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Répartir et départir.

Les médias qui adorent pourtant les riches, se paient parfois la tête de l’un d’entre eux. Avec son yacht qui ne passe pas sous un pont pour rejoindre la mer, Jeff Bezos est un riche ridicule. À bien y regarder, les ingénieurs du chantier naval hollandais qui ont conçu le bateau, sont bien plus ridicules que son propriétaire. Au-delà de l’anecdote, les lubies des milliardaires sont aussi autant d’obstacles à la lutte écologique. De cela, on en parle moins, bien sûr. Les médias risqueraient d’énerver Georges-Louis Bouchez, très remonté sur ce thème.
Ainsi les riches détruisent le monde, mais comment s’y prennent-ils ?
Ceux qui détiennent les leviers politiques et financiers sont aussi les démarcheurs d’un modèle de consommation à outrance, le nôtre. dévastateur pour la planète...
On ne va pas revenir sur les déchets plastiques, les carburants, les engrais chimiques, ni même sur ce que nous bâfrons à longueur de journée, qui nous est quasi imposé par les pubs et le constat que dans certains milieux, on ne bouffe que ce qu’on voit sur les affiches.
Non. La science prend le relais. Depuis que l’Homme existe, c’est la première fois qu’il touche à la biosphère, qu’il va sur la Lune et bientôt sur Mars. Cela ne se fait pas en harmonie avec la nature, mais sous la menace d’une crise écologique majeure.
L’hypothèse d’une irréversibilité du changement climatique a plus la cote que l’inverse, celle qui pense l’homme capable de faire revenir les températures à ce qu’elles étaient dans la première moitié du siècle précédent.
Les glaciers du Groenland fondent plus vite que ne le prévoyaient les modélisateurs ; les océans pourraient pomper moins de gaz carbonique ; le réchauffement accélère la fonte du pergélisol, cette immense couche de terre gelée située en Sibérie et au Canada, qui de ce fait menacerait de relâcher des quantités énormes de gaz carbonique et de méthane qu’elle recèle.
L’érosion de la biodiversité, les spécialistes parlent de « sixième crise d’extinction » pour désigner la disparition accélérée d’espèces que notre époque expérimente. La cinquième crise d’extinction, il y a soixante-cinq millions d’années, avait vu la disparition des dinosaures.
Les chaînes alimentaires sont contaminées par des polluants chimiques. L’ensemble des océans, que l’on pensait illimité dans sa capacité de régénération, est de plus en plus affaibli.
Ce n’est pas d’aujourd’hui, que notre société est avertie du péril, dès 1969 Rachel Carson réveillait l’opinion. Hélas ! l'opinion se rendormit aussitôt bercée par les promesses libérales de la croissance économique illimitée.
Depuis, tout le monde prend au sérieux la catastrophe qui se prépare. Sauf l’ancien gamin des rues de Mons qui reste dans l’objectif de consommation et de croissance. Avec lui, on poursuit la route vers le désastre, mais avec enthousiasme en applaudissant les performances économiques !

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Le pouvoir libéral dans nos sociétés bloque les politiques urgentes à mettre sur pied.
Le nombre de personnes en situation de pauvreté absolue, c’est-à-dire disposant de moins de 2 dollars par jour, reste de l’ordre de 2 milliards, tandis que l’Organisation pour l’alimentation et l’agriculture ( FAO) estime à 820 millions le nombre d’humains insuffisamment nourris. L’incidence ? Mais ces malheureux que l’on a exclu, pensent que notre pollution est synonyme de prospérité !
Il y a 60 ans, une rupture majeure du capitalisme est intervenue dans le fonctionnement de la machine économique. Depuis, l’oligarchie accumule revenus et patrimoine à un degré jamais vu depuis un siècle. Il est essentiel de s’intéresser à la façon concrète dont les hyper-riches utilisent leur argent. Une consommation outrancière de yachts, d’avions privés, de résidences immenses, de bijoux, de montres, de voyages exotiques, d’un fatras clinquant de dilapidation somptuaire est à comparer aux deux dollars par jour de milliards de gens.
La tendance à rivaliser est inhérente à la nature humaine. Chacun d’entre nous a une propension à se comparer aux autres, et cherche à manifester par tel ou tel trait extérieur une petite supériorité, une différence symbolique par rapport aux personnes avec lesquelles il vit. C’est ça qui nourrit le moteur de croissance.
Les sociétés produisent la richesse nécessaire pour satisfaire leurs besoins de nourriture, de logement, d’éducation des enfants, de convivialité, etc. Elles produisent une quantité de richesses bien supérieure à la satisfaction de ces besoins. Pourquoi ? Parce qu’il s’agit de permettre à leurs membres de se distinguer les uns des autres.
Nos sociétés génèrent un gaspillage énorme, parce que la dilapidation matérielle de l’oligarchie – elle-même en proie à la compétition ostentatoire – sert d’exemple à toute la société. Médias, publicité, films, feuilletons, magazines « people » sont les outils de diffusion du modèle culturel dominant.
La question de l’inégalité est centrale : les classes moyennes n’accepteront pas d’aller dans la direction d’une moindre consommation matérielle si la situation actuelle d’inégalité perdure, si le changement nécessaire n’est pas équitablement adapté. Recréer le sentiment de solidarité essentiel pour parvenir à cette réorientation radicale de notre culture suppose évidemment que soit entrepris un resserrement rigoureux des inégalités – ce qui, par ailleurs, transformerait le modèle culturel existant.
Face à la crise écologique, il nous faut consommer moins pour répartir mieux, afin de mieux vivre ensemble plutôt que de consommer seuls. Quels sont, dès lors, l’intérêt des discours de Bouchez ? Sinon, celui d’un pauvre type qui s’épate de sa propre éloquence.

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