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Rocard dit vrai !

Dans le numéro de Philosophie magazine de mai, Michel Rocard analyse le socialisme d’aujourd’hui.
On ne peut pas dire que l’ancien premier ministre de François Mitterrand soit devenu brusquement gauchiste, pourtant ses propos devraient déranger les orthodoxes du PS qu’ils soient regroupés rue de Solférino autour des jupes de Martine Aubry, ou frileusement encaqués dans les petits bureaux contigus d’Elio Di Rupo au Boulevard de l’Empereur à Bruxelles.
A la question « comment expliquez-vous que le socialisme reste en déclin en Europe ? » Michel Rocard répond : « …c’est assez simple. Ne confondons pas le capitalisme, né au XIXme siècle, et l’économie de marché, vieille de 4000 ans. A Athènes, à Rome, en Chine, on a vécu une économie de marché au sens d’une confrontation entre des individus. L’acheteur était une personne physique unique ; l’artisan ou le commerçant aussi. Le salariat n’existait pas. Il n’y avait pas de capitaux au sens où nous l’entendons. Deux inventions viennent bouleverser le système au XIXme siècle : la machine à vapeur et la société anonyme. L’une permet de faire travailler beaucoup d’hommes autour d’une seule source d’énergie. L’autre associe de nombreux épargnants, des « apporteurs de capitaux » disait-on, dans une même aventure. C’est ainsi que sont apparus actionnaires, patrons, salariés… Et un capitalisme dans un premier temps, d’une brutalité inouïe ! Dix-sept heures de travail par jour, 4000 par an ! Le socialisme est né dans la seconde moitié du XIXme siècle comme un cri de colère contre cette brutalité. Avec la durée du travail, pour premier combat ».
Rocard, homme de droite, Rocard, homme de compromis avec Sarko et l’UMP, sans doute, qu’importe, en quelques mots le décor est planté, reste à démontrer que le déclin du socialisme en Europe n’est pas l’effet du hasard.
Michel Rocard poursuit sa démonstration :
« …la durée du travail a baissé de 4000 heures par an à une durée allant de 1550 à 1700 heurtes un peu partout en Europe et en Amérique du Nord… En même temps, le capitalisme est resté, de sa naissance en 1820 à 1972, un système de plein emploi constant, sauf pendant des crises comme celle de 1929-1932. C’est en 1972 que ça casse, soit un an avant le choc pétrolier qui ne fait qu’aggraver les choses. Jusque là le capitalisme est régulé, le taux de chômage inférieur à 2 %, la productivité gagne partout de manière foudroyante ! Tout au long des Trente Glorieuses, la gauche n’a presque rien à dire, tout le monde a du boulot, les paies augmentent de 4 à 5 % l’an ! Le drame du socialisme, c’est qu’il a perdu sa carte d’identité. Il a disparu comme une succursale un peu sociale des forces capitalistes. N’empêche : la crise actuelle témoigne de la fulgurance des intuitions de Marx, non pas en politique… mais dans l’analyse du marché et du capitalisme. »

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Peu importe que ce soit Rocard personnage controversé à gauche qui ait dit cela au cours de son interview à Philosophie magazine – je méprise les coteries et ceux qui récusent les arguments sans les analyser et sans les contre argumenter – mais Michel Rocard parle d’or et a parfaitement raison.
Ceux qui aujourd’hui usent et abusent de l’étiquette socialiste n’en sont pas vraiment, n’en sont plus depuis 1972. Pire, ils ont dénaturé la pensée socialiste pour s’approprier les votes de militants sincères qu’ils ont abusés.
Inconsciemment, sans doute, ils ont perverti la donne sociale et permis peu à peu à des éléments étrangers au duo social-capital d’infiltrer un rapport qui – tout en ne satisfaisant personne – permettait à la majorité des citoyens de ne pas être tout à fait malheureuse.
Mais leur faute absolue, c’est de s’être approprié un régime démocratique, là encore loin d’être parfait, mais qui aurait pu enfin donner la parole à ceux qui ne l’ont jamais, en ne détricotant pas l’assemblage démocratie-économie capitaliste, tout du contraire, allant jusqu’à collaborer, comme aujourd’hui, à un recul sans précédent des travailleurs, alors que l’emballement concurrentiel productiviste et mondialiste est en train de réduire à néant les avantages acquis tout au long d’un siècle de combats.
C’est ainsi que l’on peut dire avec Philosophie magazine « le politique ne promet plus la réalisation de soi » (Marcel Gauchet, philosophe).
A l’heure où la voie consumériste, qui paraissait avoir fait basculer les travailleurs vers des horizons libéraux, est obstruée par de monstrueuses déviances des jeux de l’argent, il serait temps pour les élus socialistes de reconnaître leurs erreurs ou de se démettre. Dans ce dernier sursaut d’honnêteté, Didier Reynders et le MR sont prêts à les accueillir les bras ouverts.
Les scores socialistes en Europe sont en constante régression et la majorité libérale au parlement européen n’a jamais été aussi stable. L’échec du socialisme est patent. Il ne restera rien de ce socialisme-là, pour la raison bien simple, qu’il n’en avait que l’étiquette et que ce n’en était pas un.

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