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Razzia sur la chaussette.

En Chine, on peut obtenir le tissu au même prix que le fil.
Voilà en une courte phrase ce à quoi on va s’attendre début 2005, avec la fin des barrières douanières pour l’industrie textile : les prix à la production en Chine vont être jusqu’à douze fois inférieurs que ceux pratiqués en Europe. Quant aux délocalisations anciennes – et en ce qui concerne la laine, les Verviétois en savent quelque chose – nos industries déjà sinistrées par les délocalisations massives vers les pays du Maghreb vont ployer davantage l’échine, tandis que les « bénéficiaires » de ces départs vieux pour certains de près de vingt ans, les manufactures du Maroc, seront touchées à leur tour.
En Belgique, Patric Tuytens, patron de l’entreprise Concordia Textiles avec son frère Manuel, peut citer des exemples flagrants de prix chinois qualifiés de « déloyaux ». « Même si on ne tient pas compte du coût de la main- d’oeuvre, les prix de leurs produits restent 70 % inférieurs aux nôtres. Or, ils ont les mêmes machines et achètent la matière première au même prix que nous. »
Chouette ! se disent les consommateurs, les prix baisseront chez nous, si la Chine pratique le dumping !
Pas sûr, si l’on en croit les économistes.

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Cette marge accrue considérable sera dans la réalité diluée entre les intermédiaires et surtout aspirée par un marketing promotionnel, parce que les distributeurs sont à couteaux tirés.
Autrement dit, les sinistrés de l’industrie textile ne pourront même pas bénéficier d’un prix réduit sur la chaussette, quelle soit fabriquée à Dison, à Marrakech ou à Nankin !
D’où l’interrogation d’un journaliste de France Inter : « Si on supprime les barrières douanières, c’est au moins pour livrer le commerce à la concurrence et faire baisser les prix. Si ceux-ci ne baissent pas au niveau du consommateur, cette baisse des prix va servir uniquement à augmenter les marges des industriels. Alors, à quoi servent des directives européennes, sinon à accroître la misère et augmenter les profits ? »
Eh bien ! Vous le croirez si vous voulez, aucun des économistes n’a pu répondre à cette question !
Bien entendu, les stratèges du commerce ne sont pas avares d’arguments. Ils espèrent notamment que l’enrichissement des nouveaux pays producteurs générera aussi un meilleur salaire de base des populations nouvelles exploitées. Et qu’ainsi les prix à la production s’élèveront peu à peu ; ils supposent qu’un salaire, quand on en n’a jamais eu auparavant, produit à la longue des demandes de hausse de salaire !
Ainsi, dans la tête de ces fous qui nous dirigent, nous sommes en quelque sorte, par le sacrifice de nos chômeurs et sur le dos de ceux-ci, en train d’aider le tiers monde à venir à un niveau qui nous permettra de récupérer une partie de nos industries délocalisées, dans quinze ou vingt ans !
On croit rêver…
Restent les conditions sociales déplorables de ces pays « émergents » et l’épineux problème du travail des enfants.
Les chartes en faveur des enfants, les contrats du « bonheur » et toutes les parlotes en faveur des plus démunis dont nous sommes capables, surtout quand ce sont les pauvres d’ailleurs, ne reposent en réalité sur rien de concret, en Chine, en Thaïlande ou en Indonésie.
Un économiste, aussi fou que le précédent, prétend que nos industriels, à défaut des couvertures sociales et des vérifications de l’âge des ouvrières et des ouvriers par les autorités locales, auront « à cœur » de se renseigner sur place et de juger par eux-mêmes des conditions d’exploitation des entreprises et d’annuler des contrats si, comme ce fut le cas en Birmanie pour la production des ballons de foot par des enfants de cinq à dix ans, il est prouvé que l’employeur ne suit pas les conditions d’exploitation décrites dans les contrats !
Alors là, l’hypocrisie est à son comble ! C’est celui qui va ramasser le pognon et qui co-exploite souvent la main-d’œuvre qui dénoncerait le scandale !
Voilà, on est au cœur de la monstruosité de la mondialisation comme facteur générant plus de misère que d’activités généralisées.
L’industriel, dans ce contexte, ne peut que se conduire misérablement et faire les choses comme les voyous du système, sous peine de ramasser une pelle et de déposer le bilan.
Cette réalité touchée du doigt, nos vacanciers, qu’un tsunami ne rebute pas, peuvent s’en rendre compte sur place.
Aujourd’hui, un proxénète ou un dealer qui vit bien sur l’exploitation de la détresse humaine est passible devant nos tribunaux d’une peine de prison. Dans la même optique, l’argent dont on ne peut déterminer l’origine, ce que l’on appelle l’argent noir, doit être dénoncé par les banques. Son détenteur peut être identifié et son bien confisqué, s’il ne peut donner la preuve qu’il a été gagné « légalement ».
Mais, ces petits voyous, ces malfaisants de bas étages, sont dix fois, cent fois moins nuisibles que nos brillants économistes, nos industriels vénérés et nos mondialistes promoteurs, qui officiellement gagnent de l’argent « légalement ».
« Laissez passer les voyous », comme dans la chanson, « voilà les grands voyous ».
Il faut le savoir. Et il faut que cela soit dit.

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