« Ultracrepidarianisme. | Accueil | You'll never walk alone (1) »

Une dictature à la belge.

En jouant sur la notion de bien public, une société peut passer de la démocratie à la dictature, sans que les citoyens s’en émeuvent. Le confinement « pour notre bien à tous » est largement admis comme une mesure nécessaire, quoique induisant des contraintes liberticides. Il est d’autres contraintes plus anciennes, acceptées implicitement dans une démocratie, comme constitutives de la société, et qui sont perçues comme des devoirs.
Ce sont les lois assujettissant le travailleur à l’employeur. Celui-là loue sa force physique ou sa force intellectuelle, parfois les deux, à celui-ci, le réduisant à l’incapacité de décider de son temps, duquel l’employeur peut user dans un contrat définissant le louage.
Si cette définition ne s’appelle pas esclavage par consentement, je me demande qu’elle autre définition convienne ?
Le confinement ne révélera pas tout de suite le chiffre des victimes du coronavirus décédés par suicide. On les amalgamera aux suicides qui touchent aux rapports de subordination du travailleur à l’employeur. Leur progression, de par le développement de l’industrie et la transformation du monde rural en société urbaine de consommation, est considérable. C’est pourquoi on noiera facilement les méfaits collatéraux du Covid-19 dans les suicides « habituels ».
Émile Durkheim, « Le suicide, étude de sociologie » de 1897, commente le suicide fataliste. C’est celui qui nous préoccupe dans les deux cas : la pandémie et les lois assujettissant les travailleurs. Il fait la jonction des deux dans un seul traumatisme. Le suicide fataliste intervient dans les cas d'excès de régulation : la vie sociale est extrêmement régulée, dans le confinement et les normes de fabrication dans le travail hebdomadaire.
On a tous en mémoire certains suicides à l’issue de nouvelles normes imposées dans les entreprises. France Télécom a défrayé la chronique il y a deux ans. Des suicides sont intervenus sur les lieux de travail, quoique, le plus souvent, ils aient lieu à domicile. C’est pourquoi, il sera difficile de démêler la cause d’un suicide d’excès de régulation.

1aage3hre.jpg

Dans les deux cas, c’est la manière dont la société imbriquée dans des lois du travail et du confinement contribue à la cause du suicide.
Cette société est une oligarchie à tendance dictatoriale qui n’a plus que quelques attributs de démocratie, comme les élections. En réalité nous vivons en dictature, sans nous en rendre compte. Nous en sentirons les effets pernicieux au fur et à mesure que les contrôles « anodins » fournis par l’électronique et les machines intelligentes restreindront nos libertés, sous prétexte d’aider soit les scientifiques à tracer le coronavirus, soit les industriels à réglementer le travail à domicile.
Le suicide mettant en cause le confinement est perceptible dans les échanges sur les réseaux sociaux. « L'isolement est trop dur, je ne supporte plus le confinement, je ne tenais plus.» Cette détresse, à mots couverts, se lit dans un message sur trois sur FB. Heureusement presque tous les messages sont des SOS et n’aboutissent pas à des drames. On peut même s’inquiéter de la placidité et de l’optimisme de nos dirigeants politiques sur la question quand on lit que fin mars, alors que la crise s'étend en Allemagne, le ministre des Finances allemand s'est suicidé. Il s'était dit «profondément inquiet» des répercussions économiques de la crise sanitaire. Début avril, c'est le médecin du club de foot du stade de Reims qui s'est suicidé en apprenant qu'il était détecté positif et se trouvait en quarantaine chez lui. La pandémie de Covid-19 s'accompagne d'une épidémie de suicides, bel et bien. Et si au plus haut niveau de l’État en Belgique, ce n’est pas perçu, c’est parce que nos ministres se sont affranchis du poids moral qu’une démocratie ordinaire leur ferait porter. Ces gens qui nous parlent placidement du drame que nous vivons, ne le perçoivent plus, ILS SONT ENTRÉS EN DICTATURE ! Le matériel humain y est secondaire et le prix d’une vie est nul. C’est la crainte du mauvais effet de milliers de morts qui les ont déterminés sur le tard, à prendre des mesures de sauvegarde. Par contre cette insensibilité retrouve toute sa dimension dans le traitement des personnes âgées des maisons de retraite, où l’indifférence des politiques est plus manifeste. (Suite demain de la chronique.)

Poster un commentaire