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Enchaînement fatal

- T’as quelqu’un ?
- Oui, j’ai quelqu’un.
-Pourquoi tu l’as pas dit ?
-Comment, je l’ai pas dit ?
-Oui, je croyais que t’avais personne.
-Qu’est-ce qui t’a fait croire ça ?
-Toi, tiens !
-Moi, je t’ai dit que j’avais personne ?... donc que j’avais pas quelqu’un ?
-Là, tu me prends la tête. Je comprends plus rien.
-Je t’ai fait croire que j’avais personne ?
-Non. Mais après que tu m’aies raconté ta vie avec ton fritz, j’ai bien cru…
-T’as cru quoi ?
-Que c’était fait. Que si tu me confiais des choses, qu’on confie pas à n’importe qui... c’est que t’en pinçais…
-J’avais besoin de raconter à quelqu’un. Ça me pesait. Tu comprends ?…
-On raconte pas au premier venu, ce que tu m’as raconté… quand même !...
-Je te faisais confiance.
-Donc tu as quelqu’un.
-Oui, j’ai quelqu’un.
-Je le connais ?
- J’ai l’habitude de ne jamais parler de celui avec qui je suis, même avec mes copines.
-Donc je ne saurai rien.
-C’est comme ça.
-Pourtant ce que tu m’as raconté ?
-Oui, mais avec celui-là, c’est fini.
-Donc quand tu n’es plus avec le bonhomme, tu dis tout.
-Non. Celui-là est mort. Tu le sais bien, puisque je te l’ai dit.
-T’y penses toujours ?
-Bien sûr, on peut pas rester aussi longtemps avec un homme sans… Celui-là était exceptionnel.
-Elles disent toutes ça. Quand ils sont plus là, c’est facile.
-Non. C’était vrai…
-Si ça se trouve, c’est parce que tu as encore du chagrin que tu me dis que t’as quelqu’un !

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-Pourquoi je te dirais ça ?
-Je ne sais pas… peut-être parce que tu ne veux pas avec moi ?
-Non, parce qu’alors je te dirais : Charles, j’ai encore trop de chagrin d’avoir perdu Siegfried.
-Non. Non. Les bonnes femmes, elles disent pas toujours ce qu’elles pensent, quand elles ont pas envie. Elles veulent pas froisser.
-C’est pas le cas. Je te dis que j’ai quelqu’un. Je vais même le voir à Bruxelles la semaine prochaine.
-Donc tu le vois pas tous les jours. Alors, comme tu t’ennuies…
-Je ne fonctionne pas ainsi. Je sais très bien me passer des hommes.
-Dis donc, ça na pas traîné, toi, après la mort du fritz ?
- Je suis restée un an à me morfondre et à penser que je pourrais aller le rejoindre là où il est.
-Et puis, paf, t’as rencontré quelqu’un !
-Exactement.
-Comment ça s’est fait ?
-Tu sauras rien.
-Allais, juste un petit bout ?
-Non.
-Pourtant, si ça se trouve, tu m’as rencontré pareil. Je peux être comme n’importe qui ?
-Non. L’autre était avant toi…
-C’est ma faute si ce type t’a rencontré avant moi ?
-C’est une question d’honnêteté.
-T’as le sens de la priorité, toi, alors !
-Si je fais pas ça, il n’y a plus de règle.
-Je vois. T’aimes l’ordre, dans le fond.
-C’est Siegfried qui m’a apprise ainsi.
-On peut dire qu’il aimait l’ordre… Il aimait l’ordre nouveau…
-Ne sois pas amer, parce que je te dis que j’ai quelqu’un.
-Je suis amer ?
-Oui. Tu vas me faire regretter de t’avoir dit avec Siegfried. Et puis je l’aime.
-Qui ?
-Bien, quelqu’un… l’autre.
- Ce que t’es cruelle à dire ça ainsi. Au moment où… Tant pis. Note que c’est fini.
-Fais attention à ne pas mouiller ma robe.
-Pourquoi, on s’est mis à parler de ça pendant qu’on le faisait ?
-C’est toi qui m’as demandé si j’avais quelqu’un.
-C’est vrai, qu’est-ce qui m’a pris, alors qu’on était déjà bien en train ?… Mais si t’as quelqu’un, pourquoi tu viens de le faire avec moi ?
-Je ne sais pas. Je ne veux pas dire que tu n’es pas mon type, mais j’ai quelqu’un, voilà…
-Et tu peux pas changer ?
-Non. Jamais. Je suis fidèle, moi…
-Ah bon !... Mais quand même, si on se revoit, peut-être que tu auras changé d’avis ?
-Je ne sais pas. J’étais bien décidée à ne pas le faire, tu sais. Vu que j’ai quelqu’un. Mais, que veux-tu, quand je parle, je ne pense pas à ce que je fais et quand je le fais j’oublie que je suis avec quelqu’un…
-C’est l’enchaînement fatal, quoi…

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