où tout le monde se méfie de tout le monde. Pour tout dire, la religion musulmane est le lien qui fédère encore entre eux les plus pauvres. Alors, que la laïcité est le seul moyen de mettre tout le monde sur le même pied, on dirait que les religions ont la cote des gouvernements, parce qu’elles sont de magnifiques machines à diviser les gens, donc à pérenniser le pouvoir. Ce moyen de s’accrocher au pouvoir est le pire. Il engendrera des catastrophes !
Le peuple s’est gonflé depuis une décennie de la présence des classes moyennes déchues de leur pouvoir d’achat. Mais, orgueil et préjugé, cet apport de voix n’a pas fortifié la notion du plus grand nombre. Avec ce qu’en sociologie on appelle « les petits blancs », c’est-à-dire les travailleurs de souche pauvres, ils votent de plus en plus Marine Le Pen, et pas l’ombre d’une explication de Valls. Maïtena Biraben sur Canal+ a été plus franche en posant la question « Pourquoi le FN est-il si populaire ? » à un avocat. Les journalistes de FR 2 n’ont pas osé !

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