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Carnet de campagne.

Quasiment fait, Bart De Wever s’intronise déjà gauleiter de la Flandre.
Il reste quelques petites formalités, comme l’élection du 13 juin, les signatures des démissionnaires des autres formations, des broutilles… avant l’assaut – on ne sait pas encore de quoi – mais ce sera un bel assaut, avant le sacre.
Un chef ne peut être adoubé qu’après une grande bataille. Autrement, ce n’est pas un chef.
Ils auraient eu l’air de quoi les Waffen de la légion flamande en 1942, s’ils avaient su qu’il seraient amnistiés en 45 ? Non. Le culte des héros avait dix années de mise en train dans la souffrance et l’affliction de la Flandre, pour que ça ait l’air de quelque chose.
Il faut des péripéties à tout acte héroïque, sinon, c’est un acte ordinaire. Où est le mérite quand on ne court aucun danger ?
-Bart, tu prends quelque chose ?
-Je boirais bien une trappiste.
Le tout à la terrasse de chez Anneke. Non mais, ça va pas De Wever ?
Il faut que les cendres de Claes battent au moins sur sa poitrine le temps d’une bataille.
Après, cela se complique toujours, nécessairement puisque Bart n’est pas Napoléon, et même pas Ulenspiegel. Le drapeau une fois brandi, il faudra le déposer quelque part, autrement, c’est encombrant. Dans un cortège, ce sont toujours les idiots ou les besogneux qui tiennent les drapeaux et les calicots. L’élite marche en tête, les mains servent à saluer, à étreindre les enfants que les mères tendent au sauveur de la patrie.
La tribune, ce n’est pas une barricade. Le geste héroïque, ce sera pour plus tard, la confrontation au palais royal. « C’est une révolte ? » s’enquerra le grand chambellan barrant l’entrée aux énergumènes entourant Bart.
Pour la postérité, il faudrait un nouveau David. Il peindrait la scène, avec le grand chambellan, Bart et le roi derrière une colonne. Ce que voyant, le président de la N-VA répondrait, dédaignant le grand chambellan « Non sire, c’est une révolution. »
Seulement encore une petite semaine à ronger son frein, à faire des discours triomphants, avant l’aventure, Bart s’en impatiente.

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Jean-Marie Le Pen l’a certainement déjà félicité.
Jean-Marie avait bien vu que Bart irait loin.
Il le lui avait dit lors de leur rencontre qui n’était qu’à Paris. Jean-Marie voulait Montoire, pour le symbole, Montoire dans le Loir-et-Cher, mais Bart n’était pas au courant, et ça ne s’est pas fait. Lui, l’histoire de France, à part les Bretons et Le Pen, il n’en a rien à foutre.
Maintenant la Flandre est mûre, le Front en est certain. Bart est un grand nationaliste.
Seulement, il faut se méfier de la dernière minute, du coup imprévisible, de l’arme ultime de Madame Thyssen du CD-NV ou de la connerie inattendue d’un Bart De Wever trop euphorique. N’est-ce pas lui qui a demandé aux purs Flamands de boycotter les bureaux de vote et même de proposer aux bourgmestres les plus pointus de déclarer les élections illégales ?
C’est con, ça !...
Et si les purs Flamands avaient pris la proposition de Bart au sérieux ?... des milliers de votes perdus !
Reste à convaincre le Vlaams Belang qui a fait 15 % des voix aux dernières élections. Une partie de pétanque avec Bart serait sympa. Une partie « arrangée » bien entendu, Filip Dewinter ne ferait aucun point. Il embrasserait donc le derrière de la Fanny et ce serait Bart qui bougerait son pantalon, offrant un scoop au lecteur du Standaard.
Ainsi Anvers ferait mouvement sur Gand et au soir du 13, 14 au plus tard, on referait un « gordel » en famille autour de Bruxelles, obligeant Barroso à déclarer la Flandre éternelle, vingt-huitième état de l’Union.
C’est long une semaine quand on attend dans la tranchée l’heure de l’assaut !
Entre deux meetings de Bart qui s’enflamme en voyant les autres s’enflammer, le silence de la nuit doit être lourd à côté de l’épouse, les enfants dans les autres chambres. Un homme politique fait-il encore l’amour quand tant de préoccupations l’assaillent ? Il doit trouver cela bien mesquin et bien ordinaire un devoir conjugal, tant de personnes l’attendent le lendemain sur le perron !
Quand on est saisi par le courant de l’histoire, happé pourrait-on dire, on prépare des phrases qui deviendront historiques, des bons mots soigneusement étudiés et qui paraissent spontanés. On élucubre des plans, des finesses dont les autres n'ont pas idée… Le carnet d’adresses reste ouvert sur la table de chevet, qui sert aussi de recueil de pensées.
A sa dernière, son stylo a lâché. Il a écrit « Bart doen barsten... » puis la grosse tache. Il ne sait plus qui va crever.
L’épouse se demande si le saucisson dans le frigo est encore assez frais pour les tartines de Bart et celles des enfants, ce n’est pas au grand homme à s’inquiéter des contingences. On ne sait pas ce que Napoléon a mangé le matin du 18 brumaire. On ne connaîtra pas le nom du fromage que l’épouse de Bart sortira du frigo, au lieu du saucisson qui aura tourné casaque à la journée du 13.
Ce sera une énigme de l’Histoire, pour le docteur Cabanès de 2050.

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