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La politique et le caddie.

En quelques décennies, trois au maximum, loin de faire un rapprochement au point de mixer les couches sociales, les salaires, pensions et indemnités se sont singulièrement éloignés en Belgique et probablement de la même manière dans les pays de la Communauté européenne, des revenus de l’argent, des traitements et salaires des PDG, des parlementaires et de la haute administration.
Il est très facile de dresser la carte des populations des deux catégories désormais distinctes. Celle qui a réussi se cantonne dans les grands centre villes, dans certaines périphéries vertes et « à la campagne », mais pas n’importe laquelle, comme il se doit. La seconde occupe le reste, entourant les centres industriels ou disséminée dans des coins perdus et peu propices, genre terrain vague, zone industrielle en friche et autre ghetto suburbain.
Les deux populations ne se rencontrent pas dans des points de fusion, comme ce fut le cas jadis dans les immeubles haussmanniens. Elles sont dans l’incompréhension l’une de l’autre et n’aspirent à rien tant que s’ignorer.
Les Régions pauvres sont pénalisées par une infrastructure de transports inférieure et les lacunes du système éducatif.
Un exemple : dans la banlieue liégeoise à forte densité de population et à faible revenu (Montegnée quartier Homvent) la fréquence des bus y est d’environ un toutes les deux heures, dans la journée. La plus proche école du type moyen inférieur est l’athénée de Saint-Nicolas.
Tandis que les rémunérations s'envolent dans le tertiaire, les ouvriers et employés voient leurs revenus amputés par la hausse de la fiscalité indirecte et l'inflation.
Ce seul constat démontre l’échec de la politique de ce pays.
Une démocratie qui fonctionne bien est celle qui a le plus petit écart entre les hauts revenus et les petits revenus. Plus cette différence est réduite, plus le système est équitable. En Belgique, le rapport est inquiétant et largement en faveur des riches.
Personne ne me fera croire qu’un homme vaut 150 fois un autre.
Tout ce que l’on peut argumenter afin d’admettre cette différence comme justifiée et morale relève de la même dialectique que les négriers employaient pour la traite des Noirs.
Les industriels ont depuis très longtemps cherché à perfectionner la technique du travail afin d’augmenter les rendements, de supprimer les personnels, de sorte que l’entreprise « améliorée » soit compétitive, c’est-à-dire rapporte le maximum à la rente et aux actionnaires.
Dans le fond, cette société obéit à des règles très simples.
Prenons l’exemple d’un parking de supermarché. Les clients après avoir rempli le coffre de leur voiture abandonnaient leur caddie n’importe où et y compris contre la carrosserie de la voiture contiguë. Il fallait du personnel pour rassembler les caddies. Un monnayeur à pourvoir d’une pièce que l’on ne récupère que dans l’enclos des caddies a suffit pour qu’aucun ne traîne plus sur le parking. Le personnel a été licencié.
Nous sommes au cœur de l’efficacité du système capitaliste.
L’égoïsme en est le seul moteur. On a cru longtemps que c’était suffisant, ainsi que nous le démontre cet exemple.

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On a oublié trois choses essentielles : 1. tout le monde n’a pas une voiture ; 2. tout le monde n’a pas une pièce pour glisser dans le monnayeur 3. tout le monde n’a pas le mode d’emploi.
Peu importe, le problème a été résolu.
Le système est efficace parce qu’il a réglé la situation au seul niveau qui l’intéresse, à savoir que celui qui consomme est celui qui travaille. Celui qui consomme beaucoup, c’est celui qui travaille beaucoup. Sont laissés en suspens ceux qui ne se sont donnés que la peine de naître et ceux que la nature a doté de dons prodigieux ou d’une chance insolente qui conviennent à la société de consommation, société du spectacle et de la supercherie. Ils rejoignent ainsi assez curieusement ceux que l’on désigne comme des parasites et qui ne travaillent pas non plus : les vieux, les chômeurs et les malades ; à la différence qu’on s’enthousiasme des premiers du fait qu’ils gagnent des fortunes pour parfois pas grand chose et que l’on montre du doigt les seconds qui sont socialement et financièrement morts.
On s’est aperçu que les excès d’égoïsmes pouvaient devenir dangereux aux libéraux eux-mêmes. D’où la création de correctifs : sécurité sociale, protections, indemnités, retraites, etc.
Nouvel avatar auquel on ne pensait pas : pour que le système fonctionne, il fallait doter les pouvoirs publics d’une certaine autorité sur les acteurs de la prospérité.
Aujourd’hui, l’autorité fait défaut. Faute de ne pouvoir tempérer les bénéfices par un prélèvement de redistribution, l’autorité n’a plus que la ressource de se rabattre sur les moyens et petits revenus.
En cause les modifications structurelles des capitaux qui deviennent insaisissables et l’incivisme des gros revenus et fortunes qui élisent domicile à Monaco et dans d’autres paradis fiscaux, se dispersant dans une fluidité qui décourage le fisc.
On est revenu à la case départ. Celui qui a une bagnole et qui peut libérer un caddie en poussant dans le monnayeur un euro est un acteur de l’économie, les autres ne sont que les intermittents du spectacle d’une prospérité qui n’est pas pour eux.
Ajoutons aussi que les représentants de nos desiderata se sont laissé gagner par le sauve-qui-peut libéral. Ils nous ont laissé tomber, mais ils ont sauvé leur portefeuille.
Qui parmi les utilisateurs des caddies pourraient leur en vouloir ? Ne sont-ils pas pareils ?
Résultat, la démocratie, l’est de moins en moins. Si on s’inventait un mot : la démocrature ?

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