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Giscard d’Estaing dit « non » à la Constitution européenne

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Philippe Pont d’Avroy – Que pensez-vous de la controverse à propos de votre projet de Constitution européenne ?
Valéry Giscard d’Estaing – Je n’avais pas relu ce texte depuis 2003 – je rappelle qu’on m’a imposé un collaborateur étranger aux subtilités de la diplomatie et de la langue française : Jean-Luc Dehaen. Comme vous le savez, depuis que j’ai été élu à l’Académie française, j’ai repris le manuscrit. Sous la Coupole, cela fait un tout autre effet.
PPDA – Votre impression ?
VGE – Je le dis clairement, elle est négative.
PPDA – C’est-à-dire ?
VGE – Eh bien ! au référendum du 29 mai, je voterai non !
PPDA – Votre propre texte ! Vous voterez non !
VGE – Absolument.
PPDA – Pouvez-vous expliquer la raison ?
VGE – Il convient qu’à force d’écrire mon style s’est formé de manière que les choses qui nous coûtent le moins aient une teinture de celles qui le sont plus travaillées…
PPDA – Voulez-vous parler plus clairement, monsieur d’Estaing ,
VGE – Il faut une vue qui aille loin, qui conduise tout, et…
PPDA – J’insiste, comment voulez-vous que mes lecteurs se fassent une opinion ?
VGE – En un mot, autant je suis satisfait de mon roman « Le passage »…
PPDA - …éreinté par la critique…
VGE -…de gauche… que de mon texte sur la Constitution européenne – permettez une digression sur le rôle de Saint-Simon à la Régence…?
PPDA – Non. Monsieur d’Estaing. On a déjà trop de mal à suivre…
VGE - …je suis mécontent des parties écrites par Monsieur Dehaen. On y relève des lourdeurs de style, des obscurités, quelques kôlons incompréhensibles…
PPDA – Kôlons ?
VGE – Un kôlon désigne un membre de phrase isolable dans les phrases complexes, et…
PPDA – Voyons, Monsieur d’Estaing, comment voulez-vous que j’écrive pour mes lecteurs que vous n’aimez guère les textes de votre collègue Dehaen qui souffrirait de certaines douleurs aux kôlons !
VGE – D’expolition qu’il ne faut pas confondre avec polyonymie…
PPDA – Après le kôlon, la polyo… Allons, ne parlons plus du style flamand de Jean-Luc Dehaen, ni de votre texte égal à Saint-Simon.
VGE – Un exemple : dès la préface, nous n’étions pas d’accord, Jean-Luc et moi. Au membre de phrase « rapprocher les citoyens du projet européen » Jean-luc tenait absolument à l’ajout « une fois » ! Impossible de lui faire comprendre que ce tour bruxellois ne serait pas compris des scandinaves…
PPDA - Sur le fond, tout de même, votre projet de Constitution est un grand texte. Vous êtes au moins de mon avis ?
VGE – Je l’ai cru, jusqu’à ce que les socialistes et François Hollande le plébiscitent. Je me suis demandé, mais qu’est-ce qu’ils peuvent bien trouver dans ce que je propose ? J’ai cherché. Il n’y a rien de social dans ce texte libéral, verrouillé contre tout changement par l’exigence d’une unanimité des pays membres pour le modifier.

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PPDA – Et pourquoi voterez-vous « non » au référendum de mai ?
VGE – Posez-vous la question de savoir pourquoi les socialistes sont friands de ce texte ?
PPDA – Parce qu’il est nul ?
VGE – Au contraire. Ils sont pour de crainte que si cette Constitution ne passait pas, une Constitution moins libérale et donc plus sociale pourrait voir le jour. Voilà ce qu’ils redoutent.
PPDA – Je ne comprends pas. Ils seraient ravis, plutôt !
VGE – Ils seraient incapables d’en assumer le programme et seraient en fin de compte plus discrédités encore aux yeux de leur opinion. Donc, je vais voter contre en espérant qu’une Constitution plus sociale les prive de toute crédibilité !
PPDA – Vous savez que vous me stupéfiez !
VGE – Je voterai « non » deux fois à mon projet de constitution. « Non », parce que Dehaen écrit comme un cochon et « non » parce que les socialistes disent « oui ».
PPDA – Quels sont vos projets, Monsieur le Président ?
VGE – Après mon roman « Le passage », je prépare pour la rentrée d’octobre une suite « L’homéotéleute était “ shemale” ». Julliard m’a assuré que le Goncourt sera pour moi.
PPDA – C’est un roman sur les transsexuels ? »
VGE – Pas du tout. C’est l’histoire d’un vieux latiniste de collège qui est pris d’une itération chronique dans l’élocution.
PPDA – Ah bien !...
VGE – Voulez-vous que j’entre dans le détail ?
PPDA – Non, non !... L’interview est déjà assez plombée. Inutile d’en ajouter…

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