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Une prime pour tuer !

Le quatrième roman de Salman Rushdie, « Les Versets sataniques », est édité en 1988. Le 14 février 1989, l'ayatollah Khomeini publie une fatwa de mort contre Rushdie pour blasphème. Rushdie entre dans la clandestinité.
Je n’ai pas lu le livre. Je n’ai pas à dire s’il est bon ou mauvais. Seuls trois chapitres, disent les critiques d’un pavé de 500 page, mettent en scène Mahomet. Et quand bien même eût-il été outragé, « l’outrage » et le blasphème n’entrent pas dans les délits de la Loi et la charte des droits de l’Homme. Il n’empêche, trouver le livre mauvais parce que blasphématoire rappelle les cathos au temps de l’inquisition. Le maître en torture de l’époque, l’Espagnol Torquemada, moine Dominicain, n’avait rien à envier à l’ayatollah question goût de la mort des impies !
Il fallut plus de quatre siècles pour venir à bout de la prétention de l’église catholique à gouverner les États et dire la morale, de passer de l’assassinat par les tortures et le bûcher, aux rapports apaisés entre les croyants et les incroyants. Et voilà qu’une autre religion prend la relève : la musulmane, qui remet en cause le principe de la laïcité, qui récuse le droit au blasphème et fait chier tout le monde avec d’autres conneries que celles de l’Ancien Testament ! Mais qui a envie de retourner au Moyen-âge ? À part quelques cinglés, personne !
Où est apparu ce nouveau pus dans la tête des hommes ? Trouver le point de bascule en Europe du début des excès de zèle des musulmans, aux abominations d’aujourd’hui est mal aisé. Cette religion est devenue insupportable pour beaucoup bien avant l’attentat des Twin Towers en septembre 2001. Le début de cette folie meurtrière est probablement corrélé à l’afflux des musulmans venus en masse du Maghreb à partir de 1975. À ce propos, 1979 pourrait être l’année de référence : élection de Margaret Thatcher en Grande-Bretagne, révolution iranienne, début des réformes de Deng Xiaoping, occupation de l’Afghanistan par les troupes soviétiques, prise d’otages à la Grande Mosquée de La Mecque par des fondamentalistes saoudiens et égyptiens. La succession rapprochée de ces événements dessine et annonce le monde remodelé tel qu’on le connaît aujourd’hui : grand départ de la mondialisation néolibérale juste après la chute du mur de Berlin en 1989, surgissement de l’islam totalitaire et provocateur.

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Pour l’Europe, c’est le dépôt de bilan au procès qu’on lui fait du colonialisme, comme si les enfants étaient responsables des horreurs commises un siècle avant leur naissance. Et c’est un laxisme naissant, indulgent et bienveillant à l’accueil d’une immigration vite hors contrôle. Le gâchis aussitôt caché des politiques par une sorte de lâcheté qui ne fera que croître à l’égard de l’islamisme, le tout bien antérieur au 11 septembre 2001.
La fatwa, prononcée par l’imam Khomeiny à Salman Rushdie, réinstaure le délit de blasphème à l’échelle mondiale. La sentence est la mort à la stupéfaction générale. Ce que les Européens avaient pris pour une monstruosité anachronique passagère était en fait l’affirmation de millions de ressortissants de l’Afrique méditerranéenne déterminés à garder leurs mœurs et leurs manière de vivre sous notre climat, dans une occupation du sol qui serait de moins en moins pacifique. Seuls les esprits les plus clairvoyants saisirent les implications du scandale qui se déroulait sous leurs yeux, faisant preuve d’une prescience d’autant remarquable que le reste du monde, rapidement oublieux, se révélait finalement empreint d’une peur irrépressible de la barbarie des attentats, sans autre réaction qu’une surveillance des rues, la protection rapprochée et les gilets pare-balles !
Les religions ont une histoire, les textes sacrés aussi. Ceux-ci ne descendent pas du ciel. Des écrivains opportunistes ont raconté des histoires à des peuples qui en demandaient. Il y a eu plus de dix mille religions depuis l’aube de l’humanité. Chaque jour en voit naître de nouvelles. Les dieux d’aujourd’hui finiront dans les bibliothèques à côté de ceux des mythologies du monde entier. Interdire la représentation d’une figure sacrée ne répond à aucun impératif moral : ce n’est rien de plus qu’une coutume, d’ailleurs diversement respectée au fil des siècles.
La satire et l’humour rappellent que les religions sont le plus souvent des instruments de légitimation d’idéologies ultraréactionnaires qui font reposer leur autorité sur des injonctions arbitraires. Quant au roman, en proposant sa vision profane du monde, il contrecarre inévitablement la lecture dogmatique qu’en font les religions révélées. « Le roman n’impose rien. Il réfute toute forme d’injonction et ne propose que des visions du monde complexes, ambiguës, équivoques. Qui a tort ? Qui a raison ? Le roman se garde de trancher. Le résultat est qu’on ne tue pas au nom de Rabelais. On ne tue pas au nom de Rushdie. » (Le Monde Diplomatique)
Des fanatiques, souvent immatures n’ont pas hésité à accomplir des crimes commandés par ceux qui restent assis à leur table, derrière leur moucharabieh à manger des loukoums, tout en rédigeant leur fatwa.
Pas encore mort Rushdie ? Son bourreau ne touchera pas la prime offerte par l’Iran. Celle-ci va probablement augmenter pour le candidat-assassin suivant.

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