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Ajusté la justice au justiciable.

L’indépendance de la Justice est très difficile à comprendre. Les arguments comme la séparation des pouvoirs sont plus ou moins contestés par les justiciables. Puis, c’est la manière dont ils vous traitent. Même l’innocent a l’air d'un moins que rien, quand un menhir en robe rouge l'observe du haut de son perchoir..
Comment comprendre que la Justice serait à la fois indépendante et en même temps une partie de l’État, l’organe indissociable ? La politique en démocratie n’est-elle pas de faire prévaloir la volonté générale des gens sur tous les fonctionnaires ? Une partie d’entre eux aurait un pouvoir discrétionnaire, sur nous, sans que nous puissions la contrôler ?
Ce service public entretenu à grands frais, malgré une criante absence de moyens, n’aurait rien à fournir comme preuve qu’elle travaille comme tout le monde ? On s’étonne que la justice souffre d'un déficit de confiance ! Pour beaucoup son accès est inabordable tant du point de vue financier, que par la complexité du déroulement de ses procédures. L’étonnement vient de là.
Les gens ont quand même des notions de philosophie. Ils s’interrogent : la justice doit-elle tenter de retranscrire en droit la loi morale pour un idéal de justice ou doit-elle être utilisée comme un moyen visant l'ordre public ?
À voir comme agit son bras armé lors de certains rassemblements, ce serait plutôt l’ordre public. L’éthique, une matraque à la main, c’est difficile. Enfin, c’est pour la bonne cause qu’on arrête dans les manifestations : la police donne du travail à l’échelon supérieur ! L’échelon supérieur le lui rend bien, du reste, il lui donne toujours raison.
Nombreux sont les dysfonctionnements, les gazettes abondent d’exemple des défaillances des tribunaux qui n’ont pas fonctionné comme ils auraient dû. Des jugements sont incompréhensibles. Les ressorts dans des affaires impliquant des personnages influents sont masqués ou jetés en pâture, dans des imbroglios où les gens ne voient que magouilles et protection des puissants. Pour tout dire, la justice ne s’y retrouve pas toujours non plus.
Les dysfonctionnements dépassent les limites de la faute. Ils recouvrent un espace « fourre-tout », qui mêle erreurs, carences, retards, revirements, pertes de dossiers, défauts de transmission entre services et surtout complaisances.
La justice, qui ploie sous le fardeau de ses missions et son manque chronique de moyens, a-t-elle besoin qu’on l’accuse aussi de vénalité ?
Dans le dossier Tractebel auquel est mêlé le trio de milliardaires kazakhs : Patokh Chodiev, Alijan Ibragimov et Alexander Mashkevitch et quelques étoiles du MR libéral, dont De Decker et Reynders, dans l’affaire Nethys, impliquant des parlementaires de trois partis, comment la Justice peut-elle instruire et inscrire ensuite dans la suite de la procédure, ces éléments de procès fleuves, sans encourir des pressions, des suspicions et des critiques de la part des citoyens impliqués ou seulement intéressés ?
Encore une fois, ce pilier de la démocratie est au départ déjà fortement controversé et suspecté de partialité, parfois à tort, souvent à raison. C’est décourageant d’être suspecté à l’avance !

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L’État fait croire que la seule administration « indépendante » de son autorité, c’est la justice. On ne le voit jamais user, vis-à-vis d’elle, de l’autorité qu’il emploie partout, comme celle d’avoir tancé le prince Laurent pour avoir été vu en grand uniforme à l’ambassade de Chine. Quand un magistrat commet une faute personnelle, on ne sait rien de la nature des sanctions.
L’action récursoire (1) est toujours à attendre. L’État ne la brandit jamais ! Tout se passe en interne. On sait seulement comme sont ridicules et sans effets les poursuites disciplinaires. La famille judiciaire et l’État lavent leur linge sale en famille. Circulez, il n’y a rien à voir…
Dans quelle mesure l’exercice de la fonction juridictionnelle peut-elle constituer un dysfonctionnement de la justice ? Le langage, souvent suranné et inemployé dans tout autre domaine est un obstacle, en tous les cas compris comme tel, qui aboutit à une justice de l’entre-soi entre juges et avocats. D’autres corporations ont des langages inintelligibles en-dehors des métiers concernés, mais les termes employés ne sont pas partagés avec le public et sont donc utiles à la seule compréhension des initiés, mais la justice au contraire est faite pour le public et doit s’ouvrir à lui.
Or, elle ne le fait pas. Elle se protège de la vulgarisation, comme les prêtres intégristes conservent le latin pour dire la messe, la justice défend farouchement son sabir.
Ne faudrait-il pas ajouter aux dysfonctionnements de la justice, outre l’indépendance des juges indémontrables, l’autorité de la chose jugée équivalente à celle de la loi (2), l’absence de voies de recours suffisantes pour rectifier les erreurs et l’impossibilité de juger les juges, le choix souvent délibéré d’un vocabulaire de spécialiste, alors que certaines expressions ou locutions latines ont leur exacte correspondance dans le français d’aujourd’hui ?
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1. Le lexique judicaire est une frontière réelle entre le justiciable et la justice. Le métier d’avocat est avant tout un métier de traducteur. Ici, le mot récursoire est utilisé sciemment. Il signifie « une action qui donne ou qui ouvre un recours contre quelqu’un ».
2. Comment admettre les jugements d’une sévérité accrue, établis pour servir d’exemple, afin de réprimer certains crimes et délits en expansion ou mis en évidence par les médias, par exemple les viols et les attentats intégristes islamistes, montrant par là que le code pénal n’est pas qu’un texte impartial établissant le degré des peines, mais aussi un instrument à caractère politique ?

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