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Ciel ! un pauvre…

N’est-ce pas Shakespeare qui a écrit dans une de ses pièces de théâtre (je cite de mémoire) « S’il y a des lois qui peuvent t’enrichir, romps avec elles ! ».
Et nous voilà en 2008 à tenter désespérément le contraire !
Avec une grande docilité nous courons après les mérites, les places, les honneurs et l’argent.
Tout mis ensemble, cela nous fait une « bonne » réputation. Avec son contraire la « mauvaise » : sans mérite, chômeur, calomnié par la « bonne » et sans argent. Le couple de la bonne et de la mauvaise repose sur des affirmations de bric et de broc fort arbitraires.
La seconde, c’est-à-dire la « mauvaise » si elle veut rester dans la conformité sociale, se doit de tenter au moins par quelque tentative, gravir les échelons vers la première.
Sinon, que la calomnie l’enterre sous les malédictions démocratico-capitalistes !
Bazile… «…la calomnie, Monsieur, vous ne savez guère ce que vous dédaignez. » . Eh ! non, cher Beaumarchais, on ne la dédaigne plus. C’est même un outil de gouvernement.
Qui nous dit de mépriser les plus pauvres, les plus allergiques au code du travail, sinon notre gouvernement ? Qui distille la calomnie, sinon l’Officiel ?
Certes… certes, vous n’entendrez jamais dire que les pauvres sont des parasites, des profiteurs… Il ne s’agit ici que de certaines catégories de gens que l’on désignent par « ils ne veulent pas travailler ». Comme si travailler à n’importe quoi était honorable ! Comme si dans l’étiquette qu’ils ont d’être des « inutiles » il y avait une réprobation unaninme.
Moins on dit ouvertement du mal des pauvres – personne encore n’a osé – plus la calomnie à leur égard est efficace.
A la limite de « ils n’ont que ce qu’ils méritent » à « ils sont trop fainéants pour travailler », l’opinion officielle fait l’équilibriste entre la droite de Reynders et les beaufs de Di Rupo.
Il suffit d’instaurer des organismes chargés de remettre les pauvres au travail, comme par exemple menacer un pauvre de lui enlever le pain de la bouche, c’est-à-dire le rendre plus pauvre encore, s’il ne se rend pas à la volonté d’autrui de « l’occuper ».
Afin d’enlever le mauvais grain de la grappe sans la corrompre tout à fait, l’exercice s’emploie à isoler les pauvres qui résistent à l’esclavage moderne de celui qui travaille à des tâches répétitives et sans intérêt. Quant aux étrangers indésirables, on les isole en grillageant pour eux un no man’s land exigu. Ceux à qui on ne peut pas offrir un camp de concentration sans faire rugir l’opinion publique, on les réduit à crever de faim, tandis que les plus chanceux s’abritent encore et mangent une soupe à midi.

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Voilà où en est arrivé deux siècles d’industrialisation et de bouleversement des mœurs.
A part quelques hurluberlus, dont l’abbé Pierre et quelques autres anonymes, qui ont retroussé leurs manches et plongé les mains dans la boue des chemins, les gens « biens » se sont promptement tirés de l’enfer qu’ils ont contribué à créer. Ils n’ont pas osé désavouer les gens de bonne volonté, du moins pas encore, qui pourtant jettent un trouble dans leur comportement. En effet, comment accommoder leur manière de vivre avec ceux qu’ils enferment dans des situations de misère, s’ils laissent se développer des initiatives, comme celle des Restos du cœur, les compagnons d’Emmaüs ou les Enfants de Don Quichotte ?
Ne sont-ce pas là les preuves vivantes de leur égoïsme ?
« Les mérites dont aucun système politique n’est encore parvenu à se passer sont un véritable mécanisme exterminateur » écrit Casamayor dans son livre « La tolérance ».
Et sous le boisseau, à l’abri de la critique, le pouvoir fait tout ce qu’il peut pour utiliser à ses fins la belle ouverture de cœur de certains. Quand il ne le peut pas, il envoie ses gendarmes contrôler la situation sous prétexte d’ordre public. C’est ce qui s’est passé il y a quelques mois au Canal Saint-Martin qui a vu l’expulsion des SDF qui y logeaient sous tente.
Comment dépasser cet état lamentable où les mœurs et la solidarité sont tombées à trois fois rien ?
La société de profit, cette société de donnant-donnant doit apprendre le geste gratuit.
Il ne sert à rien de liquider les perturbateurs.
Il reste au fond de l’homme quelque chose qui s’émeut encore à la vision d’un semblable qui meurt faute d’amour, de soin, de pain.
La flamme ne s’est pas éteinte. L’égoïsme souffle pour l’éteindre. Le libéralisme est fort et trompeurs sont ses chantres.
Aussi curieux que cela puisse paraître, mais une des chances de la pauvreté c’est qu’elle croît (du verbe croître) et qu’il n’est plus possible de ne plus la voir. Et, au fur et à mesure, que cette fleur de terrain vague pousse, elle empêche les gens du système de bien dormir.
Elle dérange.
Ce n’est qu’un commencement.

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