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Recalé.

J’ai été surpris de m’entendre dire que défendre la laïcité n’était plus être de gauche !
Il paraît qu’exclure toute religion des préoccupations et des subsides de l’État, c’était être antimusulman !
Il y avait déjà anguille sous roche dans certains articles de Mediapart. Les propos de certains leaders de gauche et d’extrême gauche pouvaient tout aussi bien être entendus de la même manière.
Selon ces sources, la laïcité serait devenue une affaire de la droite bobo, une rareté au PS et même chez Mélenchon, une sorte de provocation envers le monde arabe ! En Belgique, Hedebouw du PTB se montre prudent sur la question, mais néanmoins penche pour une ouverture à la religion musulmane comme étant celle d’une majorité d’exploités. Là-dessus, on ne peut pas lui donner tort. Mais le problème n’est pas là.
Alors que depuis deux siècles, vouloir que les églises ne mettent plus leur nez dans les affaires de l’État, que depuis 1789, on pouvait croire ou pas, si l’on excepte le petit numéro de Robespierre à l’être suprême sur le Champ de Mars (1), c’était l’occasion de réaffirmer le principe fondamental démocratique : liberté de croire ou de ne pas croire, liberté de culte et construction des lieux de rassemblement religieux aux frais des croyants.
Revoilà le débat ouvert, rendu possible à cause de la frousse bleue de Daech et de l’extension de l’envie d’assassiner ses voisins de la part de croyants se pensant discriminés. Une trop grande rigueur laïque pourrait être perçue comme une tendance au racisme !
Dans ce cadre-là la Belgique tient une place à part. Le pays se définit « neutre » dans la reconnaissance de certaines religions et organisations non confessionnelles, d’où le financement des cultes ainsi que de l'organisation dans les écoles de cours issus de ces religions ou option philosophique.
L’Église et l’État ne vivent pas séparés, mais dans une coexistence reconnue et assumée depuis la Constitution de 1831. L’État prend en charge les traitements et pensions des ministres du culte. Six religions et convictions philosophiques sont soutenues financièrement par l’État dans un esprit de pluralisme : le christianisme, le judaïsme, l'Église anglicane, l'Église protestante, l'islam et… la laïcité depuis 2002 ! Cela selon une répartition où l’on voit que la part du lion est dévolue à la religion catholique, lors même que les chiffres du nombre de croyants sont sensiblement gonflés au profit de cette dernière.

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Tout le drame tient dans ce partage. La laïcité est comprise dans le sens d’une valorisation de la raison et d’un comportement humaniste, plutôt que d’une stricte séparation de l’Église et de l’État.
On a vécu la guerre scolaire et la lutte d’une gauche surtout formée par le PS pour sortir de ce piège de neutralité et faire de l’État belge un État parfaitement laïc et débarrassé de toute responsabilité religieuse. Que n’a-t-on suivi le mouvement de gauche des années 60 ! On ne serait pas dans le piège dans lequel nous sommes tombés au sujet de la religion musulmane. Celle-ci demande des droits et des lieux pour le culte en Belgique, alors que là où cette religion est prépondérante, elle exclut les autres religions et particulièrement la catholique de ses territoires d’origine.
On ne savait pas qu’en clamant « plus un sou aux curés » les mouvements de gauche de l’époque auraient pu ajouter les imans aux curés !
Reste que tout cela s’est infiltré et agrégé partout et dans tout et que surtout à gauche se proclamer laïque, c’est pratiquement s’exclure des débats.
Mais d’un autre côté les cathos qui se croyaient les maîtres sur le terrain des rapports de l’église avec l’État se voient concurrencer directement par plus farouches et déterminés qu’eux.
Franchement, du Maghreb et des confins du Moyen-Orient nous viennent de ces esprits religieux qui, quoique de source différente, nous font revenir au Moyen-âge.
Qu’arriverait-il si le salafisme, dans une nouvelle version moins sanguinaire que l’EI, venait à se répandre en Europe ? L’État belge se verrait contraint de financer ses croyants ?
Encore que si je tiens de pareils propos, me voilà définitivement recalés pour mon examen de gauche ! Et encore, je n’ai pas parlé des binationaux qui peuplent dorénavant les partis politiques et devant lesquels l’athéisme et la laïcité passent pour des hérésies.
Merde ! je ne suis pas de droite non plus…
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1. Le culte de la Raison des Hébertistes athées (automne 1793 - printemps 1794) puis le culte de l'Être suprême des Montagnards déistes (printemps - été 1794) sont, en France, un ensemble d'événements et de fêtes civiques et religieuses. Le théophilanthropisme est une émanation du culte de l'Être suprême apparu en 1796 (26 nivôse an V) et interdit en 1803.

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