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Télé réalité.

Comme les jupes allongent ou rétrécissent suivant la mode, l’organisation de la Société a aussi ses saisons, ses goûts, ses soldes.
Nous vivons dans un souk d’informations et de nouvelles qui nous conditionne parfaitement à penser bourgeois.
Au fils des jours se dessine ainsi une carte du pays des idées reçues et de l’usage des lieux communs pour les exprimer.
Le dernier salon qui donne le ton en la matière est RTL télévision.
Madame Récamier, la princesse Mathilde (pas la nôtre, la nièce de Napoléon III) et plus près de nous Florence Gould, y sont magnifiquement interprétées par nos vaillantes babillardes.
En trois ou quatre soirées d’infos, on a fait le tour et on peut parler tendance.
Ce qui se porte en ce moment, c’est la dédramatisation par l’accompagnement de psychologues des victimes, des témoins et des parents des victimes.
Les psychologues nous disent combien nous sommes peu préparés au stress et comme ils sont attentifs à nous enlever le chagrin dans lequel nous baignons par un gommage du cerveau agrémenté d’une pommade de mots doux « qui sont dits avec les yeux » comme susurre Christophe. En deux ou trois séances, l’espérance en des jours meilleurs remonte à la surface. Le sujet se déballonne, le stress tombe et endéans la semaine, le revoilà gaillard à l’horloge pointeuse pour reprendre sa place dans le trafic !
Nous sortons de la consultation rassérénés, dans la joie et la bonne humeur, au bord des larmes, mais de rire cette fois, à la blague de mauvais goût. Le masque complet nous reconstitue un moral d’acier. Nous sommes parés pour le prochain drame et la thérapie suivante.
Pour nous y accompagner rien de tel que les journalistes de RTL qui nous rassurent lorsqu’ils détaillent les faits avec les phrases entendues la veille lors des drames précédents. La redite rassure. L’oreille s’habitue plus vite qu’on ne le croit au malheur. L’horrible dans la redondance devient supportable.
Avec eux nous savons « qu’il n’y a pas d’autres mots » pour qualifier « les véritables tragédies ». Les véritables tragédies ont des tarifs qui commencent à partir d’un mort, de préférence jeune ou des accidents collectifs qui sont ressentis au prorata de l’éloignement du centre géographique de sensibilité qui a sa borne au kilomètre zéro aux nouveaux studios de RTL. Un accident de la route sur l’E40 avec deux morts est plus important que le naufrage d’un ferry en Indonésie qui en a fait 1.500.

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Pendant que Florence Reuter, en chemisier rouge avec soutien-gorge noir Wonderbra à armature qui se devine, nous dit d’une voix navrée « Un tel drame laisse des traces », la caméra balaie le trottoir où effectivement quelques touches rougeâtres se mêlent aux cailloux.
Ensuite nous avons droit au plan fixe d’un psychologue qui suggère qu’il faut laisser exprimer ce qu’ont vécu les témoins et les parents, sans qu’on puisse l’arrêter pour justement les écouter. A cet homme d’expérience succède un ambulancier en ciré jaune à croix rouge et casque blanc qui soutient « une victime » qu’on ne voit que de dos. Devant tout cet appareil médical et ce déploiement de secours, nul doute que la victime doit ressentir davantage ses stress et ses douleurs que si le déploiement avait été plus discret. Mais enfin, l’information a ses lois. L’emballage du sujet dans du papier d’argent est très spectaculaire. On dirait presque une réclame du chocolat Côte d’or !
Heureusement pour tout le monde « que l’annonce de son arrestation a été un véritable choc ; mais qui a soulagé les voisins, qui pourtant n’avaient jusque là rien remarqué. », dit Florence en parlant d’une autre affaire. Et on voit un petit vieux qu’une gifle mettrait par terre passé en souriant entouré de deux énormes policiers, « dont il est difficile d’imaginer les activités sordides », surenchérit Florence. Là je commence à penser que c’est une fausse maigre, sans que nous sachions si « les activités sordides » du dépeceur s’adressent au petit vieux ou aux policiers.
La cavalcade continue : « Les parents n’ont rien pu faire » est récurrent d’une négligence d’un incendie involontaire. Ce sont les pompiers qui ont besoin d’être suivis par une assistance psychologique. Les parents sont en vie, quoique Flo tempère d’un « aucun mot ne saurait apaiser leur douleur ». Alors, à quoi bon envoyer un deuxième psychologue, un seul pour les pompiers, c’était bien suffisant.
Chapitre plus léger, question fermeture d’entreprises, on nous apprend que dans la grosse boîte « les départs seront tous naturels ». Un départ naturel, c’est un départ adouci par la perspective d’une prépension. Les autres, ceux qui seront jetés aussi secs après les départs naturels, en général on n’en parle pas. Depuis Ecolo, le départ naturel se comprend comme le respect de la nature. C’est d’autant plus apprécié que « les gens qui restent au travail souffrent de plus en plus ». On se demande pourquoi au lieu des syndicats, il ne serait pas plus judicieux d’envoyer un psy, voire des pompiers ? Heureusement, sous sa blouse semi-transparente, Florence, son soutien Wonderbra tendu, a une parole d’espérance « Nous devons continuellement penser au futur ».
Nous aussi, on évitera demain soir de prendre la température des studios de RTL télévision, des fois qu’à la RTBf « la véritable tragédie, il n’y a pas d’autre mot » serait dit d’un carmin lippu des lèvres d’une charmante dotée d’une autre blouse transparente et d’un Wonderbra couleur chair afin de faire plus hard qu’en face…
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