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La rationalité de l’incohérence.

- Nekrassov, c’est un pseudonyme qui rappelle la pièce de Sartre !
- Vous vous faites bien appeler, je crois, Bondrissard des Ecrins et comme Poivre, vous n’êtes pas plus d’Arvor, que Giscard n’est d’Estaing..
- Donc, monsieur Nekrassov, vous n’êtes pas un ex ministre de l’URSS qui cherchez à dénigrer la presse française, mais quelqu’un qui la critique ?
- Puisque l’on joue à « vous n’êtes pas », par esprit de contradiction, je suis un citoyen qui en a marre d’être pris pour un con.
- Expliquez nous ça ?
- Comme si vous ne le saviez pas vous-même !
- Que savez-vous de ce que je sais ?
- Et vous, qu’est-ce qui vous permet de dire que je dénigre la presse française ?
- Mais, je fais votre interview et c’est moi qui pose des questions.
- Alors, posez-les de façon objective. Par exemple demandez-moi quel est le prix à payer pour la liberté de penser ?
- Je poserai des questions selon un schéma établi et je n’en démordrai pas.
- Alors, étonnez-vous que je n’y puisse répondre.
- Pourquoi ?
- Dans la mesure où elles ne rencontrent pas mes préoccupations, c’est mal engagé.
- Je lis sur ma fiche que vous n’aimez pas Adamo, qu’il vous semble que la démocratie libérale est une escroquerie et que vous constatez la faillite de la pensée rationnelle qui croit améliorer l’ordre des choses par l’application stricte du système capitaliste.
- C’est quoi la question ?
- Qu’appelez-vous, par exemple, le trop-plein de réalité de la société libérale ?

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- Il y a trop de tout, mais bornons-nous au trop-plein de l’information. Comme il y a commerce de tout, il y a pléthore là aussi. L’excès d’information, surtout celles qui sont autoproduites par le pouvoir, empêche d’en faire le tri. Depuis que tout fait nombre, l’insignifiant a tout recouvert d’un vernis de savoir uniforme et conventionnel.
- Il vous semble aussi impossible un renouveau dans l’information, que partout ailleurs ?
- Le danger, le capitalisme l’a senti avec la crise. Si c’est un corps inerte et empirique pour ce qui concerne la réalité des jours, il n’en est pas moins redoutable quand on touche à l’essentiel, c’est-à-dire sa survie dans un monde en crise.
- Vous pensez à quel économiste ?
- Le plus médiatique : Jacques Attali. Voyez comme son discours est dangereux. Il est en train de revenir aux vieilles lunes dialectiques concernant le système qui a fait sa fortune, à savoir que le capitalisme reste le moins mauvais des systèmes et il ajoute à l’attention de tous les déçus et des frustrés, que les marchés doivent être régulés et que l’Etat de droit doit y jouer un rôle plus déterminant.
- Cela me semble positif.
- En réalité rien ne change. Si ce n’est que les pertes sont socialisées et les gains plus que jamais privatisés. Selon Attali le marché est fondé sur l’apologie de la liberté individuelle. Qui peut se croire libre quand le travail est une obligation et que l’oisiveté – quand on n’est pas rentier – est considérée comme une infamie sociale, même pour ceux qui n’en peuvent et qui souhaiteraient s’aliéner davantage au travail, pour une liberté illusoire et impossible.
- Il faut bien produire le bien de tous, pour le bien de soi.
- Entre ce constat et la production nécessaire, il y a toute la folie des hommes, le consumérisme, l’argent achetant le bonheur, etc.
- Comment imaginez-vous l’avenir ? Un gouvernement mondial ?
- Je n’en ai pas la moindre idée, par contre Attali, lui, en a beaucoup. Il croit fermement que la gouvernance mondiale sera oligarchique ; mais, ce n’est pas grave. Et il en veut pour preuve la Chine qui progresse dans le sens démocratique.
- Et la crise actuelle ?
- Elle est le résultat de l’appauvrissement de l’éthique. Le capitalisme n’en avait déjà pas beaucoup. Avec la mondialisation, c’est pire. Les entrepreneurs ne connaissent plus les personnels. Le travail s’est déshumanisé en se mécanisant à outrance. Les techniques de l’électronique ont encore aggravé la crise. Il existe à présent un marché autonome de l’industrie, c’est celui de l’argent. On prête et on spécule sur du figuratif. C’est la fin d’une utopie, celle d’une civilisation que la liberté des échanges allait rendre meilleure.
- La solution ?
- Orwell parle de choses que l’on ne doit pas faire et qu’il faut sentir sans qu’on nous le dise. Il faut augmenter le pouvoir de l’altruisme et de l’amour de l’humanité et diminuer d’autant la conception anglo-saxonne du libéralisme. Il conviendrait, si on veut que l’humanité dure encore un peu sur cette planète, remettre les choses au point sur l’exaltation du travail et du profit, et les remplacer par l’amour qui va aux autres, avant d’aller à soi, et qui fait parties des vraies valeurs.
- Ce sera difficile !
- Oui. On a tout lieu d’être pessimiste.

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