« Procès Cools : la longue marche qui n’arrive jamais ! | Accueil | Belgique : une future république bananière ? »

Für Elise

furelise.jpg

Personnages : Elise, artiste en chambre – Emile, ancien typographe – Flore, une employée –
LA BANDE : Persu, le chef – Fati, sa meuf – Gègèr, le pinc’.

Mise en jambe : Dans une banlieue crade et sans avenir, des architectes fous ont construit des ensembles, malheureusement habités.
Nous sommes dans un minuscule appartement du bloc C au cinquième étage dont on ne voit que la salle de séjour qui fait aussi office de cuisine. Côté cour, un lit escamotable aux draps défaits est ouvert. Côté jardin, un réfrigérateur et une chaise percée. En retrait, on devine la porte de la chambre. Une ligne blanche, grossièrement tracée coupe la scène parallèlement au public. Elle joint le lit à la chaise percée.
Dans le fond, une porte palière et une fenêtre. Sous celle-ci, une table et deux chaises en vis-à-vis. Sur la table, un téléviseur ancien. Il est allumé. On voit et on entend un pianiste interpréter « Für Elise » de Beethoven. Devant la table, presque en dessous, un énorme coffre en bois blanc que la ligne blanche contourne.
Emile est en chemise de nuit à deux pans. Elise en mini-jupe, fardée comme pour sortir. Elle mange, fume et se peint les ongles en même temps. Lorsque elle lève la tête, c’est pour se regarder dans le miroir. Elle croise et décroise les jambes. La télévision couvrant leurs voix, ils parlent haut.
Ils sont assis de part et d’autre de la table. Pour se voir, ils se penchent vers le coffre, la télévision les en empêchant.

Scène I
Quand mamaze travaille pour Staline


Emile : T’as plus vu Roger ?
Elise : T’as plus vu qui ?
Emile : Roger !
Elise : J’t’ai déjà dit qu’on s’voyait pus.
Emile : C’est not’ fils quand même !
Elise : Et alors ? I’ fait sa vie.
Emile : I’ fait quoi ? On s’entend plus avec ce bazar.
Elise : J’regarde Melrose.
Emile : C’est fini, Melrose, v’là bien un quart d’heure.
Elise : Mais non, Michaël joue du piano pour Amanda.
Emile : C’est « Fûr Elise » de Beethoven.
Elise : Elle a le même nom que moi. (Elle éteint la télévision) De toute façon, j’ai pas vu les autres
épisodes.
Emile : J’te demandais, si t’avais plus r’vu Roger ?
Elise : Ouais. Je suis pas sourde. J’t’ai répondu qu’il faisait sa vie.
Emile : Qu’est-ce que ça veut dire « Il fait sa vie » ? Il habite le bloc à côté. Il pourrait prendre des
nouvelles de ses vieux !
Elise : Si c’est pour t’entendre râler… Puis, que veux-tu qu’il dise ?

furelise8.JPG

Emile : La dernière fois qu’on l’a vu, tu lui as refusé cent balles.
Elise : Il fallait faire ceinture ?
Emile : Ecoute, cent balles !
Elise : Tu sais ce qu’i’ fait avec ? C’est pour ses savonnettes.
Emile : Tu as tes clopes… Si c’est ce qu’il veut ! On ne va pas loin avec cent balles…
Elise : …pour de la dope. On a déjà trop causé de Roger. Quand c’est pas de Roger, c’est d’autre
chose. Etonnant que t’aies pas encore entonné le couplet de ta mère, la sainte, en renfort à Roger. (Elle s’empare d’un roman-photos qui traîne sur les assiettes sales et le feuillette ostensiblement.)
Emile : T’as pas la fibre maternelle, on peut dire. T’as pas de fibre du tout. (Il se lève brusquement en se tenant à la table) Elise, je sens que ça vient.
Elise : (Sans lever la tête de son roman-photo.) Encore !… Fais un effort. Retiens-toi.
Emile : Je peux pas. Je peux pas, nom de Dieu !
Elise : (Posant calmement son roman-photo dans le graillon des assiettes. Les yeux au ciel.) Tu fais un coup de calcaire tous les cinq minutes. Tu vas criser longtemps ?
Emile : Je t’assure. Je vais déponer ! (Il lâche la table et se place sur la ligne. Il progresse lentement en direction de la chaise percée. Il tremble et semble ne pas mettre les pieds exaxtement sur la ligne. Il est plié en deux et se tient les entrailles.
Elise : (Se plantant devant lui sans le toucher.) La ligne, bouffon sénile ! Marche dessus bon sang ! Si c’est pas malheureux, un homme pareil ! La ligne… tu vas plomber le plancher.
Emile : Mon Cyclopasmol !
Elise : (Marchant à reculons) Avance, t’arrête pas.T’as trois mètres à faire. C’est pas fini ton numéro ? Tu vas au dérouleur de cakes en fermant ta gueule !
Emile : Je vois tout brouillé. Pourquoi tu m’aides pas ? Où t’as mis mes lunettes ?
Elise : Pourquoi je t’aide pas ! Tu ne t’es pas vu, mon pauvre Emile ? Tu pues la charogne. Tu me
dégoûtes. Te toucher ? C’est pas possible. C’est comme si je poignais dans un rat crevé !
Emile : (se redressant l’air buté) J’avance plus sans mes lunettes… et puis mon Cyclopasmol.
Elise : (saisissant les lunettes au-dessus du réfrigérateur.) Les voilà.
Emile : (les chaussant, l’air satisfait.) C’est un monde, ça d’me confisquer mes lunettes. (Il s’assied sur la chaise percée. Il se saisit d’un morceau de journal visiblement là pour autre chose qu’une lecture des faits-divers, en marmonnant). C’est un monde, d’me confisquer mes lunette.
Elise : La ligne est visible sans tes lunettes… et puis si c’est pour lire au lieu !
Emile : Oui, je lis au lieu. Je lis où ça me plaît ! Et j’écris pareil, quand ça me plaît !
Elise : Qu’as-tu besoin d’écrire à ta sœur que je suis une salope ?
Emile : Qu’as-tu besoin d’être une salope ? (Il rit) Avec mon Cyclopasmol j’aurais eu le temps de…
Elise : Vas-y, bloblotte, vieillasse. N’empêche, six couches de vernis sous la ligne pour pas que le
plancher s’imprègne. C’est mieux que le Cyclopasmol, le vernis, d’autant que le pharmacien a dit que tes pilules n’étaient pas faites pour ça !
Emile : Elles servent à quoi, alors ?
Elise : A t’enlever les sottises que tu as dans la tête !
Emile : Alors, c’est raté !
Elise : On peut le dire ainsi.

elise 3.jpg

Emile : (se levant de la chaise percée attendri en même temps que soulagé) On était bien dans le temps, nous deux ! Tu te souviens du meublé rue Amandine ? (Il fait un geste vers elle.)
Elise : (bondissant pour se mettre hors de sa portée.) On repasse pas deux fois chez Mac Do. J’ai été dose de toi, faut reconnaître. mais aussi, ce que tu promettais !… Voyages, aventures. Qu’est-ce qu’on a vu ? Les volcans d’Auvergne que le grand chauve avec son Vulcano était pas né et le Pont d’Arc de mame Martin, en quinze ans ! Tu parles d’un périple ! Et voilà qu’aujourd’hui, que tu bandes guimauve, mon pauvre Emile…
Emile : Tu sais quoi ? T’as rien là (il frappe sur son cœur.) Tu crois qu’à l’usine je courais au plaisir ?
Elise : C’est ça… Vas au violon des regrets. C’est là qu’t’es l’plus fort.
Emile : Ce que j’ai été con de marcher aux « toujours, c’est pour la vie ! »
Elise : C’était il y a vingt-cinq ans, mon pauv’ vieux, autant dire que ça n’a jamais existé. Il y a
prescription. T’étais beau, alors. Regarde-toi, regarde ce que t’es devenu ! Où il est le prince charmant ? Je vois un vioque en bannière qui chie partout. Qui a été floué le plus ?
Emile : (revenant au lit.) On s’est défendu. Avons-nous eu faim ? As-tu manqué de quelque chose ?
Des plus marioles, que j’ai connus, vivent sous les ponts, à présent.
Elise : (dans un grand geste circulaire) T’appelles-ça une réussite ? Fous le camp Emile. T’as personne qui te retient. Tu vois pas que j’en ai marre de toi ?
Emile : Ah ! tu voudrais bien que je m’évapore. Nimportaouak. Pourquoi tu me jettes pas à l’asile ?
Chambre 618 avec le kakou à qui t’as bousillé le joystick ?
Elise : Je te défends de parler de ce malheureux Pierre sur ce ton-là !
Emile : Tu l’avais débranché du bistrot. Faut reconnaître. Comme épave, c’était deux Titanic pour lui tout seul. Si c’est ça l’idée que tu te fais du prince charmant !
Elise : Je ne sais pas ce qui me retient de téléphoner aux urgences qu’on t’embarque.
Emile : Je sais moi…
Elise : Ah ! oui… c’est quoi ?
Emile : Ma retraite pardi… mes sous…
Elise : Je sais me débrouiller seule. Ta retraite ? Elle passe en couche-culottes et pilules… Remettre le sapin en plastique au-dessus d’ la télé, regarder la Grande vadrouille, en finissant le lapin aux pruneaux, te la souhaiter encore une fois, la bonne année. Je pourrais plus. T’entends ? Je pourrais plus ! Il faut que ça finisse.
Emile : Surtout que tu fais dans l’artisanat, à c’t’ heure! Aux dernières nouvelle, à ce qu’on dit, après le kakou, chambre 618, voici monsieur bricolage. C’est quoi le fond d’commerce d’Amadeo, la came ou la fourgue ?
Elise : L’amour, pauvre con, l’amour ! Dis-donc, t’as encore fouillé dans mon sac ? Comment tu sais son blase ?
Emile : Tu as tes brouilleries pour me balancer ton credo : « l’amûr tujûr » ? Mamaze rameute pour
Staline ? S’ils te débectent, les biftons de Mimile, pourquoi tu fais body-gard quand jeme pointe à la poste ? Tu as peur qu’Amadeo me braque ?
Elise : Il y a sept troquets entre la poste el le bloc. Je ne te mets pas propre pour que tu roules dans le ruisseau. Jusqu’où tu irais dans le mois, si j’étais pas là ?
Emile : Tu es d’une dureté ! Tu as eu les à-côtés, la chaleur humaine, un toit, des plaisirs, avant de
tourner chienne !
Elise : Pour les plaisir, faudrait pouvoir y faire, mon pauvre vieux. Eh ! quand bien même… tu
m’inspires plus ! Je suis pas sous bandelettes, môssieu, j’ai un corps. (Elle se campe, fait quelques pas, puis s’arrête poings sur les hanches devant le coffre sur lequel elle pose le pied.)
Emile : Tu me donnes l’envie d’un deuxième service… (Il se tient le ventre, mais ne bouge pas.)
Elise : T’as plus les moyens de l’extravagance. Le contrat portait pas que tu deviendrais spongieux,
quand je t’ai épousé. (Inquiète de la mine d’Emile qui se tient toujours le ventre.) Si l’infection gagne le plancher et qu’en dessous on appelle l’hygiène, je ne sais…
Emile : (Gracieux et plein d’ironie.) Vous êtes bien élégante, ce soir. (Il avance la main vers un sein.)
Elise : Touche pas ! C’est hors tes prix. Ce soir, je pêche à l’onzième doigt.
Emile : (D’un ton désespéré.) C’est trop ! (Il reprend en vacillant le chemin de la chaise percée.)
Elise : Ah ! le malgrâcieux, t’empêcheras pas mon amant d’arriver.
Emile : (L’air égaré.) Quel autre ? A la télé, c’était Für Elise, non ? Cinquième gauche, bloc C. Elle estpas encore rentrée, j’y dirais.Elle achète les savonnettes de Roger dans mon dos. Ne l’attendez pas. Elle ment tout le temps. Pierre n’a pas quitté la maison des Charmilles. Il m’attend sur le banc… C’est pas lui qui… Amadeo peut-être ? ou un autre. Qu’est-ce qu’on sait, avec cette femme-là ?
Elise : C’est tout, oui ! Sans ton Rohypnol, je suis tranquille, monsieur bascule. Hein, tu bascules ?
Tu as eu ton petit quart d’heure. Maintenant tu sais même plus ton nom !
Emile : Elle m’a enfermé dans la piaule et j’ai même pas de quoi fumer !
Elise : Sans tes lunettes, oui, t’es seul (Elle les lui arrache du nez. Va à la fenêtre dont elle ferme à demi le rideau.) La vue de l’arbre du square ne te vaut rien. Te voilà redevenu un asticot. (Elle soulève l’espèce de bonnet de nuit qu’il a sur la tête.) Tu es un asticot sous une pierre. Je la soulève et te voilà tout blanc et gluant au soleil.
Emile : Pierre est là, hein, charogne ? C’est cette crapule qui t’emmène à Venise. (Il atteint la chaise
percée, bras en avant. Il met les mains dans le pot de chambre.) T’es à l’envers, bonhomme. (Il rit.)
Tu as la tête à la place du cul !
Elise : (Durement.) Fais gaffe au monument sur lequel tu veux t’asseoir. Des générations de flasques y ont déversé leurs pus. Quand tu seras rétamé, bijou, j’en ferai un guéridon ou je le revendrai à Jockeytte. Un peu de terre au fond, elle y mettra une plante.
Emile : (Enfin sur la chaise percée.) Nini, pour une imposition de seize dans seize, la double Colombier paraît le meilleur format.
Elise : Le revoilà à l’imprimerie. Tu déposes et tu pars. Tu m’entends ?
Emile : Tu commences toujours à gauche, Nini. Mon p’tit gars Roger, viens voir papa !
Elise : Et son fils !
Emile : (Retournant au lit.) J’ai encore maigri. C’est normal avec le merlan en réclame. Je n’aime pas le poisson. Amadeo a une tête de cabillaud.
Elise : Non pas le lit. T’as vu l’heure ? Il faut retourner à l’atelier. (Elle le pousse devant le coffre, ouvre le couvercle.) T’entends les autres qui pointent ? Cling… Cling… Tes copains sont déjà à la casse. (Elle lui soulève une jambe, puis l’autre et l’aide à entrer dans le coffre. On frappe violemment à la porte.) C’est Persu. Il est en avance… C’est la première fois que…
Emile : (Dont on ne voit plus que la tête sortant du coffre.) C’est qui, Persu ?
Elise : Un de tes camarades. Il lui manque une lettre de corps six. Regarde dans tes cassetins. Non,
une lettre à quatre crans. (A part) Depuis le temps que je l’entends déconner, j’en connais un
rayon de son imprimerie.
(On frappe à nouveau.)
Emile : Je vais voir qui c’est…
Elise : (Elle lui pousse la tête dans le coffre et rabat le couvercle) Ah ! charogne… Voilà un instant… C’est qu’il est impatient, le grand fauve. (Elle replie le lit au mur. Pousse la chaise percée dans le frigo. Va vers la porte en arrangeant ses cheveux). Voilà…

FIN DE LA PREMIERE SCENE

Je tiens la suite de « Für Elise » à la disposition de toute troupe de théâtre qui n’aurait pas dans son répertoire « Le Petit Prince » et « Les lettres de mon Moulin ».
Richard d’York.

Commentaires

Bonjour c'est trop nul... Faudrait que vous arretez car franchement je plains ce qui regarde ca !!

:)
Esteban.

dSL D4AVOIR MIS PLUSIEURS FOIS


:embarras:

Poster un commentaire