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Brothel sprouts of society.

Le jet-setter sert de prétexte à nos politiques pour ne pas désespérer de l’avenir en occupant les étranges lucarnes et les radios de sa grande et futile présence.
La récente perte d’un porte-étendard de la confrérie a été l’occasion de les voir regroupés à Saint-Trop pour une mise en bière festive.
Barclay à quatre-vingts piges et quelques était avec les autres boute-en-train de Ramatuelle et d’ailleurs une des nombreuses icônes de la modernité rigolote.
L’art de vivre cultivé comme perpétuellement à la Ferme-celebrity est une manière d’être qui s’envie dans les « une pièce cuisine » de la misère urbaine. Grâce à eux, la déchéance des classes au seuil de pauvreté est moins perçue par les intéressés eux-mêmes. Ce sont les réclames vivantes d’un Loto qui concourt, les jours de tirage, à faire renaître l’espoir.
Les nouveaux Brummell ont noms Massimo Gargia, Stephane Collaro ou Carlos et chez nous Plastic Bertrand et Radiguez.
Consommateurs insatiables, ils sont à la recherche du plaisir permanent sur le temps que leurs admirateurs suent sang et eau dans les usines.
Ils symbolisent la flemme qui rapporte et la chasse aux jouissances. Sportifs à l’occasion, à la pointe des équipements les plus sophistiqués, ils ne se déplacent que dans les palaces branchés à quelques encablures des ports ou des stades, entourés des femmes aux antipodes d’être celles de ménage.
Sont-ils heureux, ces grands oisifs ?
Ils sautent d’un endroit branché à un autre, sans jamais s’arrêter, comme si de ne pas défrayer la chronique mondaine ou des scandales au moins une fois le mois était une déchéance.

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Comme ils entretiennent un rapport frénétique avec le temps, on ne sait les approcher qu’entre deux avions, leur seul moyen de transport.
Mais, quand ils ne sont pas en représentation chez Patrick Sébastien ou Thierry Ardisson, lorsque, par exemple entre Ibiza et Dubaï, ils sont seuls deux heures durant avec eux-mêmes dans un jet privé, loin des fans, ne doivent-ils pas ressentir ce que Schopenhauer écrivait à propos de l’ennui « le tourment des classes supérieures » ?
Que ressentent-ils à occuper l’espace médiatique pour expliquer les malheurs qui parsèment leur vie, à mettre à nu une intimité si peu riche qu’ils ont besoin de la partager avec des jeunesses qui ont la moitié de leur âge, dont ils finissent par se séparer comme Pol-Loup Sulitzer à 65 ans, tandis qu’une hémiplégie faciale le rend quasiment inaudible.
Et le public marche et s’apitoie. On les aime glorieux, les jet-setters, mais aussi malades, trompés, ridicules, tant qu’ils se donnent en représentation, comme la petite fille de Michèle Morgan et son mari, fils de Richard Anthony. S’ils le pouvaient, ils s’enfileraient sur le plateau devant Fogiel, se passeraient des seringues et tireraient des fumettes en public. Tant ils aiment transgresser pour nous faire comprendre qu’ils sont au-dessus de nos misérables vies de plouc. Et on applaudit à leur gloire et à leur misère qui, on le sait, n’est qu’une misère de théâtre.
Il n’y a qu’une chose que personne ne leur pardonnerait, c’est de vivre comme nous, en pantoufles à boire des bières devant un match de foot. Ce qu’ils font, sans exception, mais dans le plus grand secret comme une honte pire que les photos prises au télé de Ducruet se faisant sucer par une pute anversoise, du temps qu’il était le mari de Steph de Monac.
Barbey d’Aurevilly l’avait découvert avant nos jet-setters, les dandys ne sont que les produits d’une société qui s’ennuie. Il faut croire que l’on s’ennuie beaucoup tant les magazines people regorgent de photos de ce quart-monde du dessus.
Gatsby le magnifique fut le héros d’un roman de Fitzgerald. L’intérêt de sa trajectoire réside dans sa renommée fondée sur une richesse soudaine. La déchéance fatale qui le conduira à la mort est en somme le constat qu’il n’est pas du monde aristocratique et fermé des vrais et authentiques snobs de la société du temps.
Aujourd’hui, ce n’est plus pareil, le gotha se morfond dans des châteaux dont les toits percent. Ces nobliaux ne sont plus que des fins de dynastie pour des émissions culturelles de France 3.
La vulgarité du jet-setter nous le rend proche, la gouaille voyoute que nous admirons en eux, nous le réprouvons avec indignation ailleurs. Ils se sont fait tout seuls, comme Steevy, l’ancien vendeur de pizzas embauché par Ruquier pour son émission « on va se gêner » dont la naïveté et l’inconsciente bêtise font rire tout le monde et qui se fait du blé sur sa réputation de pédé.
L’espèce de privilège qu’ils ont de dire devant un auditoire ravi « va te faire enculer » ou « elle était maquée avec Roland Dumas » leur donne une façon d’être dont nous envions la liberté jusqu’à la pauvreté du vocabulaire.
Comme a écrit Christophe Puyou : « le jet-setter symbolise la vie rêvée, celle où tout est luxe et volupté. Il est malheureusement des rêves qui se muent sans crier gare en cauchemars. »

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