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C’est la mer qui prend l’homme.

Vivre est un métier dangereux.
Vivre sur l’eau au large des côtes somaliennes ajoute quelques piments de plus à la dangerosité.
La piraterie existe depuis l'Antiquité. Toutes les civilisations l'ont connue.
Cette forme de banditisme a ses chantres et eu ses heures de gloire. Ce n’est pas pour rien que les enfants raffolent des vies mouvementées de Barberousse, de Silver, de Jack Rackham ou de Mary Read.
Plus souvent qu’on ne pense, entre deux dossiers, de petits comptables et des employés des postes s’évadent par l’esprit et hissent le « Jolly Rogers », le drapeau noir à tête de mort et deux sabres croisés, qui est celui de l’esprit d’aventure.
Déjà Pompée se rendit célèbre en nettoyant la Méditerranée des pirates siciliens ; alors pourquoi pas les marines de guerre bondissant sur la vague deux mille ans plus tard ?
Ce serait resté vaguement anecdotique, tout en fournissant d’articles les gazettes, si les pirates modernes au lieu d’en rester à la plaisance, ne s’en étaient pas pris à des cargos de belle taille, disposant des frets et rançonnant les équipages.
Alors, si on rit encore sur les wharfs des ports aux récits de Pierre Mac Orlan, Daniel Defoe et Robert Louis Stevenson, le commerce international frileux du tiroir-caisse rit jaune.
Les « Nations civilisées » lancent leurs marines d’acier sur les cotres en bois de ces hardis marins, beaux, élancés, façonnés aux embruns, tandis que nos juristes nous assènent les quatre vérités des Lois maritimes.
Jean-Michel Barrault « Pirates des mers d’aujourd’hui » (Gallimard), fait appel à notre sang-froid et nous bombarde de quelques statistiques : depuis une vingtaine d’années, les navires marchands ont subi plus de 4.000 attaques. Les actes de piratage sont parfois de simples chapardages nocturnes, mais aussi souvent des actes violents menés par des bandes organisées, puissamment armées, avec prises d'otages, rançons, tortures, assassinats, arraisonnements. Des cargos sont maquillés, rebaptisés, vendus.
Encore un drame de la mondialisation : 97 % de marchandises, 60 % de produits pétroliers circulent sur les mers. La sécurité des marins est menacée. Les attaques sont en effet nombreuses. En plus de la violence et l'intimidation, l'usage est courant des armes à feu et des couteaux. C’est moins spectaculaire que les anciens de l’île de la Tortue, mais plus efficace. Devant l’armada internationale vouée à leur perte, les marins de la flibuste n'hésitent plus à employer des moyens adaptés : lance-roquettes et fusils d'assaut.
Le jour où ils auront capturé un aviso ou une corvette d’une marine de guerre croisant au large, ce sera un véritable combat naval !

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Quelques escarmouches se sont déjà produites entre pirates et bateaux de guerre. Des victoires de ces derniers ont permis de petites satisfactions morales. Toutefois cette réussite cache le manque de moyens de surveillance, tant la mer est immense et les pirates déterminés. Les côtes découpées sont autant de criques. La population qui bénéficie des retombées des prises, protège ses marins.
Quel est leur but ? L’appât du gain sans doute. Qu’on juge de la misère des pêcheurs côtiers pour comprendre aussi ce qu’est une rançon de 500.000 dollars obtenue à la libération d’un gros bonnet surpris à faire du yachting, pour un village en torchis, des enfants en loques et des vieillards laissés sans soin faute d’hôpitaux.
A noter que la piraterie existe aussi en mer de Chine (détroit de Malacca), où les assassinats sont fréquents, et le long des côtes d’Amérique du Sud. Toujours pour les mêmes motifs, avec ceci de différent que les pirates chinois sont plus vicieux, volontiers plus sanguinaires. Il est vrai que les pêcheurs somaliens débutent dans le métier. Ils n’ont pas trop le cœur endurci.
Dans leur esprit, ils font du commerce ! Ils investissent en matériel et paient les hommes en parts de prise, suivant la « loi » de la flibuste.
Ils ont des précédents historiques. Les premiers colons venus d’Europe rassemblèrent à coup de fusils des populations apeurées, afin de les employer gratis dans leurs mines et leurs cultures.
Finalement, les pirates somaliens n’ont rien inventé du tout.
Et puis, les traditions se perdent. On ne pend plus ni les mutins, ni les pirates. On les laisse réfléchir en prison à un contrat de réinsertion dans la marine marchande.

Commentaires

Il me semble que vous avez une image bien romantique de ces pirates.
Sans doute la même que vous devez avoir de la maffia italienne dans laquelle se retrouve de gentils Robin des Bois.

Sans doute. Permettez-moi de rêver, sans pour autant me croire naïf au point de faire l'amalgame de la piraterie somalienne avec les petites frappes qui rançonnent les passants et les boutiquiers à Palerme et à Naples.
Par contre, si vous le faites pour me noircir, je vous pardonne; si vous le pensez réellement, je vous plains.

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