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Esprit, es-tu là ?... Non !

La culture en Belgique, on en parle rarement, non pas comme d’un objet précieux et donc rare, mais comme quelque chose qui va de soi quand on a des diplômes et qu’on n’a pas le temps d’y prêter attention. On fait confiance à Richard Miller et puis on n’en parle plus.
C’est que l’universitaire aujourd’hui n’est plus cultivé. Il en arrive même à être d’une complète inculture, à partir du moment où il est une sommité reconnue dans sa spécialisation.
La notoriété le dispense de la connaissance, puisqu’on le crédite d’être, à l’avance, très au courant de toutes les formes d’expressions possibles.
On croit, qu’il est tellement compétent dans sa profession, qu’il en va de même partout. Alors qu’il n’en est rien et que le plus souvent, il profère les pires conneries. Comme tout est dans la manière de dire, s’il conserve un air important en lâchant une bourde, il sera cru de la plupart des gens.
Prudente, la population foisonnante des vaniteux n’aborde jamais le genre de conversation où il faut montrer une opinion basée sur un savoir d’en dehors la sphère de compétence, qu’en s’aidant des quelques Je-sais-tout qui font la pluie et le beau temps dans tous les domaines.
Les plus malins des incultes surdiplômés sont devenus, de cette manière adroite, les champions à bon compte, de la conversation entre « lettrés ».

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Ce qui suit n’est pas de Richard Miller. Nicolas Canteloup imite les voix des personnages connus et popularisés par les médias. L’imitation est moins drôle écrite. On ne s’y aventure pas. Mais imaginez l’homme à la télé, disert, intarissable que vous connaissez…
– Monsieur Miller, quel est le point de vue du libéral que vous êtes, sur la culture en Europe ?
– On a trop souvent souligné la mosaïque des cultures en Europe, pour que je m’y attarde.
(Il va tellement s’y attarder que son interlocuteur essaie de le couper et n’y parvenant pas, se résigne. Richard Miller poursuit)
– …cette diversité fait la richesse et le charme de l’originalité culturelle de nos différents pays, de nos régions et de nos villes. Nombreuses sont les communautés qui se définissent par leurs caractéristiques culturelles propres…
(Cela devenant insupportable, même pour un journaliste du Soir, celui-ci le coupe carrément)
– Mais, Monsieur Miller, comment voulez-vous bâtir une Union européenne quand les groupes sociaux sont si différents les uns des autres? Rapprocher les différentes cultures, fait courir le risque qu’elles disparaissent. Nous irions de Charybde en Scylla.
– Vos craintes sont infondées. Nos différences culturelles n’ont pas empêché qu’au fil des 28 siècles d’accumulation, écrivait de Rougemont, nous dégagions des lignes communes qui constituent le patrimoine commun.
(Voilà Miller reparti en monologue. Or, le propre du monologue c’est l’incantation à une voix. Les autres ne peuvent pas entrer par nature dans un monologue).
…ces ressemblances résultent de la mobilité des Européens. Le Conseil de l’Europe a bien fait apparaître les «itinéraires culturels» le long desquels nos ancêtres se sont transmis des manières de s’exprimer telles que l’architecture, la musique, la peinture…, bref les beaux-arts, mais aussi les idées, les religions (judaïsme, catholicisme, religions réformées…), sans oublier les méthodes de travail agricoles, viticoles, etc.
(Désespéré le malheureux interlocuteur allait se résigner à finir l’interview sans même sortir quelques traits d’esprit pour sa promotion future, quand soudain il reprend espoir entre deux respirations de Richard Miller. Il se lance)
– L’ouvrage d’Edgar Morin « Penser l’Europe », montre des traits communs, des valeurs philosophiques et les principes fondamentaux qui forment l’armature de nos sociétés.
(Edgar Morin tombé dans l’escarcelle libérale séduit Richard Miller qui s’aperçoit en même temps de l’existence de l’intervieweur. Et sans que l’autre ait posé la question sur l’armature en question, Richard Miller y répond.)
– Certes, tous les pays européens ne manifestent pas le même enthousiasme pour respecter les textes qu’ils ont signés et ratifiés. Mais c’est considérable que le processus de la construction européenne ait conduit à des proclamations, à des engagements, à des actions et à des jurisprudences qui vont dans le sens…. la société européenne apparaît sans doute très diverse, «morcelée» diront certains, «chatoyante» diront les autres.
(On en ignore les raisons, mais le discours de Miller bifurque soudainement, sans doute piqué au vif que l’autre ait cité Edgar Morin avant lui.)
– L’architecture gothique, née en France au milieu du XIIème siècle, finit par se déployer en Angleterre, dans le Saint-Empire la cathédrale de Cologne et au Portugal, deux siècles plus tard, l’hôtel de ville de Bruges, le Palazzo Pubblico à Sienne en Italie... La musique classique est le genre musical qui unifia l’Europe dès la mi-XVIIIème siècle. Mozart a voyagé plus d’une dizaine d’années en Europe à la rencontre d’autres artistes et compositeurs.
(Au nom sacré de Mozart, Miller et son interlocuteur s’aperçoivent qu’ils sont tous les deux francs-maçons. Loin de les unir, ce constat les rend méfiants. Miller est certainement d’un rang supérieur à l’autre qui lui doit doublement le respect. Jusqu’à la fin, Miller additionnera le manque de savoir-vivre et le ton léger de l’autre. Si bien qu’à la fin de l’interview, Miller lui demandera s’il n’est pas socialiste ? Tandis que l’autre s’abstiendra d’une remarque qui aurait pu nuire à sa carrière, du genre « Vous croyez qu’on peut être socialiste et journaliste au Soir ?).
– La Renaissance, dans l’art pictural, a marqué un renouveau dans les arts européens ayant pour modèle l’Antiquité….
– Je vous remercie Monsieur Miller pour cette heure délicieuse que nous avons tous passée si agréablement grâce à votre grande culture et à la manière dont vous nous la faite parvenir….
Comme l’écrivit Arthur Schopenhauer « Ce que l’on appelle l’opinion commune est, à y bien regarder, l’opinion de deux ou trois personnes… ». Apparemment la Belgique est un si petit pays qu’une seule personne aura suffi.


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