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Propos de deux Alain…

…pas sur le bonheur, hélas ! (1)
On devrait relire les classiques de temps en temps.
Ça aide à remettre les choses en place.
On a dit pis que pendre du populisme… que c’était un entraînement vers les extrêmes, une sorte de nouvelle vague d’un anarchisme de droite, etc. Les libéraux béats de la RTBF, Alain Gerlache en tête, ont même découvert dans le populisme une sorte de virus menaçant d’extinction la démocratie !... elle-même, vouée, selon le journaliste prophète, à l’économie de marché à vie, pour notre bonheur à tous.
À ces petits exaltés de la planque et du libre-échange, on peut leur opposer Blaise Cendrars, Suisse naturalisé français à la suite de son engagement volontaire à la guerre de 14 et amputé du bras droit en 1915, d’une blessure de guerre. Ce qui en fait un patriote et un partisan de la liberté démocratique, ce qui pourrait rassurer les laudateurs de l’économie libérale.
L'œuvre de Blaise Cendrars est faite de poésie, romans et reportages. On lit dans ses mémoires qu’il a flirté avec le communisme, sans vraiment l’être, ce qui pourrait rassurer Alain Gerlache. Son exaltation du monde moderne est aussi la preuve qu’il est sensible au progrès techniques et humains.
Ci-dessous de « Bourlinguer » un extrait qui explique en partie le populisme d’aujourd’hui.
« Le prolétaire qui se saoule le samedi soir « après le turbin » ou l’ouvrier agricole le dimanche matin, jours de paie, ce n’est pas tant pour oublier sa misère que pour protester contre le patron qui l’écrase, le politicien qui l’exploite, la police, l’État qu’il emmerde, ce régime d’usines, de bagnes, de prisons qu’il faut foutre par terre, comme ça !... et il fait trembler le comptoir d’un coup de poing formidable, et il avale un dernier petit verre, et il flanque ses sous à la figure du bistroquet, et c’est lui qui se fout par terre, nom de Dieu !
Il n’y a pas de justice… « Mort aux vaches !... Mort aux bourgeois ! Taäut ! sus ! haro !... Pille !... Pille !...
À nous les poules de luxe et les stars des capitalistes ! Les gonzesses sont avec nous !...
Il voit rouge, l’homme, mais il voit clair. »

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Les libéraux béats concluront à la lecture de ce seul extrait, que l’ivrognerie n’a jamais arrangé les choses et que l’éthylisme n’est plus le déclencheur du pire, que celui qui raisonne de la sorte se retranche de la société par son nihilisme, etc.
Le député bruxellois et sénateur MR, Alain Destexhe, serait le seul exalté acceptable, il serait même de cette société le bon cholestérol, puisqu’il est capable d’un raisonnement tout aussi excessif mais bon à prendre : il idéalise le capitalisme, jusque dans ses pires excès.
Cependant que l’ouvrier saoul de Cendrars, une fois dessaoulé, réfléchit et son populisme est beaucoup plus explicatif et constructif que les élucubrations appuyées d’Alain Destexhe.
« Le monde est un complexe formidable. Il est fait des mauvais exemples de nos semblables, des doctrines communément répandues, des idéologies contagieuses généralisées, des entraînements de toute nature contre lesquels chaque individu a à se débattre continuellement. Comment est –il possible que le cœur de l’homme soit un champ de bataille ? Pourquoi ces contradictions intimes et inévitables qui sont en nous-mêmes, qui sont nous-mêmes ? Est-ce là notre état primitif ou cela s’explique-t-il par une catastrophe initiale, une déchéance, un drame caché dans les origines de l’espèce ? Les hommes sont-ils naturellement fous ou est-ce le travail, ce pain qu’il faut gagner à la sueur de son front, qui les rend fous ? Sont-ils des énergumènes et des possédés ? Des exaltés ? Des tristes ? ».
Je crois intimement que le populisme vient de ces interrogations que le plus clair de la population se pose, sauf les élites, parmi lesquelles justement s’y comptent les deux Alain, Destexhe et Gerlache et pas qu’eux, tout le MR, le CDH et une grosse partie du PS aussi.
C’est justement parce que la démocratie n’a pas son compte, qu’elle balbutie et qu’un gros contingent d’électeurs découragés, regardent ailleurs… dans le vague !
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1. Alain (Émile Chartier) (1868-1951) « Propos sur le bonheur », Éditions Gallimard, 1928, 218 pp. Collection folio-essais.

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