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Trompettes de la renommée…

-Minou, tu prends ton thé maintenant ?
-Oui, mais alors tout de suite. Je t’ai demandé de souffler dessus, pas de cracher dedans !
-Voilà.
-Ce matin, je passe aux éditions de l’Arquebuse…
-Pour ta nouvelle plaquette ?
-Ça t’écorcherait le museau de dire recueil ?
-C’est « Le dépeceur d’eau » ?
-J’avais pensé lui montrer « Parc privé », mais quelques petites retouches sont nécessaires…
-Tu rentres à midi ?
-Non, je déjeune avec Roche-Pontoise.
-Le peintre ?
-Qui veux-tu que ce soit d’autre ?
-… et garagiste !
-Voilà dix ans qu’il est critique à la radio !
-C’est drôle un peintre garagiste, critique à la radio !
-Mon pauvre ami, tu n’y connais rien. En plus, ce que tu peux être bête ! Je serai accompagnée de Jacinthe, ma complice des « Jeudis de l’écriture ».
-Si je te pose la question, c’est pas pour t’ennuyer, mais pour savoir si tu manges ?
-Ce que tu es vulgaire ! On ne dit pas « c’est pas » mais « ce n’est pas ». Tu as la liste des choses à acheter ?
-Oui.
-Alors, que veux-tu savoir de plus ?
-Pour ce soir, alors ?
-Après Roche-Pontoise, j’enregistre l’émission « l’artiste chez soi ».
-Alors, tu rentres à la maison ?
-Non. L’émission pour la télé se fait en studio.
-Ah ! bon… ils reconstituent ton bureau ?
-Ce que tu es agaçant avec tes questions ! Pilou a un contrat avec Rosaline d’Auvalon, la designer de la ligne des Meubles Duc père & fils.
-Ton amie Rosaline, la designer, celle qui est la maîtresse du père et du fils ?
-Et tu te crois spirituel, parce qu’un jour j’ai eu le malheur de te le dire !
-Ça me fait toujours rire. Il y a encore le Saint Esprit !
-Ris bien ! A l’instant, tu parlais de maison pour notre villa. Tu es incorrigible ! Voilà cent fois que je te le dis : nous n’habitons pas une maison. Nous habitons une villa.
-Oui, les Alyscamps.
-N’ajoute rien. Tu allais encore t’étonner que nous habitions un cimetière romain près d’Arles, alors que notre villa est sur les hauteurs de Liège.
-Eh bien oui !
-Tu manques vraiment d’imagination et de poésie, mon cher Charles. Je me demande pourquoi je t’ai épousé…
-Donc tu ne rentres pas l’après-midi. Peut-être, ce soir ?
-Ne m’attends pas. Tu vas dormir quand tu veux. Nous avons un dîner de femmes. Qu’est-ce qui pourrait rimer avec Langouste ?
-Prouste !
-Mon pauvre ami… As-tu jamais été drôle un jour ? Je me débrouillerai seule, comme toujours.
-Elles vont enfin t’élire présidente du prix Collembole ?
-Tu t’intéresses à moi, c’est nouveau, ça ! Justement, j’ai besoin de la voix de Dominique d’Ombreuse.
-La lesbienne ?
-Et alors ? En a-t-elle eu des chagrins avec les hommes avant d’y renoncer…
-Tu ne vas tout de même pas…
-J’irai bavarder dans son boudoir, pourquoi pas ?
-Ce qui fait que tu ne rentreras pas avant demain matin ?

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-Là, j’aurai besoin d’un bon petit déjeuner.
-Pour te remonter ?
-Tu n’es jamais arrivé à rien, mon pauvre Charles, parce que tu manques d’ambition. Et tu manques d’ambition, parce que tu n’as pas de volonté. Aurais-tu l’ambition et la volonté que tu n’arriverais à rien quand même, parce que tu manques de talent.
-Fauche de Vieille a téléphoné. Tu pars faire des conférences en Turquie la semaine prochaine.
-Enfin quelque chose d’intéressant qui sort de ta bouche. Mais, c’est formidable !
-N’est-ce pas le vieux beau, membre de l’Académie de Langue et de littérature qui t’a frôlé les genoux à la soirée Mallarmé ? Belle idée de l’asseoir à côté de toi.
-Il est adorable.
-Il t’accompagne ?
-Comment veux-tu que je me débrouille en turc sans lui ?
-Il parle le turc ?
-Non, mais il a ses aises.
-Qu’est-ce qu’avoir ses aises peut t’arranger, s’il ne sait pas le turc ?
-Tu m’embêtes à la fin. C’est un fin érudit. Un homme aimable. Il a quarante ans de plus que moi et il a ses aises.
-Je me demande quand tu trouves le temps d’écrire ?
-Je vais te faire un nouveau papier pour les courses. Demain, j’inaugure la Maison Magritte avec Clotaire d’Orvigne et je ne sais pas à quelle heure je serai de retour, peut-être même dormirai-je à Bruxelles. Pour répondre à ta question, c’est encore à l’hôtel que j’écris le mieux…

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