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Le Soir et le pouvoir libéral.

Après l’interview apaisante de Charles Michel par Philippe Regnier du journal « Le Soir », il serait tout à fait salutaire de faire un bilan économique de la Belgique, au cas où les deux compères nous conduiraient à Cythère, sur un gonflable destiné à chavirer à la moindre vaguelette.
C’est bien beau de plastronner sur le « poids » de la diplomatie belge à l’ONU (Michel n’a pas prononcé une seule fois le nom de Didier Reynders), mirliflore de tribune, certes, mais une fois redescendu et loin des couronnes de lauriers new-yorkaises du libéralisme, partagé entre la presse et le pouvoir, il faudra bien que le chauve le plus séduisant de Belgique touche du pied le tarmac de Zaventem et reprenne ses esprits, loin du gratte-ciel de Ban Ki-Moon et du Square Garden de Stromae.
Le déficit de notre balance commerciale ne s’aggrave, ni ne se redresse. Elle est entre deux eaux, deux idées. La fameuse compétitivité qui nous ferait retrouver de la croissance, c’est comme Hollande, Michel attend.
La zone euro, bouclier protecteur tant qu’on veut, seuls les Grecs ont doré la pilule longtemps aux limiers du rond-point Schuman. Nous ne savons pas y faire, ni tricher, ni progresser. L’ancien ministre des finances qui se trouvait comme par hasard à New-York dans l’ombre de Charles, mais avec un autre costume : celui des affaires étrangères et le nouveau Johan Van Overtveldt n’ont jamais eu qu’une balance commerciale déficitaire. Cela a juste été moins catastrophique à cause de la chute des prix du pétrole. La dette n’a cessé d’augmenter et l’austérité plus dure.
Les temps ne sont pas à l’embauche, quoique Borsus, un autre enthousiaste du libéralisme à l’américaine, en soit pétri de certitude.
Pensez-vous que ces messieurs s’en apercevront et se concerteront pour trouver des vents ascendants ? Le regain de compétitivité passe pour eux par un essorage des salaires et des conditions de travail ! Quand on en est à spéculer sur le transfert de certains chômeurs aux CPAS pour faire diminuer le chômage, ils auront beau être d’accord avec Le Soir, on n’en sera pas moins dans une merde noire et pas prêts d’en sortir.
On aura beau attirer les capitaux étrangers d’une drôle de façon (par appel du pied aux fortunes françaises qui paient moins de taxe en Belgique), on ne fera qu’aggraver l’écart entre les pauvres et les riches.

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D’après Michel, on pourrait décoller en 2016, exactement lorsqu’en 2014, on pensait décoller en 2015 !
Et puis « décoller » n’a pas de sens, si le chômage ne diminue pas.
Les interrogations sur le pourquoi de la stagnation ne donneront aucun résultat, tant que l’évidence d’un système au bout du rouleau ne sautera pas aux yeux.
Quelle différence y a-t-il entre la politique de Di Rupo, l’ex-premier, et celle de son successeur ? Un comptable d’une petite entreprise peut lire les bilans, sans avoir mis les pieds dans une grande école de commerce : les résultats sont à peu près identiques. Elle évolue en fonction des ponctions en taxes et TVA de l’un à l’autre.
Pouvoir dévaluer le franc n’est plus possible. Pour faire bouger l’euro, il faut le feu vert de l’Allemagne qui ne le donnera pas. La monnaie commune est l’arme fatale contre la dévaluation. Celle-ci ferait que l’on rembourserait la dette en monnaies de singe, mais en même temps ruinerait les petits épargnants et mettrait en difficulté les pensionnés.
Le déficit de la balance courante, voilà ce qu’on ne sait pas résorber et qu’on ne résorbera pas dans le système actuel, à moins de faire de fortes économies dans la fonction publique et les dépenses sur les coûts élevés de l’appareil aux cinq gouvernements.
La Belgique a un ratio d'endettement massif de l'Etat (92%) et de ses banques (quatre fois le PIB),
Si on ajoute à cela le besoin de capitaux étrangers des années à venir pour les projets de grands travaux et de modernisation, je trouve Michel insolent de sourire aux propos, je le concède bienveillants, du préposé du Soir.
Une super-crise pourrait s’ajouter à celle de 2008-9. La Belgique serait en première ligne. Voisine de la France, les échafaudages laborieux de François Hollande pour tenir la façade debout, en s’effondrant, pourraient entraîner les nôtres facilement.
Est-ce le rôle de la presse de soutenir le moral des gens par la complaisance à la propagande gouvernementale ? Ne serait-ce pas plutôt son rôle de traquer la vérité et de chercher à savoir ?
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Chapeau et merci à Vincent Engel, journaliste au Soir et au journal lui-même pour l'article "Les ennemis de l’intérieur » (4-10-2015). Parfois, il y a des sursauts dans la presse et tout arrive. C'est arrivé bien opportunément pour signifier que tout n'est pas perdu.

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