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Une justice impossible.

Dans des cas extrêmes de contestation des citoyens, un gouvernement aux abois fait appel à la justice. Celle-ci met en place des comparutions immédiates, jugements précipités et expéditifs à la clé. Il en fut ainsi en France durant toute la période « Gilets Jaunes ». On se doute que la justice remettra le couvert à la prochaine occasion de soutenir l’État, accomplissant une mission hautement regrettable qui fait douter de son indépendance.
La Belgique en fut réduite à ces tristes expédients lors des Grandes Grèves et à l’affaire royale. On peut penser, comme l’avenir est assez sombre, que Sophie Wilmès, toute intérimaire qu’elle est, en bonne libérale, connaît la chanson.
La justice n’a jamais montré la même sévérité expéditive à l’encontre des fraudeurs nichant leur fortune dans des paradis fiscaux ou des personnages politiques de haut rang se servant des leviers de l’État pour faire fructifier leurs capitaux. Pourtant, là aussi, il y aurait matière à frapper les esprits dans l’urgence. Les juristes répliquent « c’est qu’il n’y en avait pas ». Cet argument est irrecevable, si l’on considère l’hémorragie fiscale et les affaires de corruption nécessitant de frapper un grand coup d’arrêt de l’impunité de ces délinquants.
La justice est lente à faire comparaître des hommes politiques, au point que dans l’affaire du Kazakhgate, Armand De Decker a pu emporter tous ses secrets dans la tombe et que Serge Kubla est toujours en attente d’un procès et qu’enfin, après tant d’échappatoires et d’atermoiements, le procès d’Alain Mathot est prévu pour janvier 2021.
Les interférences entre l’activité politique et la fonction juridictionnelle saturent l’espace médiatique. Côté français, les Affaires Tapie, Fillon, Ferrand, Cahuzac, Urvoas, Balkany, Sarkozy, Balladur, Benalla impliquant le président Macron, les unes en voie de jugement, les autres toujours pendantes, donnent au nouveau garde des sceaux, l’inattendu Dupond-Moretti, un drôle de parcours pendant les deux ans qui viennent.
Sous la III° République, les affaires Stavisky ou du canal de Panama, sous la V° République, les affaires Boulin, de Brooglie, Bérégovoy, celle de la MNEF, ce n’était pas mal non plus.
Les citoyens ont perdu confiance dans les responsables politiques.

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Le système de démocratie libérale exige une séparation entre le pouvoir politique à qui revient ce qui relève de l’intérêt général, et celui des juges à qui appartient le contrôle du respect des normes établies. Il n’est pas sain que les politiques interviennent dans le champ judiciaire, ni que les juges interviennent dans le champ politique.
La responsabilité politique ne fonctionne plus, l’irresponsabilité est la règle.
Face à un pouvoir politique à la légitimité déclinante, le pouvoir des juges tend à s’imposer au risque de la confusion des genres.
On voit désormais des juges indifférents aux affects humains, faisant leur bible du code pénal, et leur pendant, des magistrats omnipotents, démiurges faisant et défaisant les destinées à leur guise, selon les têtes ou, pire, selon les origines du prévenu.
Les citoyens voient bien, puisque les lois sont faites par les parlements, qu’il y a des lois de droite et des lois de gauche. L’impartialité au niveau de l’interprétation stricte des textes ne conduit pas à rendre justes les jugements, mais à les orienter dans le sens déterminé par la majorité politique.
Mon sociologue de référence, Pierre Bourdieu, note qu’« étant donné l’extraordinaire élasticité des textes, qui va parfois jusqu’à l’indétermination ou l’équivoque, le juge dispose d’une immense liberté. Il n’est sans doute pas rare que le droit, instrument docile, adaptable, souple, polymorphe, soit en fait mis à contribution pour rationaliser des décisions auxquelles il n’a eu aucune part. » Ainsi l’acte de juger est-il nécessairement politique, puisque le juge doit choisir. Les juristes, théoriciens ou praticiens, le savent bien qu’appliquer la loi, c’est surtout improviser
Pauvre démocratie, aucun de ses anciens piliers ne résiste à la critique. À croire que ceux qui ont cru bien faire n’avaient pas de cervelle. L’ordre bourgeois établi comme modèle est devenu synonyme de désordre. Ils assassinent Robespierre une seconde fois.
L’usage des lois a surtout montré l’usure des lois et l’impossible manière de s’en servir avec impartialité, puisque les textes eux-mêmes ne le sont pas.

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