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…Le confinement à deux…

…ou l’art de faire l’amour quand même !

Dans le temps… beuh ! c’est-à-dire la semaine dernière, on pouvait se demander en voyant la circulation automobile dense, les passants nombreux, les bus bondés, « mais où courent-ils ainsi ? ». On se doutait bien que, de la journée, la plupart allait et venait de quelque part où ils ramassaient plus ou moins de pognon pour beurrer leurs tartines. Le soir, d’évidence même, c’était le restaurant, la brasserie, le théâtre ou le Standard, sinon s’encanailler dans les stupres d’une maison de passe, gentlemen only.
Comme il n’y a plus un chat dans les rues, logiquement ils sont chez eux ou à l’hôpital.
Chez eux sur la décision des chefs de la démocratie, à l’hôpital sur décision du COVID-19.
Déjà, on ne se parlait plus guère avant, les gens au XXIme siècle ne se parlent plus du tout. Cette nouveauté n’en est pas une vraiment. Seuls ceux qui ont une vive imagination et conservent leur désir de plaire, poursuivent le plaisir de la conversation. Dans un dialogue, il faut être deux, sinon, cela vire au monologue, monologue probablement plus répandu que le dialogue dans les ménages. Seul, les nouveaux de l’intime ne se lassent pas des sentiments forts partagés. Le couple est aux anges, quand les autres sont déjà aux abonnés absents.
À combien de fois le récit de la rencontre « qui les a réunis », commence-t-il à lasser ? On dit « Je t’aime » dans un premier temps, puis « Oui, je t’aime »… quand on en est à « Puisque je te le dis » à « je te l’ai dit cent fois » après, il vaut mieux ne plus poser la question. On essaie de se raccrocher à quelque chose « Tu te souviens ? Le couloir du palais de justice, tu sortais de la salle d’audience de ton divorce… C’est extraordinaire, je sortais d’une autre salle pour une question de pension alimentaire… », et de répondre invariablement à tour de rôle « On n’a pas traîné tous les deux ». Si bien qu’au bout de trois ans à entendre la même histoire, on se prend à penser « ça n’a pas traîné… on aurait quand même bien fait de trainer un peu pour réfléchir ».
De trop longs tête-à-tête finissent par le mot de trop ou de travers. Cela permet un break qui peut être bienfaisant. C’est le temps de se faire la gueule, un temps mort comme au basket.

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En ces jours de confinement, ayons une pensée de compassion pour les couples défaits dont l’un attendait avec impatience le moment d’aller vivre ailleurs et reculait les grandes explications, jusqu’à l’instant où pressé(e) par le camp que l’on a choisi, on s’apprête à lâcher d’un air d’abord distrait, comme si ce n’était pas grand-chose « À propos, j’ai quelque chose à te dire. », et ça le jour du confinement ! Alors, on s’écrase. On se tait. On ferme la porte des WC pour tweeter « Trop tard, chéri(e), je suis coincé avec l'incube/la succube ! Prie pour moi…
Notez, il y a plus terrible encore, c’est de l’avoir dit ! On se dit, c’est le COVID-19 ou le suicide !
Sinon, il ne reste plus que la lecture ! C’est embêtant, les gens ne savent plus lire ! Certes, ils ont encore les réflexes. Ils tournent les pages, de plus en plus vite. Ils comprennent les mots, le sens des phrases, mais c’est la juxtaposition des mots et de la phrase dans un paragraphe, puis dans un chapitre et enfin pour arriver au mot fin, qui les dépassent. Aussi peu arrivent à la page 20. Presque personnes touchent au mot fin. L’intrigue avec les noms emmêlés produit chez certains une hébétude tenace. Un livre sans image, est un livre où il ne se passe rien pour beaucoup. Il faut dire que l’école ne leur a pas donné le goût de la lecture et le goût du travail en même temps. Les Autorités ont dû faire un choix. Devinez lequel ?
Pourtant, après avoir regardé par-dessus votre épaule ce que vous lisez, il(elle) dit « Tu lis ça ! moi, j’ai pas pu, c’est trop con ». Il arrive ainsi qu’inconsciemment, on ne s’embarrasse pas d’un jugement, quand au bout de quinze ans de cohabitation, vous vous êtes aperçu(e) de son manque de culture, qui peut tout aussi bien être un manque de la vôtre !
Dans l’huis-clos décidé par Sophie Wilmès, le plus délicat c’est de partager la même couleur politique et/ou avoir des opinions différentes, ce qui revient à la même chose. Ça lasse très vite d’être applaudi par quelqu’un qu’on n’a plus besoin de convaincre. Quand il y a dispute dans le bons sens du terme, comme on entendait « dispute » au moyen-âge à la Sorbonne, c’est-à-dire qu’on ne s’invective pas tout de suite, les arguments valent chers. Quand la dispute tourne à la brève de comptoir, on s'aperçoit qu'on n'avait rien à dire. Les deux confinés ont eu l’occasion de s’affronter mille fois en dix ans de cohabitation. Ils sont restés ensemble parce qu’ils se voient peu dans la journée, que le soir ils ont des plaisirs différents, elle voit ses amies, lui va faire sa partie de billards, par contre ils s’arrangent bien au lit. Là, ils sont contents l’un de l’autre. Le confinement les réduit à reprendre des impressions différentes sur des faits jugés différemment. Lui, par exemple est socialiste et elle libérale. Ce n’est pas demain la veille de se retrouver dans la même logique d’organisation sociale en faisant la vaisselle, à qui lave et qui essuie (oui, ils n’ont pas de lave-vaisselle). Ils tiennent enfin un sujet de polémique !
L’aigreur des jours de confinement influence les ébats nocturnes. À présent qu’ils sont en vis-à-vis tout le temps, ils redoutent d’être au lit. Ils ont codifié, sans s’en être aperçu, un acte dont on convient qu’il a besoin d’improvisation, pour maintenir son haut niveau d’intérêt(1). Ils s’en rendent compte après s’être moqués la journée durant qui de Bouchez, qui de Magnette, ils se retrouvent comme deux colleurs d’affiches de partis différents devant une palissade. Comment faire l’amour après ça ?
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1. Les gens de théâtre sont naturels tout le temps, de la scène au lit, personne ne voit la différence.

Commentaires

"le-la succube", euh ... "le succube" s'appelle un incube. si, si

Merci du renseignement.
J'ignorais. J'ai fait l'ajout.

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