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Tempérament d’artiste.

-Pourquoi tu me regardes comme ça ?
-Comment je te regarde comme ça ?
-Oui, tu me regardes comme ça !
-C’est impossible ! Je suis sur mon G à Liège !
-Ho !... Je n’ai pas besoin de te voir. Je sais ce que tu vas me reprocher.
-Mais enfin, Béa, est-ce que je t’ai fait un reproche ?
-Non. Mais tu le penses !
-Alors, pourquoi m’en parles-tu, puisque tu sais ce que je pense ?
-Je n’aurais pas dû y aller !
-Mais puisque tu y es allée, c’est trop tard.
-C’est ce que je me dis.
-Qu’avais-tu besoin ? Tu sais comme il est. Tu aurais dû te méfier.
-C’est chaque fois une surprise.
-Tu sais qu’il n’aime pas ta poésie. Voyons Béa, il n’aime que ton…
-Tu aurais pu m’avertir que tu savais qu’il n’aimait que mon…
-Tu en as vendu ?
-Rien, juste trois fois rien.
-Donc tu as vendu ?
-Oui, « L’irrémissible Voyage ».
-A qui l’as-tu vendu ?
-A lui !
-Vous l’aviez écrit en collaboration !
-Justement, il s’était installé à mon stand.
-Tu ne l’as pas dédicacé, au moins?
-Il a bien fallu !
-C’est comme si tu te le dédicaçais, puisque vous l’avez écrit ensemble !
-Je n’ai pas su dire non.
-C’est bien toi. Tu n’as jamais réussi à lui dire non.
-Je ne suis pas d’accord. J’ai bien vu que « L’irrémissible… » ne le tentait pas plus que cela.
-Ton idée aussi de faire de ton stand une grotte éclairée à la chandelle !...
-C’est une idée originale.
-Tu en as vendu grâce à cela ?
-Hier, j’ai quand même liquidé deux « L’arbre à dire ».
-Ça ne te fait que 13 euros 10, plus « L’irrémissible… »
-Non. L’irrémissible, je le lui ai offert.
-Tu finis de me dire que tu l’as vendu !
-Je n’allais quand même pas le lui faire payer.
-Pourquoi pas ?

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-Nous l’avons écrit en collaboration !
-C’est bien ce que je te disais là, tout de suite…
-Et puis j’ai eu peur.
-Peur ?
-Tu sais comme il est. Il en aurait voulu pour son argent.
-Je me doute : la grotte, la clarté des chandelles… Dis-le tout de suite, il l’a fait ?
-Quoi ?
-Tu le sais bien, Béa. Ne fais pas l’innocente.
-Non. Je t’assure.
-Au point où tu en es avec lui…
-Oui, c’est un grand poète. Je l’admire beaucoup.
-Vous avez vécu ensemble.
-Tu sais bien que je l’ai quitté pour toi.
-Parce qu’il aimait les garçons.
-Oui, et alors ,
-Il a changé depuis ?
-Si tu veux tout savoir, au moment où j’allais m’abandonner, eh bien…
-Tu vois que tu y viens…
-Il n’a pas pu !... Donc puisque nous n’avons rien fait, tu n’as rien à me reprocher.
-Eh bien merci ! Ainsi, je ne dois qu’à lui…
-Qu’est-ce que tu veux ? Il a quand même…
-…plus que ça. Pour quelqu’un qui a écrit « De verges et d’aventures ».
-Il parlait de son bateau.
-Enfin tout s’est bien passé alors ?
-Oui.
-Quand reviens-tu de Libramont ?
-Un poète local m’a invitée à voir sa collection de « Signal » qui date de la guerre.
-Un nazi ?
-Non. Il collectionne tout ce qui l’intéresse. Il a lu tout Richepin !... On a plaisanté…
-Quel âge il a ?
-Vingt-neuf, trente par là…
-N’oublie pas que tu en as cinquante-six…
-Fiche-moi la paix. Il connaît un éditeur à Marche.
-A Marche, cela m’étonnerait !...
-Je coupe. Je vois bien que tu es jaloux de mon talent.
-Tu sais bien pauvre folle que le talent n’a rien à voir là-dedans ! Tiens, elle a raccroché.
Un conseil, n’épousez jamais une artiste !...

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