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L’Homo oeconomicus

En changeant de siècle, le citoyen n’a pas changé son opinion secrète et parfois inconsciente sur l’accélération malfaisante du tout libéral. C’est en dépensant plus facilement l’argent de son pécule de vacances que sa paie ordinaire, qu’il sent confusément que tout se réduit à la dimension marchande.
Sa morale s’est adaptée et l’accompagne comme une absolution de tout ce qu’il entreprend de trouble. Cela va de la déclaration d’impôt, au constat d’accident de roulage, en passant par le CV d’embauche et l’évacuation de sa responsabilité des fautes au travail et dans sa famille, l’Homo oeconomicus ment comme il respire.
Il croit dur comme fer que c’est le plus « malin » qui attrape l’autre.
Seul avec lui même, quand il n’est plus nécessaire de jouer la comédie du bonheur dans une société idéale, il ne s’interdit pas de penser que le siècle qui s’ouvre va vers des temps de grande scélératesse, où tout dépendra de lui qu’il soit pigeon ou épervier. Ce qui est une idée fausse, tant il est plus vraisemblable qu’il n’aura pas l’opportunité d’être épervier ; car le destin du plus grand nombre est d’être pigeon.
Quand sa barque est sur le point de chavirer, l’Homo oeconomicus pense que l’on devrait prévenir davantage les inégalités qui découlent du libéralisme sans frein ; mais, on lui dit si souvent que ce serait retomber dans le communisme stalinien, qu’il prend comme argent comptant la méthode Sarkozy dont tout le monde vante les qualités sans avoir encore vu aucun résultat. Quand, au contraire, la prospérité le porte, il considère la pauvreté comme un vice et l’assistanat comme une tare freinant le développement.
Cependant, il reste sceptique sur l’embellie qui finira par triompher de tout, au point qu’il redoute que les choses aillent en s’aggravant, et qu’elles risquent de durer et d’accabler de plus en plus de monde !
Les égoïsmes individuels sont plus faciles à gérer, que l’éthique et la rigueur.
L’Homo oeconomicus agit en fonction de ses intérêts immédiats et non pas de son malheur possible. Il n’est fondamentalement optimiste que pour le futur. Quand on sait que le futur se termine toujours dans l’aporie et la mort, il devrait être plus circonspect.
En fonction de ses intérêts, il entre dans le vif d’une foire d’empoigne. S’il a conservé un peu de sens critique, il a vite fait de comprendre que le premier voyou, enfin celui qui se conduit comme tel… c’est l’Etat lui-même et que vis-à-vis de lui, il aura toujours tort. Il déplore que l’Etat ne soit pas la référence consolante et utile de la vertu.
C’est dans sa logique consumériste de croire que la libre concurrence est la meilleure garantie pour manger du bon pain, plutôt que d’attendre du boulanger bienveillance et altruisme à son égard.
La concurrence semble être pour lui un argument de baisse des prix, même si cela s’est avéré faux souvent. Les prix se sont envolés à leur libération. Les notes de gaz et d’électricité augmentent depuis que la concurrence existe. Cela devrait le faire réfléchir..

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Il croit que le libéralisme actuel dénonce toute perturbation du mécanisme du marché comme devant nuire à l’efficacité du système et donc d’en amoindrir les bienfaits escomptés.
Comme les bienfaits n’arrivent pas, l’Homo oeconomicus hésite à entrer dans la contestation de la logique libérale selon laquelle le système n’est plus efficace, quand les quémandeurs et les assistés sont écoutés.
Pour faire le décompte des morts économiques et pour s’en laver les mains préventivement, les libéraux ne manquent pas de souligner que dans toute compétition il y a des vainqueurs et des vaincus et que cette inégalité dans les chances de réussite ou d’échec peut entraîner des désordres et autres facteurs de perturbation. L’Homo oeconomicus est d’accord sur ce constat d’échec quand il n’est pas menacé personnellement par la mort économique de son entreprise. Dans l’autre cas, il s’affilie au syndicat, réclame des compensations et irait presque à faire des piquets de grève si son asthme le lui permettait.

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Le système actuel lui recommande la plus grande passivité dans le malheur collectif, étant bien entendu que ceux qui ne sont pas désignés sur les listes de la mort économique rebondiront d’autant plus vite du côté de la prospérité…
Le malheureux ne sait pas que produire pour s’enrichir est un concept dépassé. Le deal est de créer de la valeur « à court terme si possible, et quels qu’en soient les moyens pour satisfaire les actionnaires dont l’enthousiasme sera décuplé par la perspective de licenciements » (Axel Kahn).
On voit bien que dans de telles conditions de cynisme – et nous y sommes - le libéralisme est une totale illusion.
L’efficacité de l’économie n’est possible qu’avec des objectifs sociaux établis palier par palier en négociation permanente avec ceux qui sont les victimes de la contrainte produite par la pression de cette efficacité, mais cela l’Homo oeconomicus ne le sait pas. Personne ne le lui dira. Il devra le découvrir par lui-même… quand il sera trop tard !....

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