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Rawls contre Nozick.

Dans nos sociétés, le débat tourne autour des formes d’organisation du capitalisme.
Personne ne le dira jamais assez aujourd’hui.
Le débat pourrait intéresser l’homme de la rue, hors des milieux spécialisés en philosophie politique, puisque c’est de son avenir qu’il s’agit.
Il n’existe plus entre le marxisme et le capitalisme que des rivalités d’ordre théorique, le premier n’ayant plus d’exemples concrets de société marxiste si l’on veut bien admettre que la Chine n’est plus un Etat communiste, tout en étant resté un régime totalitaire. Cuba et les autres petits Etats accrochés à cette forme d’organisation de la société sont des survivants momentanés de ce grand naufrage.
Ceci est un constat, c’est-à-dire un état des lieux qui ne déplore, ni ne se félicite de la disparition de l’Union des républiques socialistes soviétiques.
Or, le capitalisme mondialisé est un monstrueux serpent qui se mord la queue.
Deux théoriciens à ce jeu du capitalisme contre lui-même émergent : John Rawls et le libertarianisme de Nozick.
Rassurez-vous, ils sont morts tous les deux en 2002.
Di Rupo serait plutôt pour Rawls et Reynders pour Nozick (tendance minarchiste).
En deux mots, voici les positions : Robert Nozick croit que l'État minimal est le seul état juste. L'individu possède seul sa propre personne. Il s'oppose vigoureusement au principe de la redistribution obligatoire car, en donnant à d'autres un droit sur soi, elle viole le droit de propriété.
Rawls propose l'utilitarisme. C’est une éthique qui prescrit d'agir (ou ne pas agir) de manière à maximiser le bien-être. Sa pensée se résumerait dans l’action de manière à ce qu'il en résulte la plus grande quantité de bonheur. Cet eudémonisme devrait se construire dans le cadre du système capitaliste, bien entendu ; mais qui, à l'opposé de l'égoïsme, insiste sur le fait qu'il faut considérer le bien-être de tous et non le bien-être du seul agent acteur.
Au premier abord, Rawls paraît plus sympathique et Di Rupo gagnerait sur Reynders si les choses n’étaient pas un peu plus compliquées.

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Kant pose le problème de la liberté en ces termes : Tout individu est une personne et, en tant que telle, il n’y a pas d’individu ayant plus ou moins de valeur qu’un autre. La discrimination est contraire à la morale. Nous devons tous avoir les mêmes droits.
Ce qui vicie le débat, c’est la hiérarchie des égoïsmes en système capitaliste. Comment dès lors que nul ne peut en nier l’existence, faire en sorte que la liberté de chacun soit bien de mener sa vie comme il l’entend, quand nous sommes tous à des degrés divers inclus et tributaires de cette hiérarchie ?
Ainsi en va le droit de propriété de chacun sur son propre corps et droits de propriété sur des objets extérieurs acquis ou créés à partir d’objets acquis. Et quid alors des objets qui ne sont la propriété d’aucun être humain ou créés à partir de ces objets ?
Comment est-il possible de devenir le propriétaire d’un objet qui n’était avant la propriété de personne ? Comment codifier l’appropriation originelle ? Nozick a vite tranché : Premier arrivé, premier servi. C’est ainsi que les ressources naturelles seraient à ceux qui les ayant découvertes les exploitent les premiers. Par après Nozick se rendant compte de l’énormité de ce qu’il dit, le tempère par une politique d’indemnisation pour ceux qui n’en profitent pas.
Rawls est plus nuancé. Il dispute longuement sur l’appartenance des talents individuels soit à la personne, soit à la collectivité. Et il reprend les anciens thèmes de l’aliénation de l’homme par l’homme.
La société réelle dans laquelle nous sommes ne correspond évidemment pas à la vision qu’en suggère pour son devenir Rawls et Nozick ; mais, par le travail de ces deux philosophes, il n’en reste pas moins que la discussion est ouverte au cœur même du système capitaliste, qu’aucun des deux ne conteste.
C’est par les idées simples des approximations du début qu’il faut commencer. La remise à plat des théories est devenue nécessaire, d’autant que de nos jours les économistes nous plongent directement dans l’organisation technique du système, comme s’il n’était plus contestable dans ses fondements.
Les Universités américaines bien moins farouches que les nôtres à confronter des points de vues de philosophie politique fort différents ont en leur sein des courants de discussion que nous n’avons pas, sur ce que sera demain le système unique pour des milliards d’hommes.
Cela va jusqu’à étudier la troisième voie : la solution collectiviste !
Aujourd’hui qu’est contesté, voire balayé, l’Etat providence (une économie de marché faisant une place essentielle au social) il est devenu indispensable de démontrer aux libéraux minarchistes comme Reynders que l’efficacité économique et la justice sont non seulement compatibles, mais encore nécessaires.
Il n’est pas certain que le PS, embarqué dans une forme libérale d’addiction au centre, afin d’y concurrencer le MR pour la reconquête de la majorité en Wallonie, soit préparé pour combattre cette remise en question en remontant à la source.

Commentaires

"C’est par les idées simples des approximations du début qu’il faut commencer. La remise à plat des théories est devenue nécessaire, d’autant que de nos jours les économistes nous plongent directement dans l’organisation technique du système, comme s’il n’était plus contestable dans ses fondements."

Très juste, Richard! Il faut reprendre l'affaire par le début. Quelle société voulons-nous et pourquoi faire? Il serait parfaitement possible que tout le monde chez nous vive sainement, dans des conditions décentes, en se nourrissant convenablement et finalement en étant plus heureux. Mais pour cela, il faut éradiquer l'envie et l'appât du gain comme seul moteur d'action. Rien de neuf sous le soleil depuis Epicure et Epictète! Et ce n'est pas possible sans une contrainte; ce n'est pas possible dans une démocratie telle que nous la connaissons. On a peut-être trop vite enterré Marx.Oups! Aurais-je blasphémé ou dit quelque chose d'incongru? Va-t-on me pendre haut et court?

"Il n’est pas certain que le PS, embarqué dans une forme libérale d’addiction au centre, afin d’y concurrencer le MR pour la reconquête de la majorité en Wallonie, soit préparé pour combattre cette remise en question en remontant à la source." Est il seulement certain que "Di Rupo serait plutôt pour Rawls", ne serait il pas hélas plus juste de dire que le socialisme a disparu et que le PS a fait l'objet d'un car-jacker et que "Di Rupo serait plutôt pour Di Rupo" et pas grand chose de plus.

@ Michel

"Mais pour cela, il faut éradiquer l'envie et l'appât du gain comme seul moteur d'action"

Quel programme, autant enviseager dès à présent l'éradication de l'homme tout court. La nature humaine (la nature tout court d'ailleurs) est ainsi faite que l'envie et l'appat du gain resteront le seul moteur d'action des hommes, a moins de croire en un dieu et d'imaginer que l'homme tendent vers l'absolu et le divin. Mais retournons à la triste réalité, nous ne sommes et ne resterons que des animaux particulièrement évolués et c'est déjà pas si mal.

Plus exactement, il faudrait une société où, par construction et, le cas echéant, par contrainte, l'appât du gain ne soit pas structurellement favorisé. Ce ne serait déjà pas si mal.

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