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A casser la baraque !...

A défaut de héros at home, les Européens se sont entichés du premier personnage de l’Etat américain, nouvellement élu.
C’est magique, quelques discours, dont on n’est pas sûr qu’ils aient été ficelés par le candidat, des prestations aux quatre coins des States grâce aux millions de quelques généreux donateurs et voilà ce privilégié par la naissance et par l’argent porté aux nues par tous les gueux et les assoiffés de contes de fée non seulement de ce pays, mais aussi de l’Europe et d’une grande partie du monde.
Il faut dire que son prédécesseur était une calamité quasiment naturelle. Encore que ce type était plutôt mal tombé avec son élection un an avant l’attentat à NY de 2001 et en fin de règne, une crise économique sans précédent. Le symbole qui restera, sera peut-être la paire de godasses qu’un journaliste irakien lui a lancée lors d’une de ses dernières conférences de presse.
Quel est le successeur, par contraste, qui n’aurait pas déclenché un fol espoir ?
Quant à sortir les mouchoirs, même en Europe, c’est là qu’on voit, quand il y a attroupement, le peu d’intelligence qui reste dans le public, lorsque la sensiblerie submerge tout.
Nous vivons des temps où le show fait la notoriété. Sans l’art de la scène, le candidat n’est rien, l’acteur est tout.
C’est d’abord ça la notoriété, quelque chose qui n’a rien à voir avec l’altruisme, le sens de l’Histoire, de la Justice, de la compréhension de la dureté de la vie dans nos sociétés industrielles.
-Mesdames, Messieurs, Bonsoir, ici Florence Reuter qui vous parle…
L’exercice quotidien, s’il a lieu six mois, un an, c’est suffisant pour envoyer n’importe qui nous représenter à l’Europe, entrer dans les gouvernements, parler en notre nom.
Que savons-nous vraiment de la personne ? Rien.
De même pour celui qui vient d’être élu à grands renforts de trompette.
Seul renseignement qui pourrait nous être utile pour comprendre le personnage, le milieu dans lequel il a vécu et vit encore : Chicago, ville en pleine gentrification (1) où il réside dans un quartier chic.
Les violences dont cette ville fut le théâtre en 1957 et notamment lors des événements du collège de Little Rock n’ont pas dû laisser un souvenir impérissable chez le nouveau président né le 4 août 1961 à Honolulu, Hawaii. L’attache locale est trompeuse. Ce n’est pas un Afro-Américain. Fils du Kansas et du Kenya, il est un Américain né d’un père étranger et son passé de « militant » pour l’égalité des citoyens, lui a révélé la difficulté de s’intégrer dans la communauté noire.
Ceux qui espèrent en Europe que la politique américaine dans le monde va changer se trompent lourdement. Même si le repli promis des militaires Us d’Irak et la fermeture souhaitée de Guantanamo sont de bonnes choses, l’inconditionnalité américaine pour Israël ne changera pas, perturbant la politique de tout le Moyen-Orient.

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L’homme se veut une synthèse débarrassée des idéologies. Il n’est pas un rebelle contre l’autorité de l’Amérique blanche. Il n’aurait d’ailleurs pas été élu avec un message uniquement destiné aux Noirs américains. Il incarne une Amérique filtrant les nouveaux venus et qui, en devenant Américains s’enthousiasment du système libéral et, le confondant avec la Liberté, le propagent à travers le monde. Il incarne un « progressisme démocrate » auprès duquel une social-démocratie à la Di Rupo, façon PS mondain, relève d’un reliquat malsain du communisme à la Brejnev.
L’esprit religieux pratiquement insoutenable dans ses pratiques ostentatoires, pour tout laïc européen, est un des traits constants qu’il faut bien garder en tête si l’on veut comprendre l’homme de « l’exception américaine ».
Un type qui dit avoir « laissé Jésus Christ entrer dans [sa] vie » est quelqu’un qui serait peut-être réticent à y faire entrer ceux qui n’ont que faire du Saint Esprit. La suite nous l’apprendra.
Par contre, on sait que Bush a commis ses plus grandes erreurs sur la même inspiration divine.
Ce qui me fait dire que ce n’est pas gagné, c’est l’effondrement économique intérieur de ce grand pays, son exportation massive en Europe et en Asie de ses obligations pourries et de ses pratiques financières douteuses, à la base du malaise international et de la perte gigantesque d’emplois.
Les remèdes qu’il apporte sont les mêmes en Europe : soutien sans faille aux banques grâce à l’argent des épargnants et aux emprunts massifs de l’Etat.
Quand il s’avérera que ce soutien n’empêchera pas la récession de se poursuivre, il sera trop tard.
Or, le capitalisme ne peut survivre que par la croissance et on voit bien que la croissance constante, même en détruisant l’environnement, est impossible.
Le Président précédent ne s’en est pas rendu compte, de même que les dirigeants européens. Et celui-ci ne pourra que poursuivre le refinancement inutile.
C’est ce président-ci qui sonnera peut-être le glas du monde occidental, sans le faire exprès, bien entendu.
Alors seulement, il y aura de quoi tirer nos mouchoirs.
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1. Anne Clerval, La gentrification à Paris, Thèse en Sorbonne, 2008.

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