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Le Journal Le Monde en danger.

Les affres de la possibilité d’un désastre économique continuent de secouer le Journal Le Monde.
Ce journal est une référence en Europe et pas que pour les francophones, mais pour l’ensemble des lecteurs polyglottes, synonyme d’une bonne information et des réflexions qui en découlent.
Le départ programmé de 129 collaborateurs, dont des départs contraints, affaiblira le journal dans sa pensée multiforme, donc sera une perte ressentie de façon générale de la presse écrite.
Qui n’a pas la nostalgie à Liège des années au cours desquelles la presse écrite locale donnait de la couleur à l’information ? Alors, quatre rotative concurrentes crachaient quotidiennement plus de 200.000 journaux qui se lisaient dans la Région. Chaque foyer avait son quotidien favori qu’apportait le facteur ou que le lecteur achetait en kiosque.
La langue française s’y enrichissait des particularismes et des spécialités des rédacteurs. Bien des belgicismes sont partis de cet engouement venant gonfler les définitions des dictionnaires, après que l’Académie française eût officialisé l’adoption.
L’absence de critique aujourd’hui des électeurs liégeois est directement attachée à la disparition de la presse locale.
Nous avons vécu en petit ce que la presse parisienne de reportages et d’enquêtes vit en grand.
Avec le licenciement d’une partie du personnel, Le Monde fait exactement les mêmes erreurs que celles qui ont été faites au Journal La Meuse, à la Wallonie et à la Gazette de Liège. Dans une sorte de comptabilité d’épicier, les chiffres ont pris le pouvoir sur les lettres. Les résultats économiques sont immédiats, mais cette économie appauvri au lieu d’enrichir à long terme. Le journal devient tributaire des nouvelles captées par les Agences, perd ses chroniqueurs, détermine ses éditoriaux en fonction de ses capacités qui se réduisent, enfin, le poids des propriétaires s’alourdit en proportion des intérêts des actionnaires qui n’y trouvent plus leur compte. Et c’est la dégringolade.
Au contraire, dans une situation difficile il n’y a qu’une direction à prendre : celle de mieux informer encore, d’être plus performant et de s’intéresser aux nouveaux supports en innovant dans les journaux électroniques : en engageant des journalistes !
Peut-être que pour Le Monde, comme nos journaux locaux il y a vingt ans et plus, est-il trop tard ?
S’il y a sept ans que le journal enregistre des déficits, c’est au moins cinq années de perdues.
Le piège s’est refermé sur la presse française et quand Le Monde aura disparu ou aura été racheté pour un tout autre commerce que celui des idées, ce sera le tour des quelques autres qui subsistent vaille que caille et qui ne profiteront pas de cette disparition. Bien au contraire, puisqu’elle sera les débuts de la fin du suivant…
On pouvait très bien en Belgique sauver la presse d’opinion, même si La Meuse s’en défendait d’en avoir jamais eue. Il aurait fallu pour cela considérer la presse écrite comme un service public d’information, de la même manière qu’il existe un journal télévisé public. Il suffisait de subventionner la presse écrite mieux que les pouvoirs publics l’aient jamais tenté avec certaines obligations, comme la liberté d’expression et l’interdiction de l’actionnariat de faire pression sur la conscience et le sens critique des rédacteurs, par des contrôles indépendants.
Utopie ?
Pour y répondre, il suffit de voir dans quelles conditions la langue est parlée aujourd’hui parmi les lycéens et les élèves des écoles professionnelles, comment la langue française est utilisée et vers quel désastre linguistique nous courons. Il convient de s’imaginer dans quel état lamentable sombre le sens critique, tout raisonnement et toute dialectique, pour se persuader que nous sortons de nos écoles des ingénieurs analphabètes et des ouvriers robots.
L’Instruction publique participe au désastres. Les apprentis sorciers de l’Education nationale pensent secrètement que ce n’est pas la peine d’apprendre à lire et à écrire à des gens qui sitôt le diplôme en poche n’ouvriront plus jamais un livre ; qu’il est bien plus utile de pourvoir la société de bons techniciens qui ne se posent pas trop de questions sur leur devenir.

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La presse papier, la presse électronique concourent à l’apprentissage de la langue, à l’ouverture à la culture et au plaisir de lire et de connaître. De tout cela ressort le pouvoir du lecteur de faire un choix, d’exercer son sens critique, d’oser avoir une pensée originale.
L’utopie, c’est de croire qu’en laissant tomber ce qui faisait la fierté d’être un citoyen debout, on réussirait quand même le pari démocratique.
Eh bien ! non…
Nous allons vers des dictatures d’argent où seulement quelques concepteurs et quelques financiers disposeront de leur libre arbitre.
L’imbécillité des foules est la condition première d’un esclavage accepté, mieux même : désiré !
C’est un vice du pouvoir, celui de prétendre tout contrôler. Et un journal avec deux ou trois cents collaborateurs, comme à la grande époque, ne se contrôle pas.
Nous allons vers des lendemains qui déchantent avec un paquet de lois souvent inutiles, toujours liberticides, nos angoisses et nos peurs irraisonnées exploitées par le pouvoir.
C’est peut-être là qu’il faut voir les raisons profondes de la fin des journaux et des débats d’idées.

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