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Tableaux en successions rapides

Je me suis éveillé ce matin avec une grande satisfaction personnelle.
Elle tenait à presque rien : celle de pouvoir me rendormir.

« Le plein jour laisse filtrer un rayon de soleil à travers les tentures. Quelques secondes, je m’émerveille de l’ombre dorée au plafond.
A la patinoire de Coronmeuse avec Gisèle, nous patinons en couple et les gens s’arrêtent pour nous regarder. Elle a des charlottes et un visage d’ange. Des quelques monnaies soustraites du tiroir-caisse de la boulangerie paternelle, elle achète deux cornets de crème glacée.
J’hésite entre me rendormir ou sauter du lit. Je choisis l’option médiane. Je reste dans une semi inconscience.
Pour conforter ma quiétude, je tâte à côté de moi. Seul !... Célestine a décidé de dormir ailleurs. Son manque d’enthousiasme des dernières semaines avait éveillé mes soupçons. Nous avions décidé de rompre.
Quelques linges arachnéens dans les tiroirs me la rappellent, avec ses toiles où elle aime se peindre éternellement jeune. C’est de la fiction.

Sous les draps la déesse se mit à ronfler
Sa bouche exhala une fragrance d’eau morte
Et le soupir attendu des lèvres accortes
Ne fut qu’un vent coulis de l’intestin enflé…
(J’ai vaguement conscience que je pète à sa place.)

Je me flatte que la main qui me parcourt est celle d’une passante qui glissait la veille entre les rayons de livres à la FNAC. J’aime les livres. J’ai toujours l’espoir de croiser une lectrice de Flaubert ou, mieux, de Saint-Simon. Quoique chiante, une admiratrice d’Amélie Nothomb ferait l’affaire, au pire, une consommatrice de JK Rowling, mais, ce cas extrême réduirait à néant mes moyens de séduction.
A une distance évaluée à trois fortes anthologies, une charmante emmitouflée dans une écharpe rouge feuillette une nouveauté. Serait-elle auteure ?
« Wolfgang Amadeus tant haï de Muguette
Lui commande le soir à la chambrette
De garder sa petite culotte de nuit… »
Elle a le visage chiffonné d’une femme veillant tard une relecture de « La Chartreuse de Parme ». Tendre victime d’un conflit au long mûrissement, une inavouable raison l’empêche cinq ans après la séparation, de faire l’amour avec un autre.
Je ne déchiffre qu’à la caisse l’ouvrage qu’elle emporte : « Anna Karenine ». Vu son âge, c’est décevant. Elle aurait dû lire cela à l’adolescence.
Cela me contrarie.

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J’entre dans l’incompréhension de l’être.
L’auteur russe me précipite à la révolution d’Octobre. Tout cela n’a aucun rapport.
La dame à l’écharpe disparaît avec son livre.
Je poursuis mes divagations.
Comment puis-je avoir des jugements sur tout ? Le parti socialiste est une de mes cibles favorites. Qu’est-ce qu’il m’a fait ?
Je suis près d’envoyer une lettre d’excuse à la section liégeoise du parti et à un ami qui, il y a peu, s’en était réclamé dans une crise de mysticisme laïque...
Un amour-propre surdimensionné me retient. J’ai déjà pourtant écrit soixante pages.
Quelque part le sort de Kerry s’est scellé. Dans quatre ans, ce sera à Hillary de tenter sa chance.
Ceux qui s’imaginaient que Bush vainqueur patinerait en couple avec l’Europe comme moi avec Gisèle, se trompent. Condoleezza Rice monte en puissance… Il y a ainsi des femmes qui n’ont pas de corps tant on ne voit que la fermeté et l’ambition sur leur visage.
Comment traduire le glissando de la pensée en mots et en phrases, sans perdre le fil ?
Célestine empaquette ses affaires, elle avait à choisir entre un historien de brasserie de la guerre 14-18 et un vieil Italien vétéran du Football club de Seraing. C’est le footballeur retraité qui emporte les enchères, ou « en chair » puisqu’il s’agit de la sémillante.
L’étoffe que je croyais être le drap de lit froissé dans mon rêve n’est rien que le maillot numéro onze du club qu’elle tenait entre ses jambes pour s’endormir. Est-ce le suint du joueur ou celui sui generis de Célestine ? Trouble de l’âme : je bande !... (facile, on est le matin)
L’inconnue de la FNAC réapparaît avec « Les mémoire d’un Ane » pour sa petite Alice.
La lettre au PS, échoue entre les mains d’un substitut de Vandenbrouck dans ce bureau du FOREM où les destins se jouent.
Je ferme les yeux plusieurs fois, espérant les rouvrir sur une humanité fraternelle. Peine perdue. »

Dehors, il pleut et Dobeliou rempile pour quatre ans. Le discours se doit d’être cohérent. Certes. Mais comment rendre compte de ce qu’on rêve ? Est-ce que la vie est cohérente ? Est-ce que ce que nous faisons a un sens ? Alors, pourquoi le rêve en aurait un ?

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