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Héros et Charité.

De l’histoire des partis politiques en Belgique émergent quelques constantes. La première est la vassalisation de longue date des partis de droite à un capitalisme incontrôlé, d’abord balbutiant, féroce, puis soudain souple et précautionneux, dénommé sans ironie par les marchands et leurs valets « marché libre ». Cette liberté-là sied bien à ceux qui aujourd’hui pérennisent la manière dont les riches en Belgique ont assis leur fortune. Les colonialistes, les marchands d’esclaves, les patrons honteux qui faisaient descendre dans les puits de mine des enfants de 7 ans, ont fait place à la génération actuelle avocate, procédurière, parlementaire et industrielle, truffée de professions libérales, de grands serviteurs de l’Etat, avec comme dénominateur commun d’être forte en gueule sur l’éthique.
La faune des premiers temps industriels est devenue bon chic bon genre. La bourgeoisie a fait une croix sur le passé et, forte de son compte en banque, peut faire la morale aux pauvres et faire des dons à la croix rouge et à l’UNICEF, sans avoir honte.
Le parti ouvrier a malheureusement fait le chemin inverse, tout au moins pour une partie des siens. Tout s’est décidé quand le POB (parti ouvrier belge) est devenu le PS.
Au temps de la lutte des classes, le POB ne pouvait être disjoint de ceux qu’ils défendaient. Les ouvriers avaient l’intelligence innée de l’expérience des luttes qui ne s’apprend pas sur les bancs des universités à côtoyer les petits-fils des voyous de 1900. Alors, les dominés déjouaient les leurres et les artifices de leurs suborneurs. Pour ces pionniers de la liberté des humbles et des opprimés, les discours des possédants ne passaient pas. Leur morale n’était pas la morale ouvrière. Leur liberté cliquetait des chaînes des gendarmes. Leurs Lois contraignaient le plus grand nombre à l’obéissance.

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Pour le POB voler un riche n’était pas volé. Cela ne se disait pas ouvertement, il n’est qu’à relire les discours de ces temps-là pour s’en convaincre. Il n’est qu’à demander aux anciens comment se finançaient les campagnes électorales et comment s’entraidaient le parti, le syndicat, la mutuelle et l’Union coopérative, pour être édifié.
Le POB devint un parti avec lequel il fallut négocier.
Les riches sont des gens rompus à la dialectique. Ils n’ont aucune morale et sont peu regardants sur la nature de leurs partenaires pourvu qu’ils fussent avides, comme eux, de trahir en s’élevant.
Au début, ils se heurtèrent à des représentants du peuple vertueux. Ce fut l’occasion de conquêtes magnifiques de pionniers venus de nulle part et allant à l’essentiel.
Sur la fin, des intellectuels bourgeois les rallièrent. Sans doute honnêtes, ils vinrent grossir les rangs. Les vétérans des Internationales furent flattés de découvrir leur façon de penser si distinguée et en même temps si révolutionnaire. Sans le vouloir vraiment, cet apport de défroqués fut l’agent dissolvant de la force brute du peuple.
Puis le temps fit le reste qui acheva de dissoudre les énergies…
La page est tournée. La lutte des classes est terminée sans que les arguments des intellectuels fussent convaincants.
En écrivant ces lignes, je sais que mes propos sont obsolètes et prêtent à sourire dans une société maniérée, effarouchée par les mots, toute assottée d’expressions creuses comme « Renouveau et Libéralisme », « liberté d’entreprendre et démocratie » etc…
La suite du drame s’inscrit comme une évidence. Tout le PS n’est pas une somme d’avocats. Quelques strapontins sont encore dévolus à cette frange issue de rien. Ce sont souvent les élus communaux. Bien sûr s’y sont mêlés d’anciens « fils de pauvre », comme les Daerden, les Di Rupo. Lorsque dans un moment de sincérité ils mesurent avec orgueil le chemin parcouru, et qu’ils affirment que leur situation est une revanche sur le passé obscur, ils se disqualifient proprement de leur origine, pour apparaître parvenus et contents de l’avoir échappé belle !
Quant aux « petits » élus, ils se souviennent du temps où « voler un riche n’était pas voler ». Ils en ont gardé une sorte d’indifférence à ce qui est légal et à ce qui ne l’est pas. A force de parler avec ceux qu’initialement ils méprisaient, leur est venu le raisonnement qu’établir des marchés douteux, faire des alliances et obtenir des ristournes qui pouvaient passer pour des pots-de-vin, ne leur semblaient pas répréhensibles.
La suite, tout le monde la connaît. Ils n’ont pas vu ou n’ont pas voulu voir que donner des préférences à des relations, truquer les marchés, falsifier les comptes, n’étaient plus voler les riches, mais voler les pauvres.
La boucle est bouclée.
Nos élus le disent en parlant des services qu’ils rendent à la population : ils font carrière. Ils apprécient leurs statuts, revendiquent de meilleurs salaires, bref, ils sont devenus nos salariés, en même temps qu’ils sont aussi nos patrons.
Il ne manquait plus pour loger la droite et la gauche à Charleroi que le local s’appelât « la Loge de la charité ».
Après cela, on peut tirer l’échelle.

Commentaires

Le socialisme et la lutte des classes ont été depuis le départ une affaire de "défroqués" tout comme la Révolution française n'aurait pas eu lieu sans la participation des bourgeois et de quelques aristocrates "éclairés". Marx et Lénine étaient issus de la grande bourgeoisie, comme nombre d'internationalistes français et belges. Ce n'est pas déprécier leurs mérites que de supposer que leur abnégation et leur dévouement (avatars du christianisme?) leur ont aussi apporté beaucoup de satisfactions d'amour-propre. Il n'y avait pratiquement pas de prolétaires parmi les penseurs et même les artisans des premières luttes sociales; fatalement, dirais-je, puisqu'il fallait un minimum d'instruction que les prolétaires n'avaient pas. Ce qui a changé, c'est que les idéalistes d'hier sont devenus les loups aux dents longues et les opportunistes d'aujourd'hui.

Tu as raison, mon cher Michel. Mais moi, je parle de la période 1890-1940 qui concerne la Belgique. Quand j'écris "ouvrier" il faut comprendre le "ras des pâquerettes", monsieur Tout-le-Monde. Or, ces gens lisaient Panaït Istrati, Dos Passos, comme Marx et Engels. ils n'auraient jamais dû faire confiance à des universitaires férus d'économie et croire qu'ils allaient gauchir le système.

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