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Le bâtonnier met des bâtons dans les roues…

Il ne restait plus grand chose d’honnête dans ce pays. Tout fichait le camp. Plus une seule figure de proue osait regarder le public droit dans les yeux.
Sauf la Justice !
Elle se dressait en dernier rempart de la vertu démocratique et du bon fonctionnement des Institutions.
C’est fait, ce Corps a rejoint les cadavres exquis de nos placards délétères.
Certes, des petites broutilles, de légers manquements apparaissaient parfois. On la disait surchargée et nos magistrats inquiets. Mais elle envoyait au trou l’engeance du Royaume avec vigueur et célérité. Le public voyait en elle le dernier bastion traquant les maffiosi des autres pouvoirs. Le bourgeois s’endormait la fenêtre ouverte.
Le politique célébrait aussi souvent qu’il le pouvait la séparation volontaire du législatif et du pénal. C’était notre garantie absolue qu’on ne tripotait pas les jugements selon que vous étiez puissant ou misérable, quoique la sévérité et les peines lourdes tombassent souvent sur le misérable et jamais sur le puissant. Mais, bah ! on se disait que cela servirait d’exemple à la banlieue, tandis que le puisant depuis longtemps par philosophie au-dessus des principes, faisait tout de même gaffe à éviter la faute.
Et voilà les journaux pourtant si dévoués à la Patrie, si attentifs à ne pas gâcher la moindre chance de réconciliation des banques et l’Etat, les voilà obligés d’informer les lecteurs que la friponnerie a gagné les membres les plus éminents de l’appareil judiciaire !
Décidément, comment croire encore à autre chose que le gain facile tel qu’on nous l’enseigne dans la moindre école de commerce ?
Sous la plume des éditorialistes, des chroniqueurs judiciaires et même du pigiste appelé en renfort, les grands noms circulent, la tourmente s’envole emportant des réputations.
Béatrice Delvaux du Soir titre « Corruption de magistrats : l'avocat Robert Peeters au centre du scandale » et de déplier son histoire de l’arroseur arrosé, à partir de la désormais fameuse lettre de Ghislain Londers, premier président de la Cour de cassation, au président de la Chambre, dénonçant des indices d'intervention du gouvernement auprès de magistrats dans l'affaire Fortis, après laquelle rien ne fut plus comme avant !
Ah ! cette nouvelle Sévigné, bien qu’homme sous la robe, n’aurait pas dû !
La police judiciaire porte des accusations qualifiées de gravissimes, selon dame Delvaux. La corruption règnerait en maîtresse sur les estrades des Cours, remplirait des prétoires, bruisserait dans les couloirs des Maisons de justice !
Et la presse découvre ce que le bon peuple savait depuis longtemps, à savoir que l’on peut être grassement payé et serviteur à vie de Thémis sans pour cela renoncer aux ambitions temporelles à une époque où l’argent est comme la Rolex de Séguéla, INDISPENSABLE !

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Cette chère Béatrice s’émeut façon « vieille époque » en mêlant à la notion de gravissime des personnages importants qui peut-être un jour – ce n’est pas certain – en seront accablés.
Impossible, dit-elle, de faire le tri dans une affaire jetant l'infamie sur une grande partie de la magistrature…
Et justement, retenons notre souffle. Il suffit d’avoir assisté une seule fois à un procès en qualité de curieux pour en sortir avec la certitude qu’en n’avouant jamais, le prévenu embarrasse la justice.
Les magistrats prévenus à leur tour ne sont pas plus bêtes que leurs victimes. Ils nient tout en bloc, évidemment.
Ah ! s’il n’y avait les faits, plus têtus que le Lord Maire, comme la pourpre et l’éclat, tels jadis les cardinaux, prendraient notre questionnement de haut ! Hélas ! ils en sont à faire la bête, ils en arrivent à la perte de mémoire, ils ne savent plus, bref, ils sont innocents par principe ; si tant est qu’il leur en reste un, ce sera celui-là !…
Comme ce serait drôle et jouissif de voir un inspecteur questionner rondement des illustrissimes dans l’arrière salle d’un Commissariat crade de quartier.
-Où étais-tu, De Tandt Francine, présidente du tribunal du commerce, dans la journée du 17 juin 2007 ? Ah ! tu ne sais pas ! J’ai ici un document qui…
Mais qu’on se rassure. Personne, au plus haut des crimes, n’est jamais allé en prison réfléchir à l’état de scélératesse à la suite de son interrogatoire de VIP, surtout quand on a été en position d’y envoyer les autres. C’est comme ça.
Nous sommes dans une démocratie du tapis plain, rewritée par l’Ancien Régime toute en parquets, ne l’oublions pas. Les nobles ont disparu, le Gotha ne s’est pas refermé pour autant. Les ducs et pairs ne sont plus nobiliaires, ils sont judiciaires, parlementaires, professeurs d’université. C’est moins voyant, donc plus sûr et par conséquent préférable. La moquette est restée, la démarche souple, le pas feutré, les belles manières, à part l’honneur, tout est resté…
La visite à corps à Lantin, c’est pas pour les hémorroïdes distinguées.
Seul le gorille de Brassens peut se prévaloir de s’être farci un juge en passant par la porte étroite d’André Gide.
Qui dit la Loi a toujours été au-dessus des vilénies, c’est bien connu.
Comme Chéri-Bibi, ils sont tous innocents.
Fatalitas !

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