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Un enterrement hors classe.

Les médias n’ont pas changé depuis si longtemps, qu’on peine à distinguer une once de réalisme et de sérieux, chez les propagateurs de nouvelles, depuis la mort de Pie XII.
Ceci en parcourant presse et télé à propos de la mort d’Elisabeth II.
Le lecteur est coincé entre son agacement de voir et d’entendre cent fois la même chose et l’espèce de commisération respectueuse devant la mort, toutes les morts en général, à propos d’une vieille dame de 96 ans.
On célèbre aujourd’hui une cheffe d’État qui ne s’est strictement jamais mêlée de politique. On ne sait donc son opinion sur rien. Son rôle consistait à serrer des mains, lire des discours préparés par son premier ministre. Elle est restée toute sa vie dans son rôle d’inaugurer des dispensaires, de se montrer avec des chapeaux dont on ne sait si on les a sortis de la boîte avant qu’elle s’en coiffe, d’aller de château en château pour que ses photographes de cour puissent exercer leur talent.
Cependant les éloges abondent sur sa vive intelligence des choses politiques, par son admirable talent à laisser traîner quelques signes d’interprétation de sa pensée confuciusenne sur ses vêtements et ses chapeaux.
De cette vie oisive, coupée de visites d’États, de banquets en grande tenue, on fait toute une mythologie dont le peuple des télés s’ébaubit, sans que de toute cette saga ne se reflète rien des véritables événements qui secouent notre planète et dressent les tyrans contre les peuples et les peuples entre eux, pour des raisons aussi peu compatibles avec la Reine Elisabeth II, qu’un dentifrice avec un suppositoire.
Il y a dans l’attitude des gens outre un patriotisme stéréotypé souvent fabriqué depuis l’école, une sorte d’admiration pour les riches, qui servent à nous représenter, même s’ils ne font rien, a contrario de leurs congénères, milliardaires de la Bourse et du brigandage industriel. Les vieilles dynasties dont on ne connaît pas l’histoire ont quelque chose dans la durée qui s’appelle la mémoire familiale qui force l’admiration des imbéciles heureux venus de nulle part, c’est-à-dire de partout !. Certaines remontent à Charlemagne, tandis que le reste de la population connaît à peine un arrière-grand-père. Ils s’affichent dans les livres d’histoire, à l’inverse, du reste de la population, pour laquelle il ne reste que deux lignes dans le grand livre d’État-civil de la maison communale.
Avant de devenir la maison de Windsor en 1917, les origines de la famille royale anglaise sont essentiellement germaniques, comme la famille royale belge. L’actuel Charles III est par sa mère Elisabeth II, issu de la Maison de Hanovre, une dynastie royale allemande qui a régné sur le duché de Brunswick-Lunebourg, avant d’atterrir en Grande-Bretagne. Elle succède à la maison Stuart sur le trône britannique en 1714 et s'y maintient jusqu'à la mort de Victoria en 1901. À la mort de Victoria, le trône du Royaume-Uni passe à la maison de Saxe-Cobourg-Gotha, branche cadette, en la personne d'Édouard VII, maltôte des deux branches en une seule bien allemande.

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Pas de quoi pavoiser en parcourant les filiations de ces grandes dynasties souvent passant tout juste d’une génération à l’autre grâce à un bâtard providentiel ou un cousin bienveillant se substituant à un monarque sexuellement défaillant.
Quoique aventure très banale, comme il en arrive tous les jours dans les métropoles, voilà le personnage objet d’adoration d’une partie du peuple, plus people qu’autre chose, le reste du troupeau obligé de suivre pour ne pas se faire conspuer et marginaliser par une opinion reflet de tout ce qui tourne autour de l’Officiel.
Dans le cas d’Elisabeth II, nous allons passer une semaine d’enfilades de non-événements, avec grands renforts de drapeaux et de musiques militaires. On nous sommera de distinguer dans la foule recueillie lors de ces cérémonies, le président Macron et le roi des Belges. A l’occasion du grand deuil de la reine Mathilde, on reparlera du cousinage de « nos deux dynasties ». Les petits drapeaux seront agités. Les selfies seront respectueux et dignes, au passage de la bière.
Durant cette semaine nous oublierons l’inflation, l’incertitude à propos du climat, l’hiver difficile que nous aurons, le prix du gaz, le coup tordu que le MR prépare contre les chômeurs, la dérive du gouvernement De Croo à propos des pensions, etc. C’est toujours cela de gagné sur le temps des conflits dans lesquels on entre en ce mois de septembre. On hésitera entre le God Save the Queen et le discours ambigu de l’européenne Ursula von der Leyen.
Nous saurons tout sur la texture du cordon du poêle du drap funéraire, des retrouvailles « émouvantes » des fils de lady Di et de l‘émotion de Charles III. Rien ne nous fera détourner le regard de ce spectacle-enterrement.
Ces dix jours de bonus, bénédiction pour des programmateurs laborieux et des bouclages de presse difficiles, seront à peine perturbés si, parmi les forcenés qui se battent autour de la centrale nucléaire ukrainienne de Zaporijia, la plus grande d’Europe, un enfoiré d’un des deux camps décide d’attirer l’attention en tirant au canon sur un des réacteurs.

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