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Leurs gueules

Ce n’est pas faire de l’antiparlementarisme primaire en se demandant comment ils/elles passent devant le photographe pour la grande affiche, selon que l’on est une personnalité en bonne place sur la liste électorale, ou le format ticket de bus quand on est à la dernière.
-Chéri, qu’est-ce que je vais mettre demain pour la photo ?
-Te tracasse pas, on verra que ta tête.
ou
-Je vais à Mons chez l’imprimeur du parti. Il paraît que je serai pris en plan américain. Faut-il ou non mettre une cravate ? Et de quelle couleur ?
-File-leur la photo de notre mariage.
-Mais, c’était il y a 30 ans !
-Et alors ? T’as vu les autres ? T’as les moyens de te faire retoucher profond ? Non ?
-Oui, mais…
-T’as vu la gueule que t’as depuis que tu fais trois meetings par semaine dans les cafés ?

Dans cette foire électorale, c’est l’apparence qui prime tout. Avoir la bonne place, le bon créneau, la chaise qui marque sur les tréteaux, être le dernier au micro, rassembleur en diable, l’air compétent et embrasser les bobonnes quand on fend la foule pour rentrer chez soi, et toujours le sourire, ce sourire éternel de l’être qui ne s’épanouit tant qu’avec des militants, voire des citoyens qu’on voit pour la première et dernière fois. Voilà de nos jours les ingrédients qui feront que vous toucherez ou non aux affaires, qu’on demandera votre avis et que vous prendrez un ton supérieur et que, quoi qu’il arrive vous éviterez de perdre la face, même et surtout, quand les questions sont pertinentes et que vous avez parfaitement tort d’y répondre selon des concepts mal raisonnés.
Si vous êtes derrière au deuxième ou troisième rang de la photo de famille, au mieux vous serez conseiller communal dans une commune de moins de cinq mille habitants, c’est-à-dire que vous n’avez aucune chance de gagner la confiance des belges et devenir un haut responsable.
Est-ce pour cela que vous avez moins de compétence et moins de mérite que ceux qui sont devant ?
Certainement non.
Mais c’est une des particularités du drôle de régime dans lequel nous pataugeons, c’est de constater que la vraie démocratie est impossible et que, dès lors, il faut bien nous contenter de son ersatz.
Comment, en effet, élire les meilleurs et les plus honnêtes ?
Si le désir d’avoir les meilleurs citoyens au service des Communes et bientôt de l’Etat, c’est faire de l’antiparlementarisme primaire, comme il est dit au début de ce blog, alors la faute en revient aux philosophes, à l’Histoire et aux politiques eux-mêmes.
Certes, nous ne sommes plus à Florence au temps des Médicis, mais comme le texte ci-dessous de Machiavel est troublant ! Et pourquoi l’est-il ? Parce qu’il y a dans ces lignes un fond de vérité éternel, qui n’est pas tant un avis donné à un prince, qu’un décrit de l’homme de pouvoir.

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« Un prince bien avisé ne doit point accomplir sa promesse lorsque cet accomplissement lui serait nuisible et que les raisons qui l’ont déterminé à promettre n’existent plus ; tel est ce précepte à donner. Il ne serait pas bon sans doute si les hommes étaient gens de bien ; mais comme ils sont méchants et qu’assurément ils ne vous tiendraient pas leur parole, pourquoi devriez-vous leur tenir la vôtre ? Et d’ailleurs un prince peut-il manquer de raison légitime pour colorer l’inexécution de ce qu’il a promis ? »
Les prétendants à des emplois citoyens que départageront les urnes des élections d’octobre devraient bien méditer cette autre affirmation, celle de J-P Sartre pendant les événements de Mai 1968.
« La revendication a changé de caractère, ce n’est plus le problème de la propriété qui est au premier plan mais celui du pouvoir. Dans la société de consommation on ne demande plus, d’abord, à posséder, mais à participer aux décisions et à contrôler ».
Force est de constater qu’en 2006, si les décisions se poursuivent, le contrôle de l’économie a échappé des mains du politique, qui, dès lors, a tout son temps pour le concentrer sur la tête du citoyen, d’où la pluie d’arrêtés communaux et d’Etat qui tous restreignent nos libertés, alors que l’industrie en s’internationalisant supervise désormais ceux dont c’était la mission.

Commentaires

Je partage ton avis.Mais, comme tu le sais, Richard III, je ne crois pas trop à la vertu, ou plus exactement à l'explication de la seule vertu. Je me méfierais davantage d'un homme politique qui dirait n'avoir en vue que le bien de ses concitoyens que d'un autre qui nourrirait ouvertement, en plus de ce projet, celui bien humains d'être reconnu (ou de s'enrichir raisonnablement).Pourquoi attend-on d'un politicien plus de vertu que de ceux qui l'élisent?

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