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Requiem pour Marc Lecompte

Je sais, cet article passera mal en pleine semaine des nouveaux barons promus par le roi. Que voulez-vous, un des plus mal famés vauriens, jaloux des nouvelles baronnies, ne pouvait faire autre chose que décevoir les Autorités.
Ça s’est passé en France, mais cela aurait pu se passer « près de chez vous », un genre de fait-divers qu’on peut lire dans la grande presse, plus rarement dans la presse régionale.
Pourtant en cette période estivale de grand racolage des fonds de tiroir, on donne un deuxième, voire un troisième souffle à des choses étonnantes.
Outre les baronnets et les baronnettes, l’histoire d’un Américain de 450 kg, il a fallu abattre un mur de sa chambre à Houston pour le conduire à l’hôpital. Le classique mouton à cinq pattes en Inde, le pays abonde de monstres parfois drôles, le plus souvent effrayants. C’est le berceau natal d’E.T. Un trapéziste chinois, d’un cirque d’Afrique du Sud, a raté sa voltige et est retombé sur les gens, en faisant deux morts. Dans le genre hallucinant de conformisme, le show de l’eurovision, exhibé des archives, rappelle la nécessité de le reprogrammer en alternance avec « la grande vadrouille » afin de ranimer l’enthousiasme les foules sur la route des vacances.
Après la revue alléchante des nouvelles de l’été, un fait-divers trouvé dans la Voix du Nord, parce qu’il a lieu à Valenciennes, un drame de la misère… pardonnez-moi de couper l’appétit à la baronnie philanthrope et patriote. Bienvenue chez les Chti !

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De la voix du Nord.
« C'est un drame de la pauvreté et de la lenteur administrative que rapporte le quotidien local La Voix du Nord. Une femme de 55 ans a dû passer six jours avec le cadavre de son mari en train de se décomposer dans son logement, faute d'avoir des moyens pour organiser des funérailles.
« Les faits se déroulent à Valenciennes dans le Nord. Vendredi 9 mars, Marc Lecompte décède. Son épouse, Thérèse, n'a pas les moyens de s'offrir les services d'une entreprise de pompes funèbres. Elle se rend donc à la mairie pour solliciter une prise en charge par la municipalité.
« Légalement, la mairie doit effectivement organiser une inhumation quand les proches n'ont pas les moyens. Mais la loi prévoit aussi que la commune peut d'abord vérifier par une enquête si le défunt n'a pas de famille pouvant prendre en charge cette dépense. Une démarche qui a pris six jours dans le cas de Marc Lecompte avant que les choses ne s'accélèrent enfin. »
Ce genre de nouvelles est presque interdite de parution. Il a sans doute fallu à La Voix du Nord, quotidien régional du Nord de la France basé à Lille, appartenant au groupe de presse belge Rossel, une absence de réflexe ou la paresse d’un intérimaire, pour sortir une histoire pareille en plein mois de juillet.
La misère est une source contreproductive. Exposé aux yeux de tous, un cadavre sur l’acier inoxydable d’une table de vivisection éclaire d’un jour trop réaliste la crapulerie profonde de l’opulence qui s’est lovée dans les plis du chiton de la déesse démocratie.
En ces jours de joyeuses dépenses des pécules de vacances, cela en ficherait un coup… enfin pas trop, attendu que la misère que l’on ne partage pas n’est perçue que par les associations de bienfaisance et les philosophes.
C’est une histoire pour Philip Roth, une femme cloîtrée avec le cadavre de son mari en décomposition. L’odeur est d’abord doucereuse, comme une fragrance de violette qui se déliterait depuis quinze jours dans un vase, changeante d’heure en heure, pour devenir une catastrophe nidoreuse olfactive que les plus résistants sauveteurs ne peuvent supporter sans se munir d’un masque !
Ce qui est une curiosité produite par la misère, on évite d’en trop écrire. Le sujet est glissant, puissamment rébarbatif. Le lecteur populaire préfère éviter ce genre de lecture. On le comprend un peu. Cela lui rappellerait sans doute quelques moments tragiques de son existence, une histoire de famille, qui sait, mais surtout l’angoissante question du lendemain, avec les si. Si je perdais mon boulot, si je devenais invalide, si un des miens chopait une maladie qu’on ne pourrait soigner qu’à coups de centaines de milliers d’euros i
Cette angoisse en cache une autre, celle-là plus politique et qui commence « avec le genre de gouvernement qu’on a… », puis tout de suite après, « avec cette économie qui n’est pas faite pour nous, mais bien pour les riches… ».
Enfin pour certains, le petit remord de conscience qui vient après coup « si on est mal barré, c’est un peu de ma faute… depuis qu’on dit que les décisions sont prises par les citoyens, je ne me suis jamais intéressé à rien, etc. ».
Mais enfin, est-ce qu’il va nous dire de quoi il retourne ?
Les grands malheurs des uns ne font peut-être pas le désespoir des autres ?
Certaines dérélictions ne sont que des mises en scène ! L’empathie ne se commande pas. Il faut qu’un courant passe, en un mot, que le malheur soit sympathique.
Mais le malheur n’est pas un show !
Même les émissions faites pour ramasser des sous afin de favoriser la recherche médicale ne répondent pas à la question centrale de la misère. Elles en sont même très éloignées.
Elles ne sont qu’une facette d’un bon cœur qui ne veut surtout pas quitter la blancheur des laboratoires.

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