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Relâche ou débâcle ?

Le système vient de saborder son milieu culturel traditionnel en inventant les réseaux sociaux. Tout ce qui est subventionné dans la culture, théâtres comédie et lyrique, conservatoires, grands orchestres et chorales, grands journaux, tous largement déficitaires, ne finiront pas 2021, s’ils ne sont pas largement soutenus.
C’est tout un art du convenu et du convenable bourgeois qui va disparaître. Nous ne devrions pas trop nous en plaindre, sinon que les grands classiques du répertoire dramatique et lyrique, ainsi que les maîtres de la littérature risquent de passer à la trappe avec eux et rien que cela, c’est une partie du patrimoine culturel de la langue qui, sombre par manque de diffusion. Ce phénomène appauvrira intellectuellement les générations futures.
On en voit déjà les effets.
Les réseaux sociaux jouent les glaces déformantes, additionnent les abscons et promeuvent des vulgarisations approximatives plutôt abêtissantes que bénéfiques.
Que fait la philosophie dans ce souk ? Elle s’essaie non pas à dénoncer le côté affabulateur des réseaux sociaux, mais à s’y insérer par son côté caméléon flamboyant et verblagueur.
Voilà qui rappelle les nouveaux philosophes soixante-huitards « fessés » en public par Aubral et Delcourt dans leur essai contre la nouvelle philosophie et repris par le philosophe Gilles Deleuze, dans une interview du journal « Le Monde » qui doit dater de 1977.
Michel Onfray est le dernier en date à être tombé dans la philosophie des tréteaux et des estrades télévisés, à côté du célébrissime discourant Bernard-Henry Lévy. On voit désormais Onfray partout, à tel point qu’on se demande comment il peut sortir un à deux livres par an ?
Critique de sa propre parole, cela ne l’empêche pas de se produire encore et toujours "Si vous pensez qu’en deux secondes, on peut dire quelque chose d’intelligent… En revanche, on peut dire quelque chose de fatal pour celui qui a parlé. Qu’on me fasse la grâce d’imaginer qu’il faut plusieurs phrases pour développer une idée.»
C’est bien la première fois qu’un philosophe déclare que toute apparition rapide d’un penseur dans les médias et les réseaux sociaux est toujours une connerie. Ce faisant, il critique à raison les médias et les philosophes en résumant son propre ressenti.
"Quand je dis des médias qu'ils formatent une pensée, une réflexion, ils nous invitent effectivement à ne pas penser. Parce qu'il faut aller vite, il faut être drôle, malin, marrant, hyper-réactif. .. Au bout du compte, ça marche à l'émotion. La plupart du temps, l'émission est montée. On garde les engueulades, les coups de gueule, les coups de griffe, les coups de patte. Si quelque chose est un peu complexe, ça disparaît parce que sinon les gens zappent et passent à autre chose.».
La question : « pourquoi y vont-ils ? ».

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En 2004, Jacques Derrida parlait d’une philosophie ramenée à des brèves de comptoir.
Le moins médiatique actuel, Emmanuel Todd, pourtant médiatisé par le transfert de ses conférences sur les médias, a décidé de se considérer comme un personnage non-public. Sauf qu’il ne le peut pas et le voilà aspiré dans un monde qu’il connaît, pour y avoir détesté presque tout, mais il y est plongé jusqu’au cou. Il en fait partie !
Le burn-out promotionnel de Pascal Bruckner est une pose, une affectation du personnage, mais c’est un gourmand du paraître comme Lévy.
Ce n’est pas nouveau que si la notoriété flatte l’égo, il est difficile d’y résister. Beauvoir racontait que Sartre pouvait signer vingt pétitions, sans les lire.
La performance télé-intellectuelle des philosophes tourne à l’exhibition de soi. Le cœur du métier, ce n’est pas la profondeur de la pensée, mais l’incarnation d’un imaginaire immédiatement identifiable par le téléspectateur. De BHL, on sait son habileté à empêcher la contradiction, la critique pour lui est une profanation de sa pensée ! Cela pourrait être drôle, ce n’est que pathétique.
Et puis, il y a la confusion des genres. Les philosophes se veulent journalistes et les journalistes, philosophes. C’est sur cette ambiguïté de « je sais tout, parce que je suis les deux » qu’Eric Zemmour s’est fait une réputation à la Pic de la Mirandole sur Cnews.
C’est presque la même option de brièveté dans les réseaux sociaux qu’à la télévision. Sur Facebook les articles de fonds sont peu lus, seules les photos-montages sont vues avec les quelques lignes que FB laisse au-dessus. Le reste est quasiment perdu. Ceux qui ont envie de réfléchir sont priés de dégager, toucher le plus grand nombre d’utilisateurs est le seul objectif.
Tout achoppe sur le terrible dilemme, le sage a besoin de calme pour réfléchir et du tapage pour vendre des livres et exister. Désormais c’est la notoriété qui fait l’homme et pour s’y consacrer, il abandonne sa singularité. Sa popularité l’appauvrit et le consacre à la fois.

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