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Noël dans le jardin de Priape !

Deux jours et deux nuits avant Noël, rompant avec le genre politico-guerrier de ses chroniques, l’unique auteur de ce postage quotidien se prend à divaguer dans l’autre sens.
Qu’est-ce que le sentiment amoureux ?
Les grands auteurs ne font pas mieux que les autres, la doxologie étant le lot commun, je joins mes soupirs à leur union, à la manière de Pierre Louÿs sacrifiant à Dionysos.
Chez Platon, rien n’est tactile, ni sensuel. Mais était-ce sa véritable nature de placer la pensée au-dessus de tout, ne percevant nulle autre sensation qu’une ascèse amoureuse cérébrale ? Faut-il le croire lorsqu’il traduit l’amour dans les seuls bons sentiments « Toute aspiration en général vers les choses bonnes et vers le bonheur, voilà l’Amour ». Aimer de la sorte de nos jours, ressemble au discours d’une enseignante du catéchisme aux petites classes. Inconsciemment, c’était sans doute la raison majeure qui me fit depuis toujours préférer Aristote à Socrate et Platon.
Aristote est le premier à mettre en scène le « moi » avant Freud. Dans l’amour à autrui. « On demande, s’il faut s’aimer soi-même plus que tout, ou porter son affection sur un autre », il a une vision singulière de l’égoïsme et de son intime relation avec l’amour propre. Il est en opposition avec Tolstoï : « L’amour a toujours pour base le renoncement au bien individuel ».
L’image première est importante. Elle déclenche plus vite et mieux que tout, le sentiment amoureux. On se prend de sympathie pour Vronski dans « Anna Karénine » de Tolstoï. « …à l'entrée du wagon réservé il s’arrêta pour laisser sortir une dame, que son tact d’homme du monde lui permit de classer d’un coup d’œil parmi les femmes de la meilleure société. Après un mot d’excuse, il allait continuer son chemin, mais involontairement il se retourna, ne pouvant résister au désir de la regarder encore ; il se sentait attiré, non point par la beauté pourtant très grande de cette dame ni par l'élégance discrète qui émanait de sa personne, mais bien par l’expression toute de douceur de son charmant visage. Et précisément elle aussi tourna la tête. Ses yeux gris, que des cils épais faisaient paraître foncés, s'arrêtèrent sur lui avec bienveillance, comme si elle le reconnaissait ; puis aussitôt elle sembla chercher quelqu’un dans la foule. » J’adore cette réflexion sur les femmes qui vous regardent sans vous regarder, « …en cherchant quelqu’un dans la foule ».
Vronski attiré par Kitty Stcherbatski, a le charme du soupirant qui ne connaît rien à l’amour. Ce qu’il cherche auprès de Kitty, c’est la douceur d’une amitié féminine qui lui donne l’impression de se sentir meilleur. Nulle passion sans l’attirance qu’on éprouve. Mais, c’était avant de connaître Anna Karénine. Comme quoi, l’amour a des rebonds et des virages. En est-on maître ? Ceux qui le prétendent, n’ont jamais été amoureux.

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L’amour, chez Descartes, « …est une passion qui peut naître en nous sans que nous apercevions en aucune manière si l’objet qui en est la cause est bon ou mauvais ». Voilà un philosophe qui connaît la vie. L’intellection, Descartes ne l’a pas apprise dans les livres.
C’est une loi fondamentale du roman. La vie s’écoule en un bonheur tranquille. On se sent bien avec les autres. Les visages familiers sont bienveillants. Les gens sont gentils et on croit que toute l’existence pourrait être ainsi faite. Soudain, on aime, sans calcul et sans réfléchir aux conséquences d’un assujettissement qu’on ne croyait pas possible. Même si cela peut devenir l’antre de Hadès, c’est avant tout un paradis. Spinoza rencontre Descartes par un coup de semonce caché dans la cause extérieure « L’amour n’est autre chose qu’une Joie accompagnée d’une cause extérieure ».
À quoi bon m’entraîner vers ces scènes passées dit Lamartine. On croit que l’amour s’arrête aux beaux gestes et au désir de servir l’être aimé. Il passe parfois par d’étranges détours. Quand Valmont « Les Liaisons dangereuses » (Choderlos de Laclos), possède enfin Madame de Tourvel, enjeu du pari avec la marquise de Merteuil, il est au bord de l’amour. Il rompt par la vanité du joueur. La duplicité jouée par l’amour qui submerge tout et parfois trop tard, est une des constantes du sentiment amoureux.
Vient ensuite la longue liste de sceptiques et des cyniques que Cioran dénonce en quelques mots « Méfiez-vous de ceux qui tournent le dos à l’amour, à l’ambition, à la société. Ils se vengeront d’y avoir renoncé ».
Il ne ménage pas non plus certains philosophes « J’ai toujours pensé que Diogène avait subi, dans sa jeunesse, quelque déconvenue amoureuse : on ne s’engage pas dans la voie du ricanement sans le concours d’une maladie vénérienne ou d’une boniche intraitable.
Joyeux Noël…

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