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21 juillet à Londres, Bruxelles et Liège.

Il ne fait pas bon ces temps-ci se promener dans les rues de Londres avec un sac à dos, surtout si on est un petit peu basané.
C’est fou ce que le bouche à oreille décuple les rumeurs. Un écolier qui court mallette au dos après le métro, c’est finalement la gueule du monstre du Loch Ness qui sort du tunnel.
Mais comme la légende du flegme britannique tient bon, les gens sur les trottoirs qui font une crise d’asthme à la suite d’un mouvement de foule ne sont pas des Britanniques, bien entendu.
Par contraste, le 21 juillet, c’est le jour le plus calme et le plus plat de l’année à Liège. Quelques drapeaux flottent mollement aux dernières façades d’un patriotisme affiché. Les rues ressemblent à des lendemains de fête quand les gens se lèvent tard avec la gueule de bois. Sauf que la fête, en principe, c’est aujourd’hui.
Ce manque d’élan est compensé par le remue- ménage place des Palais à Bruxelles où la chamarrure, les drapeaux et les fanfares font penser à un kiosque 1900 près duquel de beaux militaires tournoient autour des dames à crinoline.
Les autorités ont appâté le badaud avec les musées à 1 euro, tandis que les folkloristes de la patrie en danger des 9 provinces convergeaient vers Manneken-Piss. On ne sait si Sandra Kim et le grand Jojo ont rameuté les Communes de la périphérie pour faire nombre ? On le croirait presque…
Les fonctionnaires qui défilent devant le roi adoptent une allure martiale juste le temps qu’il faut pour convaincre. Les gradés saluent. Les ploucs passent, pas toujours au pas. Après l’œil critique des hautes personnalités, la troupe se relâche. Les ventres réapparaissent malgré le ceinturon. Les calvities se devinent sous les bérets. Le côté « on est là pour gagner sa vie » succède au défenseur héroïque dont le rôle saisit parfois le militaire.
On sent l’armée de métier, la gamelle garantie et la classe à 55 ans.
De retour au Carré, par rapport à Bruxelles, c’est le désert. Où sont les gens ?
Si j’en juge par mon manque d’enthousiasme, tous ces Belges, nés Belges de parents et de grands parents de l’ancienne principauté, ne crachent pas sur un jour férié tout en ne sachant qu’en faire. Ils sont chez eux à la télé, à suivre le tour de France.
C’est comme si nous avions passé notre fête nationale le 14 juillet et que l’autre ne nous concernerait pas.
Sauf pour quelques pisseurs de copies belgo-belges, la 175me année du bidule se déroule à la liégeoise dans l’espèce de joie mauvaise à regretter la principauté ou pour les nostalgiques du département de l’Ourthe, le moment délicieux où Hoensbroeck, le dernier prince évêque retroussa ses cotes afin de courir derrière les troupes en fuite de son protecteur allemand. C’était en 1789.

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Les Liégeois, vieux esprits frondeurs si mal interprétés par nos derniers Tchantchès désormais socialisants, ne désarment pas si facilement. Même si la jeunesse ne sait rien de notre passé, à cause du manque de conviction des maîtres de la Cité, les gênes sont toujours près du bonnet…
Il entre aussi dans cette désaffection de la belgitude, toute la lassitude populaire du spectacle de nos bouffons qui agitent leurs grelots depuis la fin du communisme, sans parvenir à nous convaincre que le système victorieux est le meilleur.
L’expression de la volonté du peuple, dans un régime de délégation des pouvoirs, n’est qu’une illusion des seuls parlementaires, comme l’était l’état-major de Staline. Et ce n’est pas faire de l’antiparlementarisme primaire que dire cela. Il suffit d’écouter autour de soi.
Nos cocardiers serrés derrière les trois couleurs font écran en devant de scène et, bien entendu, c’est uniquement de leur conviction dont il est question dans les gazettes.
C’est dommage, car dans le fond, si la Belgique n’avait pas été que ce rassemblement de peigne-cul, ce formidable ramassis de patriotes sans imagination, foncièrement conservateurs et d’une nullité mémorable, peut-être bien y aurait-il encore lieu de se réjouir de faire du 21 juillet une sorte de répétition avant le 15 août ?
Il faut croire que « les imbéciles heureux qui sont nés quelque part » sont toujours, hélas, suffisamment nombreux pour faire écran aux autres.
Car d’être Belge aurait pu être chouette. Il s’en est fallu de peu.
Si les gens de pouvoir – surtout ceux de gauche - avaient eu la sagesse d’écouter les petites gens, ce n’aurait pas été un paradis, certes, mais nous n’aurions pas perdu cet amour d’une patrie qui l’aurait mérité, une patrie où tout homme vaut n’importe qui et où les mots de solidarité et d’amour du prochain n’auraient pas été ce que j’entends sortir de la bouche de nos honorables : des insultes !

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