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Propos de galerie.

-Il me semble vous avoir rencontrée à Cória.
-C’est où ?
-En Espagne, Estrémadure…
-Je n’y ai jamais mis les pieds.
-Vous n’y seriez pas allée sur les mains.
-Je suis plutôt portée sur le voyage en Italie.
-Vous êtes Italienne ?
-Non, mais on m’y fait des prix.
-Comment faites-vous ?
-Le type qui vient de sortir est Italien.
-C’est parce qu’il vient de sortir qu’on vous fait des prix ?
-Enfin, je me comprends.
-Ni à Caceres ?
-Non.
-Ça tombe bien, moi non plus.
-Alors, il doit s’agir de deux autres personnes. Mais enfin, que me voulez-vous ?
-Si je vous le disais, vous me traiteriez de saligaud. Tandis que si j’attends un peu, peut-être trouveriez-vous intéressant ce que j’ai à vous dire.
-Visitez l’exposition « Le tournant de ma vie » à l’aise. Comme vous restez planté là, parlons de mes tableaux en terre cuite, si vous voulez.
-Oui. C’est original, mais un peu lourd. Difficile à mettre au mur. Vos femmes dévêtues, par exemple, on dirait qu’elles sortent de relations sexuelles. Pourtant, elles sont seules.
-Elles sont seules. Il est vrai, mais pas toujours.

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-C’est comme vous ? Vous êtes seule mais pas toujours ?
-Sur les tableaux 7 et 9, c’est un couple qui s’enlace. Donc, il y a un homme qui apparaît de temps en temps dans mon œuvre.
-Oui. Il a un relief éloquent. Vous intitulez le tableau « après l’amour », alors que le modèle est en érection. Par contre le suivant « avant l’amour », c’est la débandade.
-Il y a confusion des étiquettes. C’est la dame de la galerie.
-Il vous enlace sur les deux de la même manière. Pourtant avant, ce n’est pas la même chose qu’après. On croirait voir le type qui est sorti de la galerie comme j’y entrais. C’est lui ? Et c’est vous ?
-Jugez par vous même.
-Comment le pourrais-je ? Ici, vous avez un pull et en-dessous un soutien à armature, sur la toile vous avez des seins superbes, lui porte un jeans, allez savoir, si cela est vrai ?… Par pudeur, vous n’avez pas fait ressemblant exprès ou c’est parce que vous n’avez pu faire mieux ?
-Il bougeait trop.
-Certes quand on fait l’amour. Mais quand on ne le fait pas ?
-Dois-je accepter cela comme un compliment ou comme une critique ?
-Les cheveux du type qui vient de sortir correspondent plus ou moins à celui qui vous enlace. Il a les cheveux d’un blond sale très bien rendus. Vous faites bien les cheveux. Vous êtes coiffeuse ?
-Ce n’est pas gentil.
-Pourquoi avez-vous intitulé l’oeuvre 17, « Pierre de La Ville-Marre, joutait bien. » C’est énigmatique. Vous êtes sûre qu’il n’y a pas un « o » de trop ?
-Parce que Pierre de La Ville-Marre, c’est son nom.
-Il ne va pas être heureux de la façon dont vous l’avez arrangé !
-Il est mort.
-Vous avez dû en connaître, vous des hommes !
-Monsieur, ça ne vous regarde pas !
-On dit ça, puis quelques jours plus tard, on murmure « tu sais, j’en ai connu des tas, mais, toi tu es le seul qui compte ». On fait semblant d’y croire… Vous vendez Pierre de La Ville-Marre, 2.000 euros. Ce n’est pas donné !
-Si vous saviez ce qu’il m’a coûté !
-Que diable aussi d’avoir des relations qui coûtent !
-C’est pourquoi, je les vends. Il faut bien qu’ils finissent par me rapporter. C’est ça, l’art !
-Ce devait être un grand bavard !
-A quoi voyez-vous cela ?
-Dans l’état où il est, tête bêche et la bouche pleine, on dirait qu’il parle encore. Que disait-il ?
-Il connaissait tout avant tout le monde. Au fait, il interrompait beaucoup. Je crois me souvenir qu’il disait « A quand le car pour Caen ? ». Il imitait Raymond Devos.
-S’il est mort, il n’imitera plus personne.
-L’autre est mort aussi, vous savez.
-Si vous vous en souvenez encore, les nuits ne devaient pas être torrides !
-Les après-midi plutôt… Nous étions pressés. Le mari de l’époque nous harcelait. Ville-Marre faisait l’amour et la conversation en même temps !
-Le nez dans la barbe à papa, il devait être grotesque.
-Jaloux ?
-Tandis que le blond aux cheveux sales ?
-Vous voulez me faire une offre ?

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