« Tempête à la France Insoumise. | Accueil | Macron : marxiste ! »

Didier se fout des Kurdes.

À la suite de la grande disponibilité des milices kurdes pour nettoyer les poches de résistance des terroristes de Daech, on aurait pu croire que l’Europe allait lever sur les ressortissants kurdes, le sceau d’infamie que la Turquie était parvenue à faire voter au parlement de Strasbourg.
D’autant que le dictateur Erdogan est en train d’irriter singulièrement des pays européens des Balkans à la Grèce, par ses dernières prises de position pro-Poutine, en oubliant que la Turquie est toujours membre de l’OTAN.
De récentes élections, moins truquées que les précédentes, ont permis aux partis kurdes légalement inscrits à la représentativité nationale à Ankara de reprendre 60 % des communes à majorité kurde, gérées jusque là par le parti d’Erdogan, l’AKP. Quelle ne fut pas la surprise des nouveaux élus en pénétrant dans les bâtiments officiels d’y trouver tout mis à sac, les coffres-forts ouverts et vides comme s’il s’agissait d’un hold-up !
Le renouveau d’intérêt pour le Kurdistan, réparti depuis la fin de la première guerre mondiale entre quatre Etats, la Turquie, la Syrie, l’Irak et l’Iran, n’est pas fortuit. Ce peuple vit dans une région-clé. Des troubles en Turquie ou en Iran impliquent tout de suite l’alliance atlantique, le pacte de Bagdad, et l’ancien dispositif militaire érigé sur les frontières méridionales de l’U.R.S.S. dont il reste d’importants vestiges. Un soulèvement kurde en Syrie aurait des conséquences redoutables sur le rapport des forces dans le monde arabe.
Le pétrole joue aussi son petit rôle d’appétits en dollars, puisque les Kurdes sont installés sur un sous-sol riche en pétrole. L’agitation nationaliste pourrait rejoindre des partis de gauche, ce qui compromettrait l’exploitation des puits de pétrole.
Quoiqu’Erdogan fulmine contre cette idée, il va falloir trouver une solution politique au problème Kurde. C’est en étant trop complaisant envers Israël qu’on a laissé pourrir le problème palestinien qui est devenu une affaire d’État pour Tel-Aviv au point qu’une solution de partage n’est même plus envisageable, l’appétit d’Israël étant devenu insatiable.
En l’état, la situation n’est pas comparable avec le Kurdistan, mais il ne faudrait pas grand-chose pour qu’elle devienne pire qu’à Gaza, ce qui n’est pas peu dire, avec l’armée turque qui trépigne d’impatience à en découdre. Celle-ci occupe actuellement des villages kurdes sur le territoire libyen et on n’y compte plus les exactions.

1lklvee3.jpg

« Dans cette période de l’histoire où les peuples non autonomes accèdent à leur indépendance on refuse encore aux Kurdes de se dire Kurdes. On leur nie toute possibilité de progrès dans les domaines culturel, économique, social et politique. Une telle situation ne peut que laisser la porte ouverte à toutes les aventures. » (Émir Khan porte-parole kurde en Occident)
Ce peuple indoeuropéen a pris conscience de son existence, il y a très longtemps. Ses spécificités historiques et culturelles ont survécu à travers les âges. Il a résisté à toutes les invasions et les longues périodes de vassalisation. Leur premier Etat indépendant s’est construit vingt-cinq siècles avant Jésus-Christ ! Les Kurdes réussirent tant bien que mal à conserver leur autonomie jusqu’au milieu du dix-neuvième siècle. Théoriquement soumis à l’autorité ottomane depuis le début du seizième siècle, ils jouissaient en réalité d’une autonomie complète. La Sublime Porte leur avait laissé toute latitude de développer leur culture nationale, et ils ne s’en privaient pas, en attendant de se constituer en Etat indépendant.
Ce rêve millénaire semblait être sur le point de se réaliser à l’issue de la première guerre mondiale, le traité de Sèvres ayant reconnu aux Kurdes le droit de se constituer en nation indépendante. Mais la révolution kémaliste éclata, et le traité ne fut pas appliqué. Celui de Lausanne ne mentionna plus la création d’un Kurdistan. Le rêve s’écroula et, en même temps, la révolte s’alluma. Les années entre les deux guerres furent jalonnées de bains de sang.
Profitant de la deuxième guerre mondiale, les Kurdes d’Irak se soulevèrent sous la direction de Moullah Moustafa Barzani. Vaincus à la suite de l’intervention britannique, les dirigeants de l’insurrection rejoindront leurs frères d’Iran, qui en 1945 avaient réussi à ériger leur fameuse « République de Mehabad » dans le Nord-Est persan. Cependant, l’effondrement du nouvel Etat amena Barzani et quelque cinq cents de ses partisans à chercher asile en Union soviétique. Depuis, ceux-ci sont rentrés en Irak.
La révolution irakienne a ouvert aux nationalistes kurdes des perspectives inespérées. La nouvelle Constitution leur reconnaît des droits nationaux au sein de l’entité irakienne. Le Parti démocratique unifié kurde de Moustafa Barzani poursuit ses activités au grand jour. Les autorités ont constitué une commission de savants kurdes pour rédiger une histoire de leur peuple, qui sera enseignée dans tous les établissements scolaires, y compris les écoles purement arabes. Fait unique dans les annales de l’Etat irakien, des lycées et une université kurdes seront créés sous peu. Un système d’autonomie administrative est enfin en voie d’installation dans le Kurdistan irakien.
Cet état de choses n’est pas pour rassurer la Turquie. L’Europe qui s’est impliquée à faire de la Turquie un immense camp de concentration pour migrants, protégeant ainsi ses frontières d’une marée humaine, est en train de brader l’amitié nouvelle avec les Kurdes au profit d’un marchandage honteux avec Erdogan.
Qu’en dit notre intérimaire ministre des affaires étrangères ?
Ce n’est pas difficile. Sa ligne de conduite est celle des Américains, à défaut celle de JC Juncker et accessoirement l’opinion publique belge, jamais consultée autrement que dans le cadre de la bourgeoisie aux affaires, en toute démocratie, bien entendu.

Poster un commentaire